L’actuel plan d’investissements de la SNCB arrive à échéance. Dans les jours qui viennent, la SNCB présentera ses projets pour la période 20 13-2025. Voici les axes stratégiques et les priorités qu’IEB aimerait y retrouver.
Une question de choix politiques
Actuellement, le chemin de fer belge est divisé en trois entités distinctes censées se coordonner : SNCB Holding, Infrabel et SNCB. Dans un premier temps, chacune de ces trois entités doit rédiger son propre plan d’investissements. Le document final ne découlera que de la mise en commun de ces trois plans. Comment garantir que les décisions et orientations prises par ces trois entités seront réellement coordonnées et qu’elles répondront à une série d’objectifs communs ? Nous craignons en particulier que les investissements consentis en infrastructures soient une nouvelle fois opérés sans cohérence avec les logiques d’exploitation du réseau ou avec les objectifs fondamentaux de service aux usagers.
Pour IEB, il est essentiel de partir des objectifs généraux que la SNCB se sera fixés ou, mieux, qu’on lui aura fixés, puisque c’est là le rôle du politique. Dans ce sens, nous estimons qu’il faut à tout prix remettre la notion de service public au centre du projet. Ceci implique de garantir à tous les citoyens l’accès à un service de base de qualité à un prix démocratique, ainsi que d’œuvrer, dans l’intérêt général, pour la réduction des émissions de CO2 en favorisant le transfert de la voiture vers le rail. Les investissements à venir doivent être déterminés au regard de ces deux critères fondamentaux.
Bien sûr, favoriser l’usage du rail au détriment de la voiture individuelle n’est pas de l’unique ressort de la SNCB. Des mesures de limitation des infrastructures routières convergeant vers et autour de Bruxelles devront être prises. Il s’agira également de mettre en place des mesures d’accompagnement contre l’exode urbain que le RER entraînera, ce qui nécessitera, entre autres choses, une bonne planification de la densification autour des nœuds de communication. Néanmoins, le rôle de la SNCB est loin d’être négligeable et seule une politique de transport volontariste et cohérente peut amener un changement dans les modes de déplacement.
Pour une stratégie de service public
Une fois cette philosophie générale établie, il y a lieu de définir un ensemble de choix stratégiques prioritaires. Pour IEB, la stratégie actuelle de la SNCB, qui consiste à renforcer certaines lignes fortes et qui permet certes d’atteindre une croissance assez constante du nombre de voyageurs, ne peut se faire au détriment du reste. Au contraire, le rôle de la SNCB doit bien être de garantir une accessibilité maximale à l’ensemble du territoire et pour le plus grand nombre d’usagers possibles.
Cette approche est loin d’être irréaliste dans la mesure où la Belgique dispose d’un réseau ferré très dense, construit au cours d’une histoire déjà longue. Ne pas utiliser tout le potentiel de cet atout considérable serait une hérésie. Bien sûr, il s’agit également de s’inscrire dans les besoins actuels et de répondre aux enjeux futurs, et c’est dans cet esprit que nous avons élaboré notre propre liste de priorités.
1) Amélioration des fréquences et de la ponctualité
Depuis de nombreuses années, la SNCB table sur une amélioration de la ponctualité, critère qui semble essentiel dans les enquêtes de satisfaction des usagers. D’une part, les mesures qui sont prises dans ce sens semblent inefficaces et d’autre part, ce n’est pas là le seul critère à prendre en compte. Il convient de se pencher également sur les critères qui freinent l’usage du train. A cet égard, la fréquence nous semble essentielle. Ceci est un enjeu important dans le futur développement du RER. Pour qu’il soit attractif, les différentes lignes devront être des-servies au moyen de 4 trains par heure dans chaque sens, même pendant les heures creuses. Cette fréquence devrait par ailleurs être assurée avec régularité (donc un train tous les ¼ d’heure) et non pas de manière aléatoire.
2) Intégration des réseaux
Il est essentiel de penser à une meilleure intégration des réseaux, non seulement au sein de la zone RER, mais également pour les autres régions. La mise en place d’un système de tarification unique (ou intégrée) dans la zone RER nous semble être une des clés du succès de celui-ci. En outre, il faudra évidemment faire correspondre les fréquences et développer les complémentarités entre les réseaux.
Au sein de la Région de Bruxelles-Capitale, le RER devrait à la fois être une alternative aux nouvelles lignes de métro et un moyen pour relier efficacement les quartiers périphériques entre eux. Pourtant, l’objectif de la SNCB pour le RER semble être uniquement d’amener le plus rapidement possible les navetteurs de la périphérie vers le centre de Bruxelles.
3) Prise en compte du polycentrisme
La SNCB semble réaliser son plan d’investissements par elle-même. Or, toute une série d’aménagements et de développements sont planifiés par ailleurs. A titre d’exemple, les récentes connections créées entre les pôles d’activités des grandes villes voisines (liens entre universités,…) et l’ambition des autorités bruxelloises de développer une ville polycentrique doivent être prises en considération dans les investissements qui seront consentis, surtout lorsqu’il s’agit d’investissements à long terme. A cet égard, nous pourrions nous demander si une extension de la capacité de la jonction Nord-Midi se justifierait toujours si l’on prenait en compte le développement croissant de nouveaux pôles d’activités à Bruxelles. Les gares desservies par la jonction ne seraient dans ce cas plus nécessairement la destination finale recherchée par le voyageur.
4) Étalement des heures de pointe
Un des points faibles du système actuel est la grande concentration de voyageurs et de trains sur une courte durée. Les heures de pointe, telles que définies actuellement, sont plutôt restreintes et pourraient parfaitement être plus étalées dans le temps. En pratique, cela ne signifie pas beaucoup plus de trains, mais une période de pic un peu moins concentrée et une fréquence de train accrue sur une durée plus longue. Cette mesure serait tout à fait réaliste du fait que les automobilistes étalent eux aussi leurs heures d’arrivée et de départ et que ceci est de plus en plus toléré par les employeurs. Alors pourquoi pas les navetteurs du rail ?
Cette mesure permettrait par ailleurs de résoudre une série d’engorgements à moindre frais et d’augmenter considérablement le confort des voyageurs qui devraient se retrouver en principe dans des trains un peu moins bondés. A terme, cette mesure devrait conduire à une augmentation du nombre total de voyageurs.
5) Amélioration de la sécurité du réseau
Il ressort de beaucoup d’analyses que les systèmes de sécurité (systèmes de freinage, de communication,…) sont particulièrement vétustes sur le rail belge. Il convient donc d’en faire une priorité absolue, non seulement pour garantir la sécurité des voyageurs mais également parce qu’une modernisation des systèmes va permettre une augmentation des fréquences dans la mesure où les trains pourront dès lors se suivre de plus près. Ceci est un des moyens les plus simples pour augmenter la capacité de la jonction Nord-Midi.
6) Privilégier les petits investissements aux projets de grande envergure
Le réseau belge est un des plus denses au monde. Sa capacité est d’ores et déjà importante, mais sa performance laisse souvent à désirer. Avant de planifier de coûteux investissements d’envergure, il s’agira d’identifier tous les petits investissements qui peuvent réellement apporter des améliorations considérables. Quelques exemples : création de nouvelles jonctions entre deux lignes qui se croisent ; investissement dans l’amélioration des gares (en particulier les petites gares) pour les rendre plus conviviales et attractives ; rationalisation et amélioration des fréquences ; amélioration de la signalisation ; etc. A ce niveau, il semble essentiel que la SNCB se mette réellement à l’écoute de ses usagers, ainsi que de ses usagers potentiels.
7) Revoir la structure globale du réseau
Actuellement le réseau est construit de manière centralisée. Une grande majorité de trains convergent vers Bruxelles et une grande partie de ceux-ci empruntent la jonction Nord-Midi. Cette vision est probablement révolue dans la mesure où d’autres pôles d’activités ont vu le jour dans et en dehors de Bruxelles. Il y aurait donc lieu d’étudier la pertinence de développer des lignes « tangentielles », qui contourneraient Bruxelles.
Il y aurait également lieu de revoir la politique de priorité d’accès des trains IC/IR à la jonction Nord-Midi. Actuellement, plus on vient de loin, plus l’accès au centre de Bruxelles est facile et rapide.
8) Améliorer l’information des voyageurs
Cette mesure fait partie de la panoplie de choses à mettre en place pour améliorer le confort des voyageurs et inciter à une plus grande utilisation du rail. En effet, une des frustrations majeures des usagers naît de la mauvaise qualité des informations données (quand il y en a) lors de perturbations du service. Tant dans les gares qu’à bord des trains, peu d’efforts sont entrepris pour donner les informations minimales aux voyageurs. Il faut améliorer la qualité des messages diffusés par haut-parleur à bord des véhicules et envisager la création d’un numéro de téléphone gratuit et d’un site web disposant d’informations en temps réel.
Conclusion
L’ensemble de ces axes stratégiques et de ces mesures prioritaires est porté par le milieu associatif dans l’optique d’améliorer le service aux voyageurs. Nous aimerions que notre contribution soit prise en compte dans l’élaboration d’un plan qui va déterminer le système ferroviaire pour les 12 années à venir. Évidemment, nous aimerions encore davantage que les associations d’usagers soient impliquées dans les choix quotidiens de gestion via des mécanismes de concertation publique, et ce tout au long de l’année.
Jérôme Matagne et Thierry Kuyken