Inter-Environnement Bruxelles
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Tour et Taxis : non au monstre du Lake Side !

Ce mardi 18 mars s’est tenue la commission de concertation chargée de remettre un avis sur le projet « Lake Side » du promoteur immobilier Nextensa. Plus de 50 personnes y étaient présentes et 272 réclamations avaient été introduites tandis qu’une pétition s’opposant au projet avait réuni plus de 3200 signatures. Si le projet fait autant réagir, c’est qu’il est complètement déconnecté des besoins sociaux, environnementaux et économiques des quartiers qui l’entourent. Les associations demandent de refuser la demande de permis et de revoir en profondeur le Plan Particulier du Sol (PPAS) de la Ville de Bruxelles qui le rend possible.

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44 millions d’euros, c’est le prix de vente des 30 hectares de terrain vendus par les pouvoirs publics à LeaseInvest (aujourd’hui Nextensa) en 2001. Une aubaine pour le promoteur immobilier puisque la valeur du terrain y était calculée sur base de sa fonction industrielle, la seule permise par le Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS). La même année, la Région bruxelloise modifiait pourtant ce dernier pour y autoriser la construction de logements, de bureaux et de commerces augmentant de facto très fortement la rentabilité du terrain. Pourtant, aucune plus-value ne fut captée par le public.

Dès lors, seule la programmation future du site pouvait encore assurer un retour pour la collectivité. C’est en ce sens que la Région a approuvé un Schéma Directeur en 2009, réalisé à l’issue d’une dynamique participative, qui vise à trouver un équilibre entre les besoins urbains locaux et l’attractivité régionale du site. Celui préconise la construction d’un minimum de 40 % de logements, dont 30 % de conventionnés et 20 % de logement social. Le reste de la superficie se partageant entre 20 % de bureaux et 20 % d’équipements et de commerces.

Cette vision stratégique devra ensuite être confirmée dans un PPAS réglementaire établi par la Ville de Bruxelles. Mais il faudra attendre huit ans pour que son approbation se concrétise. Négocié entre la Ville et Nextensa, celui-ci jette aux oubliettes la vision partagée du schéma directeur et ouvre grand la porte à la spéculation : la proportion de bureaux autorisée est doublée, la proportion de logements conventionnés passe de 30 à 11 %, le logement social est tout simplement supprimé tandis que les équipements dégringolent de 20 à 5 %. La construction de tours allant de 24 à 150 mètres de haut est en outre autorisée.

Le projet « Lake Side » constitue la dernière grande phase d’urbanisation du site : 747 logements, 100 chambres de co-living et 38.233 m² de bureaux (pour Proximus) qui s’accompagnent de seulement 2,7 % d’équipements répartis sur 16 immeubles.

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Une offre de logement hors de portée de la majorité des Bruxellois

Tandis que les loyers et les prix d’achat du logement en région bruxelloise ne cessent d’augmenter et que la liste d’attente du logement social compte désormais plus de 60.000 ménages, « Lake Side » construit une très grande majorité de logements privés à des prix inaccessibles pour une grande partie des habitants. Annoncé un mois et demi avant l’enquête publique (alors que le projet est en gestation depuis 2009), l’ajout de 61 logements sociaux au projet relève de l’argument marketing destiné à faire passer la pilule : aucun accord n’est passé avec la SLRB à ce jour. Quand bien même ceux-ci pourraient voir le jour dans le futur, ils ne compteraient que pour 4 % de la programmation à l’échelle du site, bien loin des 25 % que la Région souhaiterait imposer aux grands projets immobiliers futurs, et seraient pour partie des logements de moindre qualité refourgués à la Région par le promoteur. Quant au logement conventionné, portion congrue du programme, aucun opérateur public n’y est associé au stade de la demande du permis. Nextensa pourrait donc les vendre lui-même sans mécanisme de contrôle public clair. Ce qui s’est d’ailleurs passé lors de la première phase d’urbanisation du site « Park Lane »…

Toujours plus de bureaux

La construction de 38.332 m² de nouveaux bureaux sur le site alors que la Région compte déjà plus d’un million de m² de bureaux inoccupés peut difficilement se justifier sinon pour y recaser Proximus, l’occupant de la Tour du quartier nord dont Nextensa s’est porté acquéreur. Alors que le PPAS permet la création d’activités productives sur le site, celles-ci ont été complètement évincées du projet. Elles sont pourtant essentielles pour la création d’emploi local dans la zone logistique du canal.

Des équipements publics largement insuffisants

Le projet annonce la création d’une crèche, d’une bibliothèque et d’un centre de formation pour adulte tout en reconnaissant qu’il s’agit là de pures hypothèses, sans aucune garantie. Ces équipements, absolument nécessaires par ailleurs, ne sont pas en mesure de couvrir les nouveaux besoins générés par le projet sans même parler des carences déjà observées dans les quartiers environnants. Le diagnostic établi par Perspective.brussels en 2020 rejoint les revendications historiques des habitants : le site de Tour et Taxis a besoin de la création d’équipements scolaires et culturels, d’équipements sportifs, de maisons médicales, de salles polyvalentes, de structures d’accueil pour les jeunes et la petite enfance, d’espaces de formation professionnelle… Tout une série de besoins qui nécessitent un rééquilibrage du pourcentage d’équipements créés. De plus, rien ne garantit aujourd’hui le caractère public de ces équipements. Lors de la phase « Park Lane », Nextensa a construit une maison de soins pour personnes âgées, financée par les charges d’urbanisme de la Région, dont l’actionnaire principal était, jusqu’en 2022, Ackerman & Van Haeren, lui-même actionnaire de Nextensa.

Bétonisation et imperméabilisation : à contre-courant des enjeux climatiques

Le projet et les espaces publics, majoritairement construits sur dalles de béton surplombant un parking souterrain, augmenteront le taux d’imperméabilisation du site à 71 %, menaçant la recharge des nappes phréatiques, augmentant les risques d’inondations et limitant la biodiversité dans les espaces verts qui seront en réalité « des toitures vertes » au sol. La densité du programme permise par le PPAS se traduit par la construction de tours qui engendreront des effets négatifs en termes de micro-climat et d’ombrages, tant sur les entreprises jouxtant le site que sur le parc existant.

Des charges d’urbanisme… au bénéfice du promoteur ?

Nextensa propose aux pouvoirs publics d’utiliser l’entièreté des charges d’urbanisme générées par le projet, soit 6.518.200 €, à la création du logement conventionné afin de compenser son «  manque à gagner  ». La portion congrue de logement conventionné constitue pourtant le seul retour public imposé par le PPAS au promoteur, qui cherche ici à maximiser ses profits. L’utilisation de ces charges ne devrait être utilisée ni pour financer les obligations du promoteur ni pour améliorer les espaces publics du projet, mais bien pour créer du logement abordable et social sur le site !

Nos revendications :
Face à ces constats, nous demandons :

  • Le refus du projet ’Lake Side’ en l’état et une révision complète du PPAS.
  • L’intégration d’une clause imposant au moins 25 % de logements sociaux sur le site.
  • Une augmentation significative des équipements collectifs pour répondre aux besoins locaux.
  • Une réduction des surfaces de bureaux inutiles au profit d’activités productives et de logements accessibles.
  • Une garantie du caractère public et d’accès libre pour le parc et les espaces verts du projet.
  • Une étude plus poussée sur la mobilité, particulièrement en matière de stationnement pour les habitants actuels et futurs.