Spéculations

C’est déjà la rentrée, mais le nouveau numéro de Bruxelles en mouvements garde un goût de vacances ! Depuis quelques années, les numéros (de début ou de fin) d’été sont devenus l’occasion d’une respiration, d’un pas de côté aux gros dossiers bruxellois que nous traitons le reste de l’année. Après avoir passé plusieurs étés à domicile à regarder Bruxelles sous un angle ludique, poétique ou musical suivi de quelques voyages du côté des luttes urbaines internationales, IEB a cette année contacté les étudiants du Master en narration spéculative l’ERG (l’École de Recherche Graphique) pour imaginer un voyage dans le temps.

Initialement pensée comme un regard dystopique sur Bruxelles, cette commande s’est vite vue renversée par les principes de la narration spéculative. Spéculer en narration, c’est avant tout tenter de faire advenir dans les récits des situations que nous voudrions voir devenir réelles. Dès lors, plutôt que de penser une énième catastrophe urbaine et architecturale, l’envie de cet atelier de l’ERG était plutôt de proposer des histoires qui mettraient en scène un Bruxelles et un futur désirable.

Et à partir des plus petites échelles, celle d’une rue ou d’un quartier, nous avons pu faire un constat : un Bruxelles désirable existe déjà. IEB et les étudiants ont donc arpenté les quartiers traversés par le canal situé entre le Bassin Vergote et la Porte de Ninove ainsi que le quartier de la Gare du Midi, de l’Avenue de Stalingrad et de Cureghem. L’occasion d’aborder les enjeux et les tensions de ces espaces (chantier du métro 3, disparition des activités productives et industrielles, pression sur le logement abordable, le rôle du canal dans les politiques d’attractivité territoriale…). Pour une partie des étudiants, fraichement arrivés à Bruxelles, ce fut une autre façon de découvrir notre ville, loin des cartes postales…

À partir de là, des groupes d’étudiants, issus de disciplines artistiques variées – bande dessinée, illustration, peinture, vidéo, photographie, sculpture, etc – se sont regroupés autour d’un lieu, d’une question, explorant les rues, prenant contact avec des habitants, des ASBL, des comités de quartiers et ont mis en place des ateliers collectifs destinés à alimenter les pages de ce numéro spécial.

Au fil des 24 pages de ce journal, vous trouverez donc : textes, photos, illustrations, bande dessinée et quelques contenus débordants des pages et vous invitant à vous rendre en ligne. Le tout forme une déambulation dans ce Bruxelles désirable, l’occasion d’observer la vie cachée du canal, d’arpenter les tunnels et couloirs d’un Palais du Midi sauvé de la destruction et réinvesti par les habitants de son quartier, d’admirer les maisons et écoles rêvées par des écoliers d’Anderlecht, d’être plongée au cœur d’une assemblée de démocratie urbaine sur le site du Cheval noir à Molenbeek, de rouler dans la Halle Libelco du quartier Heyvaert désormais réappropriée par les habitants et de faire un dernier tour de piste à Tour et Taxis avant de faire halte pour un moment de détente bien mérité avec une page de jeux.