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24 octobre 2016 • Mathieu Sonck
Alors que le dernier opus de l’Observatoire des loyers indique une relative stagnation des loyers pour l’ensemble des locataires en 2014, il faut noter que cette stagnation fait suite à une hausse continue des loyers depuis le début du siècle et un net décrochage par rapport à l’indice santé. Cette réalité se concrétise de façon éclairante dans l’analyse de la part théorique du parc locatif accessible à chaque décile de revenus. En 2015, 50% des locataires n’auraient accès qu’à 9% du parc locatif s’ils consacraient un maximum de 30% de leur budget à leur loyer.
Face à cette situation catastrophique, les pouvoirs publics semblent avoir choisi la voie de la production de nouveaux logements, qu’ils soient privés ou publics. Résoudre la crise en produisant plus, voilà un projet qui sied au secteur privé. Mais les promoteurs immobiliers sont-ils en mesure de répondre à nos besoins de logements ? C’est l’objet du premier article proposé dans ce dossier. Un second article aborde la production de logements publics et plus spécifiquement, partant du constat accablant de la faiblesse de cette production, sur la tentation des pouvoirs publics de passer la main au secteur privé et de perdre toute velléité de maintenir, voir d’augmenter la maîtrise publique du foncier bruxellois.
Si ce dossier se penche sur la production de logements, il ne faudrait pas pour autant réduire la crise actuelle à une simple pénurie. Il y a bien une pénurie de logements bon marché à Bruxelles, qui a comme conséquence que pour une majorité d’habitants aujourd’hui, les frais de logement pèsent d’une façon intolérable sur leur budget, que ce soit sous la forme d’un loyer ou d’un emprunt à rembourser. Mais la production de nouveaux logements pourrait difficilement, à elle toute seule, résoudre le problème. Elle représente, les meilleures années, quelques milliers de nouveaux logements qui vont s’ajouter à un stock d’un demi-million de logements existants : un accroissement de moins d’un pourcent par an. Ce chiffre montre que, si la question mérite d’être étudiée (qui produit des logements ? à quel prix ? Pour qui et pour quoi ?), la « politique du logement accessible » doit avant tout être menée sur ce stock de logements déjà là… c’est-à-dire en « socialisant » une plus grande partie de ce stock et/ou en intervenant sur le marché privé.
La 6e réforme de l’État donne à la Région bruxelloise une occasion unique de penser un système de régulation des loyers sur le marché privé. C’est dans ce cadre que la Déclaration de politique générale du Gouvernement bruxellois indiquait dans son programme la volonté de créer une grille de référence indicative des loyers. Si l’ordonnance sur les baux, adoptée en première lecture par le gouvernement acte la création de cette grille, on ne sait encore rien de son contenu (sera-t-elle une photographie du marché à un moment donné, et si oui, à quel moment ? Comment s’assurer qu’elle soit adaptée aux revenus de tous les Bruxellois ? Où prendrait- elle en compte les revenus des Bruxellois ?), rien n’est prévu pour la rendre opérationnelle, ne serait-ce que pour combattre les abus des propriétaires profitant de la faiblesse des locataires à la recherche désespérée d’un logement modeste, décent et abordable. Le troisième article de ce dossier analyse et propose quelques pistes pragmatiques qui, dans le cadre de l’accord de majorité actuel, pourraient constituer des avancées dans la bonne direction.
Mais nous nous en voudrions de ne pas préciser que d’autres mesures sont également possibles. Citons tout de même l’instauration d’une grille de référence qui aurait force obligatoire, ne serait-ce que pour les logements modestes, par le blocage pur et simple des loyers et/ou de l’indexation de ceux-ci, au moins le temps de rétablir un minimum d’équité entre locataires et bailleurs, etc. Et de nous interroger sur ce qui coince dans les salons feutrés des cabinets ministériels quand il s’agit, tout de même, de se saisir d’une problématique qui concerne la majorité des Bruxellois. Au fait, quel est le taux de propriétaires bailleurs dans les lieux où se décide la politique du logement en Région de Bruxelles-Capitale ?