Nature(s) en ville

https://www.ieb.be/10728
27 juin 2012

On l'aura dit et redit tout au long de ce dossier : la nature en ville, ce n'est pas une nature, mais des espaces semi-naturels, des espaces verts, des parcs, des friches, des potagers... Bref, il y en a plein. Pas assez, certes, mais plein.

Une multitude de formes qui demandent toutes à être entretenues différemment, qui demandent à être différenciées : on ne protège pas et on ne visite pas une zone à haute valeur biologique comme on cultive un potager ou qu’on pique-nique dans un parc.

L’idée de « nature » au singulier, marchait très bien quand nous pensions ne pas devoir nous en tracasser. Quand les activités humaines s’exerçaient dans un arrière-plan « naturel » qui semblait infini, réservoir de ressources sans limite, une nature indestructible. Mais dans les villes comme dans les campagnes soumises à une occupation croissante des sols par les humains,lorsque les catastrophes naturelles, la pollution des sols, le bruit, la circulation automobile et ses particules fines, le manque de soleil, quand tous ces éléments viennent perturber le partage entre humains et nature, que faire ? Ce partage qui nous autorisait à ne pas nous tracasser ne tient plus, et partout on commence à vouloir protéger ce qui se révèle comme bien autre chose qu’un simple décor.

Se réapproprier la nature comme autre chose qu’un décor peut se faire d’une multitude de manières. Ce BEM en raconte quelques-unes : réappropriation de friches, travail de prévention, découverte de nouvelles sensibilités avec la nature, redistribution des espaces et des ressources naturelles.

Ce qu’esquisse également ce BEM, c’est que ne pas accepter la distinction entre ce qui serait « naturel » et ce qui ne le serait pas ne se joue pas qu’au niveau du dehors, des espaces, mais peut aussi s’élargir à d’autres dimensions, sociale, mentale, économique, psychologique, existentielle, etc. Et les questions peuvent alors se reconnecter. Comment penser un quartier à partir d’une friche et de ses usages, et non d’une carte ? Comment tracer de nouveaux possibles, des nouvelles manières d’être ensemble à partir de potagers ? Comment rendre possible des zones hors-valeur, où la nature et la biodiversité sont sorties de la valeur marchande ?

La nature ainsi pensée permet de re-politiser des questions qui étaient jusque-là considérées comme ne relevant pas de la politique. Face à la densification croissante des centres urbains, nous sommes maintenant mis en demeure de nous préoccuper à nouveau de questions qui semblaient tranchées. La force de l’écologie urbaine est de sans cesse reconnecter les morceaux du puzzle et d’obliger à repenser les rapports entre les différents usages que nous faisons du territoire.

Oui, à Bruxelles, nous avons besoin de Nature(s), nous en avons besoin sous toutes les formes. Nous voulons lui faire de la place, non pas une place prédéterminée, à laquelle on l’inviterait à rester comme on demande à un enfant en classe de retourner à sa place. Mais lui reconnaître des valeurs, des usages, des importances qu’elle ne peut pas acquérir sans nous. Car là aussi, nous devons l’aider, la nourrir, l’entretenir. On pourra débattre sans arrêt pour savoir si la nature a une valeur intrinsèque mais redonner des valeurs aux natures, se les réapproprier collectivement, se battre à nouveau avec et pour elles, voilà qui nous semble être un joyeux programme !

Inter-Environnement Bruxelles