Jérôme Matagne, Nicolas Prignot et Mathieu Sonck — 18 décembre 2012
Le gouvernement approuvera prochainement le projet de Code Bruxellois de l’Air, du Climat et de la Maîtrise de l’Énergie (COBRACE). Ce code est nécessaire pour permettre à Bruxelles de respecter ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique, contre la crise énergétique mais aussi contre la pollution de l’air. Inter-Environnement Bruxelles soutient l’initiative du gouvernement mais la trouvent beaucoup trop timide.
Le COBRACE est nécessaire, il doit être efficace. IEB prie le gouvernement de renforcer ce code, bien trop timide pour véritablement répondre aux défis de la pollution de l’air, du changement climatique et de la crise énergétique.
Adopté en première lecture au printemps, le Code Bruxellois de l’Air, du Climat et de la Maitrise de l’Energie (COBRACE) traîne à être adopté en seconde lecture par le gouvernement bruxellois. Ce code vise à intégrer les politiques régionales de l’air, du climat et de l’énergie, en conformité avec diverses directives européennes, des réglementations existantes, mais prend également quelques initiatives intéressantes, permettant de réduire les émissions de polluants et l’utilisation de sources d’énergie non renouvelables.
Ce code a pour but de rendre effectives les décisions prises par le gouvernement lors de sa formation et les promesses des différents plans existants (Iris2, Air-Climat,...). Les associations signataires approuvent cette intégration dans un cadre juridique clair, faisant force de loi. Mais le COBRACE ne doit pas renier les engagements passés : il ne peut ni être un cache-misère ni une tartufferie.
De par l’étendue des matières couvertes par le Code, de nombreuses mesures copient – ou complètent – des mesures intégrées à d’autres textes légaux existants ou en cours d’élaboration. Il faudra veiller à une cohérence totale entre les mesures du Code et les autres normes législatives et tout particulièrement avec les objectifs des futurs Plan Régional de Développement Durable et Plan Régional d’Affectation des Sols Démographique. En effet, bien qu’IEB estime qu’un grand nombre de mesures édictées par le COBRACE ne sont pas assez ambitieuses et n’auront qu’un impact limité, il est tout de même prudent d’en minimiser les possibilités de dérogations et, par conséquent, de les couler dans les textes fondamentaux de la politique régionale.
Bâtiment : pas de dérogations !
Le COBRACE prévoit des exigences en matière de performance énergétique à toutes les constructions neuves et rénovations lourdes. Mais il prévoit pour les constructions neuves une dérogation possible « pour couvrir les cas inattendus dont l’impraticabilité n’aurait pas été envisagée ».
Un projet neuf, contrairement à une rénovation lourde, s’il est bien conçu, n’est pas dépendant des imprévus découverts en cours de chantier. Nous demandons qu’il ne soit pas prévu de procédure de dérogation pour les constructions neuves.
Les gros propriétaires doivent donner l’exemple
Le Plan Local d’Actions pour la Gestion Énergétique (PLAGE) consiste en l’identification et la réalisation progressive d’un ensemble coordonné d’actions menant à des économies d’énergie relatives aux bâtiments. Jusqu’à présent, PLAGE se faisait sur base volontaire. Le futur COBRACE propose de rendre l’audit obligatoire pour les propriétaires de plus de 300 000m².
Sous peine d’être inutile, voire contourné par les propriétaires tentés par une filialisation de leurs biens immobiliers, le programme PLAGE doit être appliqué dès le seuil de 50 000 m². Abaissé de la sorte, il permettrait, de toucher un nombre beaucoup plus substantiel de propriétaires. La tenue d’un tel cadastre pour de si gros propriétaires fonciers est tout simplement la moindre des choses : il s’agit simplement de savoir ce que consomment les bâtiments, afin de cibler au mieux les mesures à prendre afin de réaliser... des économies ! Il est bien évident que la consommation d’énergies fossiles n’est pas un investissement utile ni nécessaire, et qu’elle ne doit aucunement être encouragée par la Région.
Ecoscore des taxis
Les associations signataires applaudissent l’initiative du gouvernement d’aider les taxis à faire le bon choix lors de l’achat d’un véhicule. Il est extrêmement important de voir la flotte de taxis bruxellois aller vers des véhicules de moins grosses cylindrées, émettant moins de polluants et consommant moins de combustible fossile. Aujourd’hui, la flotte de taxis reste prisonnière d’une image dépassée, et doit s’orienter comme le reste du marché de l’automobile, vers des véhicules moins polluants. La volonté du gouvernement de fixer un seuil « ecoscore » en dessous duquel un véhicule ne pourra être mis en circulation est une bonne chose. Il faut aider les chauffeurs de taxis à faire le bon choix, sans lequel les prix des carburants augmentant, il faudra encore augmenter le prix des courses de taxis. Fixer un ecoscore performant est donc une priorité, autant pour les usagers que pour les chauffeurs de taxis eux-mêmes. Le carburant qui sera économisé permettra d’éviter des pollutions inutiles, tout comme il permettra de rendre les taxis plus compétitifs. Nous demandons donc pour ces raisons que le seuil d’ecoscore soit fixé à 71, et non de 69. De plus, l’évolution programmée d’une unité tous les 18 mois n’est pas une évolution réaliste, car la flotte belge augmente son ecoscore d’un point par année en moyenne. Demander aux taxis d’évoluer moins vite que la moyenne des véhicules belges est une erreur qui sera dommageable autant pour les utilisateurs que pour les chauffeurs. Il est nécessaire pour maintenir la compétitivité des taxis de faire évoluer ceux-ci avec la même rapidité que l’ensemble de la flotte belge, voire plus vite, de deux points par année par exemple. Il en va de la viabilité économique de l’industrie des taxis !
Pas d’exceptions pour les parkings excédentaires
Le COBRACE prévoit de revoir à la baisse le nombre de places de parking hors voiries dont disposent des entreprises lors du renouvellement de leur permis d’environnement.
Néanmoins, le renouvellement d’un permis d’environnement ayant lieu tous les 15 ans, l’ensemble des places de parking potentiellement visées par cette mesure ne sera pas touché avant 15 ans... ce qui est bien en dessous des objectifs que s’est donnés le gouvernement dans les plans successifs concernant la mobilité.
Par ailleurs, le COBRACE prévoit que les entreprises pourraient s’acquitter d’une taxe de 500€ par an (augmentée de 15 % par an) afin de conserver des places de parking qui n’auraient pas été jugées nécessaires lors de la délivrance du permis d’environnement. Le montant de cette taxe est beaucoup trop faible, les entreprises préféreront payer dans un premier temps cet « avantage » à leurs employés plutôt que les encourager à changer de comportement, ce qui n’est évidemment pas le but. Nous demandons donc l’adoption d’une taxe qui ne soit pas inférieure à la valeur locative annuelle du bien. Nous demandons aussi de limiter la possibilité du recours à la taxe dans le temps. A partir de 2016 ou 2017, les entreprises auront eu suffisamment de temps pour adapter leur plan de déplacement afin de pouvoir gérer la nouvelle situation.
Nous demandons également que soit levée l’exception pour les places de parking affectées aux activités artisanales, industrielles, logistiques, d’entreposage ou de production de service matériels et aux équipements d’intérêt collectif ou de service public. En effet, le permis d’environnement étant un outil flexible, il permet de faire la part des choses entre les places utiles et inutiles.
Le secret des négociations gouvernementales est bien gardé, et nul ne peut connaître l’ampleur des modifications subies par l’avant-projet de loi. Les reports successifs de son adoption nous révèlent tout au plus l’existence de tensions au sein de la majorité gouvernementale bruxelloise. Toutefois, des rumeurs et chiffres circulent, qui nous font craindre le pire. A titre d’exemple, citons la décroissance du nombre de places de stationnement qui pourraient disparaître (ou être taxées). Au printemps, les premiers calculs portaient l’estimation à 55 000. Avec les feuilles mortes, ce chiffre est tombé à 25 000. Et encore, il ne serait pas question de suppression mais de mise à disposition des riverains. IEB craint que le tapage médiatique organisé par les lobbies automobiles ait eu raison d’une mesure efficace qui aurait permis d’atteindre un des objectifs du plan Iris2.
Conclusions
Il est nécessaire que la Région se mette en conformité avec les directives européennes en vigueur, et ce sans délai. Sans les amendements proposés ici, Bruxelles ne respectera pas les engagements pris dans l’accord gouvernemental de 2009 en matière de protection du climat et exposera la Belgique à une amende salée pour non-respect de la directive européenne sur la qualité de l’air. A ce propos, il est temps d’informer en temps réel les usagers de la ville de l’air qu’ils respirent en installant au plus tôt des panneaux électroniques indiquant la qualité de l’air aux carrefours.
Participation citoyenne
Malgré ses faiblesses, IEB souligne l’importance de l’adoption d’un plan quinquennal portant sur l’air, le climat et l’énergie. Ce plan, permettant d’avoir une véritable vision sur l’avenir de Bruxelles, doit être mis en place avec la participation de tous. Ainsi, nous demandons que la période d’enquête publique sur ce plan soit allongée à 6 mois, comme ce fut le cas pour le plan Eau. Pour rappel, cette période de temps longue a permis dans le cas du plan Eau une large participation de la population et la remise d’avis circonstanciés. Tout doit être fait pour promouvoir la prise en main du plan par les citoyens bruxellois.