Pour un audit citoyen de vos contrats de quartier…
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3 novembre 2015 • Stéphanie D’Haenens
Au printemps 2015, Démocratie Schaerbeekoise [1] et IEB organisaient une assemblée citoyenne et associative posant la question : « À qui profitent les Contrats de quartier ? Pour un audit citoyen des réalisations à Bruxelles » [2]. Une cinquantaine de personnes étaient présentes pour témoigner et échanger leurs observations de terrain. Ce Bruxelles en mouvements se veut une prolongation de cette soirée et un appel à un audit citoyen des Contrats de quartier (CQ).
Si le terme « contrat » renvoie à un modèle de gestion, comme nous le rappellent Mathieu Van Criekingen et Abderazzak Benayad, son acception par les habitants des quartiers ciblés est toute différente. Curieux, ils entrevoient dans ce dispositif un levier d’action à échelle humaine, une promesse de mieux vivre. Or le « contrat » consiste pour le gouvernement régional à contractualiser l’emploi des subsides qu’il octroie aux communes, pour réinvestir des quartiers qu’il a lui-même choisis et selon des axes qu’il a lui-même définis.
Les premiers bénéficiaires supposés de ces programmes de rénovation urbaine témoignent d’un sentiment d’exclusion et d’une opacité des montants en jeu. Invités à participer, ils se disent oubliés dans les décisions finales, en attestent les témoignages entendus lors de cette assemblée et les paroles d’habitants recueillies par Mohamed Benzaouia. Tous pointent la vacuité du processus participatif, prête-nom d’une politique du fait accompli.
En réalité, les promesses initiales des CQ – rénover en permettant aux habitants (pauvres) de rester dans leur quartier et de participer à la dynamique de rénovation, créer du logement social, de l’emploi, des infrastructures, des projets socio-économiques, du lien social, etc. – semblent servir in fine à attirer des nouveaux habitants dans des quartiers considérés par les « gestionnaires publics » comme encore trop peu « désirables ».
Au-delà de la critique des pouvoirs publics, Dominique Nalpas tente de décortiquer la notion de participation à laquelle nous nous accrochons tant. À la lumière d’une lecture du philosophe pragmatiste John Dewey, il nous invite à poser notre regard non pas sur l’État (qui organise la participation) mais sur le Public (qui y prend part). En définissant le public comme un ensemble de personnes indirectement affectées, c’est-à-dire « celles dont la liberté d’agir, la latitude d’association ou la paix sont entravées par l’impact des actions d’autrui », il redonne un autre rôle à l’État celui de rétablir la liaison entre le subir et l’agir, et de faire participer les citoyens à l’élaboration des conditions de leur vie.
Dans cette perspective, la demande de réalisation d’« un audit citoyen des Contrats de quartier », exprimée par les habitants des quartiers de cette ville qui étaient présents lors de l’assemblée, doit être considérée comme un fait majeur qu’il nous faut soutenir… Même si, comme le souligne Claude Archer, il est délicat pour une association dont les subventions dépendent du CQ d’émettre des critiques du pouvoir subsidiant sans craindre de voir une partie de ses subventions disparaître.
Cependant, les Contrats de quartiers par leur caractère de proximité directe entre notre cadre de vie et les objectifs politiques des investissements publics ne seraient-ils pas aussi des espaces privilégiés pour exercer l’expertise citoyenne et questionner l’attribution de l’argent public ?
À ce titre, il nous semble essentiel de poursuivre la récolte des témoignages et de questionner sans relâche : Pourquoi notre quartier a-t-il été choisi ? Combien de nouveaux logements sociaux seront-ils créés ? A-t-on pensé à tous les habitants ? Qui paie les travaux ? La commune a-t-elle les moyens humains et logistiques pour réussir ces projets ? Qui va entretenir les nouveaux espaces publics ? Quels délais pour la réalisation des projets ? Quelles différences entre le projet initial et le projet final ? Les habitants se sont-ils réapproprié les nouveaux espaces publics ? Combien d’emplois ont-ils été créés ? Combien de personnes ont trouvé un emploi suite aux formations mises en place ? Qui sont les bénéficiaires des subventions (associations, bureaux d’étude et d’architecte, promoteurs, entrepreneurs, etc.) ?
Pour motiver des habitants à se pencher sur autant de questions, une nouvelle dynamique (financée par la Région ?) serait nécessaire. Devrait-on défrayer les habitants des milieux populaires qui y participent ? Comment réunir à nouveau des Commissions de quartier dissoutes ? La récolte de témoignages de terrain nous semble une première étape.
Envoyez-nous vos témoignages, questions, commentaires sur votre contrat de quartier à info@ieb.be. |
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Stéphanie D’Haenens
Inter-Environnement Bruxelles
[1] Mouvement pluraliste né en 1988 sous le coup de la réélection de Roger Nols. Il rassemble environ 150 membres aujourd’hui et n’a de cesse de suivre la politique communale de près.
[2] Lire l’article paru dans le journal schaerbeekois Elzelstad : www.ezelstad.be.