Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Témoignage : Bara Lego

Si par mégarde vous vous aventuriez au-delà de la gare du Midi vers la place Bara, il y a un certain nombre de choses que vous devriez accepter de ne pas trouver.

© Elise Debouny & Céline Serrad - 2021

En premier lieu, c’est un quartier sur lequel on tombe bien souvent par hasard, car aucun panneau indicateur ne l’indique. Ici pas d’aménagements pour les piétons ou les cyclistes, les usagers dits « faibles » n’ont pas le droit de cité. Le règne de l’automobile est ici bien ancré avec pour climax des feux qui ne passent plus jamais au rouge, laissant aux automobilistes, dont on connaît la légendaire courtoisie, le soin de laisser passer, ou non, les piétons. De plus, vous trouverez sur la place Bara, les seuls passages piétons courbes de Belgique, ce qui vous obligera donc à marcher en tournant. Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas évident. Mais après cela, rassurez-vous, vous pourrez vous reposer de vos émotions sur les larges et multiples bancs de la place. Les bancs, vous trouverez, c’est sûr ; la tranquillité et l’air pur par contre... A peu près aussi peu que d’arbres ! Arbres, disposés comme il se doit, en arrondi autour de la place. En arrondi, pour que vous compreniez bien, si vous ne l’aviez déjà fait, le dessin du génial urbaniste : un ovale, vous êtes donc bien au centre de l’ovale !

De cafés, pour vous restaurer, vous ne trouverez pas (qui voudrait d’une terrasse dans le brouillard de monoxyde de carbone ?). Pas d’épicerie non plus, pour la même raison, mais surtout parce qu’il est bien connu que les habitants du quartier jeûnent la semaine, en attendant le Marché, qui n’a lieu, lui, que le dimanche.

D’ailleurs de quels habitants parlons-nous ? Tout au plus quelques centaines d’égarés ayant la curieuse idée d’habiter à côté d’une gare ! Mais voyons, une gare ? C’est fait pour faire des projets de « Jonctions Multimodales », de « Développement International », de « Vitrines de la Ville » ! Des habitants si éloignés de la place Van Meenen, de la place de la Vaillance, qu’on peut difficilement les considérer comme des habitants à part entière. Habitants de la périphérie, habitants de la zone trouble entre deux quartiers troubles, simples petites effigies simiesques de maquettes, banlieusards des quartiers centraux, juste un peu trop loin du centre pour être dignes d’intérêt.

Habiter le quartier Bara, c’est vivre dans un plan d’urbaniste au quotidien.

Un truc conçu de haut, comme si on concevait les villes dans GoogleMap. Comme si des urbanistes s’étaient posés en haut de la Tour du Midi avec une maquette géante du quartier et leurs boîtes de Lego pour réaliser leurs rêves les plus débiles.

C. L.
Habitant du quartier