Bruxelles ma belle. Ma Terre culturelle.
Où je suis exilé·e.
Loin du sud, loin de chez moi.
Pays de Charleroi.
Bruxelles ma belle que t’est-il arrivé ?
Où est cette ville qui ne dort pas ?
Et qui toujours se boit.
Où sont tes passant·es endormi·es dans l’aube absinthe, grise ?
Tes bars et tes troquets pourris ?
Où sont tes festivals ? Tes soirées de gala ?
Tes théâtres remplis, où sont tes cinémas ?
Tes Bruxellois bourrés de principes-otés ?
Tes Bruxelloises aux mille couleurs ? Sourire accroché au cœur.
Tes 36 langues et tes pavés sous les fleurs. Ta pluie d’avril, mélodie de bonheur, ta pluie d’été, et de tous les mois qui lave nos âmes de bourgeois. Où est-elle, ta pluie salvatrice ? Qui te pardonne quand tu t’en câlisses et que t’envoies tout fout’ le camp : le roi, la loi, l’gouvernement.
J’avais trouvé New York en toi. Mais il me semble que sur les toits les violons ne chantent plus. Et Bruxelles, d’interdire continue. C’est la ruée sur tes avenues. Ça fait la file pour du tissu. Pour consommer, vivons. Mais pour un verre, une terrasse, il ne faut plus que l’on s’embrasse. Fini les bisous sur la bouche. Fini les baises. Fini d’aimer.
C’est pour notre sécurité.
Coup de coude, clin d’œil. Derrière des lunettes embuées. Nous sommes dans la visière d’un plan de to-ta-li-ta-rité. Tu l’sens monter le plein régime ? Tu l’sens venir le paroxysme ? L’acmé du coup de sparadrap. Qu’on ne t’enlève qu’une seule fois. Qui arrache les poils et puis la peau et la vertu. Tu la sens venir la mauvaise idée de marcher au pas. L’interdiction de circuler l’esprit ouvert.
L’air c’est dangereux, quand ça ne gonfle pas les bons enjeux, et que ça s’essouffle dans les voiles de la banque nationale. Tu le sens le petit vent de la grande arnaque. Qui donne à tout le monde le trac pour n’pas penser pendant ce temps-là, qu’iels sont trop à mourir là-bas. De l’autre côté où ça se voit pas, qu’on meurt de faim, de guerre, de froid.
Tu l’oublies ce p’tit détail-là ?
T’as l’impression qu’on te dicte quoi faire. Qu’on se fait prendre pour des gros fions, parce qu’on peut plus se faire pochtron. Attends un peu qu’elle passe en douce, la petite loi qui va tout changer. Et faire de Bruxelles une cambrousse à rebrousser. Attends qu’ils taillent à la machette, dans nos semailles, dans nos retraites.
Attends bien que ça soit fini. Cette doucereuse euthanasie. Regarde-là bien ta liberté, que tu laisses lentement s’échapper. Observe Bruxelles une dernière fois. Avant qu’on passe en dystopique. On te l’a bien dit autrefois. D’Orwell à Philip K. Dick. Qu’il en faut peu, de mauvaise foi, pour rendre la vie démo-critique. Alors Bruxelles, réveille-toi. Reprends les armes, sors dans les rues. Et ne laisse pas un mélodrame clouer le bec à ta cohue !
Bruxelles un jour, j’ai cru en toi et tu m’es revenue comme la Mathilde à son Brel. Comme à la fin d’un opéra. Quand tu faisais du peuple belge un mythique peuple de Gaulois. Quand sur l’Impériale, tu avais le cœur dans les étoiles. Ne pends plus ton canal. Mon plat pays a mal. S’il faut le réveiller. Recommence à rêver. Que le vent est au sud, que le vent est au blé, que tout peut encore changer !
Bruxelles relève-toi. Il n’est qu’ici que mon cœur bat. Un peu plus fort et chaque jour que je me tords, sonnent les tambours. Bruxelles ma belle, il n’y a qu’à toi en qui j’ai déposé mon âme, une nuit sous la pluie, sur le pavé de tes charmes. Peu m’importe si j’ai froid, je ne veux plus m’en cacher. Il y a trop de cache-misère, pour se rajouter des œillères. Je ne veux plus qu’on endoctrine. Mon âme, mon corps, ni même ma ville.
Bruxelles redeviens indocile !
À nous la nuit !
À nous d’inventer l’art de demain !
Et s’il faut mourir !
Alors autant le vivre !
Le dernier instant !
Autant l’être intensément !
Puisque de toute façon un jour...
Il ne restera plus rien !
Ni feu, ni amour !
À peine le souvenir...
De ta main dans ma main.