La ville est un organisme qui vit et respire. Son état de santé est étroitement lié à celui de ses habitants. Prendre soin d’eux et répondre à leurs besoins est donc fondamental, aussi en matière de planification et de politiques urbaines.
Les questions de santé, de bien-être et de qualité de vie doivent impérativement être envisagées dans la politique d’urbanisme afin de résoudre beaucoup des problèmes auxquels sont confrontées les villes aujourd’hui. Le chômage, la pollution, la médiocrité du logement, les inégalités, la pauvreté, les milieux de vie malsains, les difficultés d’accès au travail, aux biens et aux services, le stress et le manque de cohésion sociale : tout cela affecte la santé et le bien-être des personnes. Chacun de ces éléments peut être modifié, d’une manière ou d’une autre, par l’urbanisme. L’urbanisme doit donc faire appel à une approche qui intègre des objectifs de santé.
Un urbanisme pour tous
Une ville en lien avec la santé n’est pas un lieu créé seulement pour les besoins d’un homme adulte sain et actif. C’est un lieu où la pollution, la délinquance, le stress et le chômage sont réduits au minimum et où tous les êtres humains peuvent mener une vie en bonne santé, une vie qui réponde à leurs besoins, quels que soient leur âge, leur sexe, leur origine ethnique, leur état physique ou leur situation socio-économique. Cela implique une action transversale et coordonnée entre l’ensemble des politiques menées en rapport avec la ville et ses habitants.
Certaines personnes croient que mener des politiques d’urbanisme favorables à la santé et au développement durable s’oppose au nécessaire développement économique de la ville. Le développement de politiques d’urbanisme pour la santé serait trop coûteux et les restrictions budgétaires par ailleurs trop importantes pour permettre la réalisation d’un tel projet.
Mais ce que ne voient pas ces détracteurs, c’est qu’un urbanisme qui ne favorise pas la santé contribue à l’augmentation des dépenses de santé, ainsi que de celles des services de police et des services sociaux. Lorsqu’on ne prend pas en compte les besoins des habitants, et en particulier des plus défavorisés d’entre eux, cela alourdit d’autant la charge économique et sociale générale qui pèse sur l’ensemble des individus et des entreprises. En d’autres termes, le problème réel n’est pas de savoir quel serait le coût d’un urbanisme favorable à la santé, mais plutôt de savoir quel est celui de son absence de mise en œuvre.
Un urbanisme pour la santé, c’est un urbanisme pour les habitants. La ville est autre chose que la juxtaposition de constructions, de rues et d’espaces publics.
Une tendance générale
Bien sûr, le cas de Bruxelles n’est pas un cas isolé. Les maladies chroniques, le manque de cohésion sociale, le chômage, la délinquance, les problèmes d’accès aux services de base et surtout à un logement décent sont des phénomènes qui augmentent régulièrement dans la plupart des villes d’Europe et qui partout in fine pèsent lourdement sur le budget des ménages. L’urbanisme pour la santé, associé à d’autres politiques économiques, sociales et environnementales, destinées à promouvoir la santé et la durabilité, peuvent apporter une solution à tous ces problèmes sociétaux.
Malheureusement, l’urbanisme pour la santé (au sens global du terme) est loin d’être une notion concrète dans nos villes européennes. Dans la pratique, beaucoup d’urbanistes travaillent encore aujourd’hui de façon « traditionnelle ». Ce mode de fonctionnement se caractérise par l’absence de coordination entre les activités sectorielles, par le développement de programmes d’intérêt secondaire et par une vision à court terme des conséquences des décisions prises, particulièrement en ce qui concerne les bénéfices économiques.
La récente adoption du PRAS démographique illustre parfaitement cette dérive. En réponse au boom démographique annoncé, les changements d’affectation introduits par rapport à la version précédente du plan font la part belle aux fonctions fortes et rentables que sont aujourd’hui le logement privé et les équipements visant au rayonnement et au prestige international de Bruxelles.
Les fonctions faibles quant à elles sont profondément mises à mal ou simplement ignorées alors qu’elles constituent autant de réponses aux besoins réels des ménages bruxellois. C’est particulièrement le cas du logement public, de certains équipements, comme les écoles ou les prisons, et de l’industrie urbaine, qui se retrouvent bien souvent confinés dans de zones de plus en plus reculées du territoire où les terrains sont moins chers mais où l’accessibilité et la déconnexion au tissu urbain existant sont de vrais problèmes.
Une petite lueur d’espoir ?
Malgré tout, un nombre croissant de villes européennes reconnaissent le lien qui existe entre la santé et l’urbanisme. Elles prennent entre autres des mesures pour intégrer le programme SANTÉ 21 de l’OMS [1] qui encourage l’intégration et la prise en compte de la santé dans les pratiques urbanistiques. Ceci implique d’une part la prise en compte d’éléments tels que la justice sociale, la coopération intersectorielle, la participation et la durabilité, l’accessibilité aux transports en commun, aux espaces publics et au logement, la mise en place d’outils de monitoring ainsi que le tissage de liens avec les autres dynamiques en cours au niveau local (Agenda 21 locaux, renouvellement urbain, vie locale,...).
Un réseau de Villes-Santé auquel adhère notre Région a également été mis sur pied par l’OMS. Il s’agit là encore de soutenir des initiatives et des programmes qui vont dans le sens d’une meilleure prise en compte des besoins des habitants en termes de santé dans le cadre l’organisation de la planification urbaine.
Au niveau bruxellois, deux appels à projets ont été lancés : « espace public » et « la mobilité dans sa tête, dans son corps et dans l’espace ». Les démarches menées dans ce cadre partent de diagnostics de terrain et d’analyses des besoins avec les habitants. Il s’agit donc avant tout de faire remonter leur parole vers le politique et de faire prendre conscience aux habitants de l’environnement réel dans lequel ils vivent et des actions qu’ils peuvent entreprendre afin de travailler à l’amélioration de celui-ci en particulier par l’interpellation des pouvoirs publics compétents pour tenter de résoudre les difficultés qu’ils rencontrent.
Par ailleurs, une étude a été menée sur la santé subjective des Bruxellois. Les résultats illustrent que malgré tous les efforts budgétaires fournis dans les quartiers populaires (contrats de quartier,...), ils sont toujours le lieu de concentration du mal-être de la population. Ceci montre l’inefficacité de ces politiques de rénovation urbaine qui concentrent trop souvent leur action sur l’espace public au détriment d’une aide directe et concrète aux ménages dans le besoin, notamment en matière de santé et de logement.
Classification des facteurs d’influence sur la santé selon l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale Les facteurs qui agressent :
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[1] www.who.int/fr/.