Le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle (CBAI) a été fondé dans les années 80 à un moment où migrations et exils s’imposaient structurellement à Bruxelles, conférant à la ville-région son caractère multiculturel. Quasi quatre décennies plus tard, la mise en valeur du patrimoine migratoire bruxellois fait défaut. Que s’est-il passé ?
IEB : De quelle manière le CBAI prépare les terrains du politique pour prendre la ville comme elle est ?
Christine Kulakowski : Le CBAI a été fondé dans les années 80, au moment où des organisations syndicales aussi bien que des acteurs associatifs, que des collectifs de migrants et que des pouvoirs politiques « éclairés » se sont dit L’avenir de Bruxelles sera multiculturel qu’on le veuille ou non. C’était quand même pionnier dans le contexte des années 80 où d’une part commençait à apparaître une deuxième génération – les enfants des migrants – et donc des familles qui voulaient rester en Belgique, et où, d’autre part, le politique était forcé de constater que la situation de conjoncture devenait structurelle. Le CBAI a été fondé à un moment où la Région bruxelloise n’existait pas encore, en tant que telle. Bref, ce sont les autorités publiques de l’époque qui se sont dit que sur ce territoire, sur cet espace qu’est Bruxelles, les choses allaient se concentrer. C’est comme cela qu’ils ont investi des moyens pour créer le CBAI.
Même si nous sommes une association subsidiée par des pouvoirs publics européens, bruxellois et par la Fédération Wallonie-Bruxelles, notre cœur d’action c’est Bruxelles. Nous avons vocation à connaître cette ville et à mieux la connaître que les autres territoires de la Fédération Wallonie- Bruxelles. Nous y sommes ancrés et nos publics viennent de là.
... et lié à cette prise de conscience d’une concentration de cette réalité multiculturelle ?
Au début des années 80, le CBAI s’appelait le Centre Socio-Culturel des Immigrés de Bruxelles. À l’origine, nous voulions être un « Centre culturel » mais pas à l’image des décrets. Tout ce qui était culturel nous intéressait au sens large du terme mais cela n’a pas été possible au niveau de la reconnaissance. À l’époque, personne n’aurait reconnu le CBAI comme Centre culturel si on mettait en avant la valorisation des cultures multiples. C’était alors quelque chose de nouveau qui ne rentrait pas dans les cadres et qui était même considéré, déjà dans les années 80, comme « communautaire », donc potentiellement dangereux. Les cultures issues des immigrations, seules quelques chargées de mission de la Communauté Française les soutenaient, comme Thérèse Mangot et Danielle Pieters. Nos actions ont pu être soutenues sous l’appellation « socio-culturel », autrement dit le développement d’actions à dimension culturelle et sociale.
Puis en 1991, soit 10 ans après la fondation de l’association, nous avons changé de nom, d’une part parce que la Région bruxelloise était née donc on a mis en avant « Centre Bruxellois » et d’autre part « d’Action Interculturelle » parce qu’on a voulu mettre l’accent sur l’interaction entre les identités multiples. Je pense qu’on a été pionnier dans l’appellation interculturelle, qui aujourd’hui est souvent utilisée à toutes les sauces. Notre objet de travail est l’interculturalité au sens large, c’est-à-dire le multiple à l’intérieur de chacun de nous et le multiple aussi dans la ville. Je tiens aussi à préciser que, si la reconnaissance du fait multiculturel bruxellois renvoie à un constat (décrire), notre attachement à la dynamique interculturelle est de l’ordre du souhaitable (prescrire) : car le mélange en lui-même n’est ni bon, ni mauvais. La question est de déterminer ce qu’il est possible de faire et ce qu’il est nécessaire de mettre en place pour que les composantes de cette diversité interagissent entre elles et produisent un enrichissement mutuel.
L’interculturalité à laquelle nous sommes attachés n’est pas, contrairement à ce que soutiennent nombre de ses adversaires, un sentimentalisme naïf de l’autre. Il renvoie d’abord à des méthodologies de formation, d’intervention destinées à des volontaires et des militants qui considèrent, au regard des situations concrètes dans lesquelles ils sont impliqués, que la compétence interculturelle peut les aider à mieux interagir avec les publics (aide sociale, projet culturel, formation, prise en charge clinique, agents pénitentiaires,...). Un de nos défis est de donc de déterminer de manière très concrète, c’est-à-dire dans des situations parfois difficiles et marquées par des conflits, comment passer de « multi » à « inter ».
Mais c’est plus la culture liée à « l’identité » que la culture « artistique » ?
Oui, mais ceci dit, depuis le début, on a gardé un secteur d’action qu’on appelle le secteur « information et diffusion culturelle » parce que la culture nous intéresse mais c’est toujours une culture qu’on veut ancrée dans la réalité sociale des quartiers populaires. Nous sommes co-organisateurs du « Festival du Cinéma Méditerranéen de Bruxelles », nous produisons « Le Monde en scène », nous avons mené une expérience avec des chorales amateurs de différentes origines « Intersongs »... nous éditons l’Agenda Interculturel, et plus récemment MICmag, en collaboration avec le CIRÉ et le CNCD-11.11.11, en tant que supplément dans L’Avenir tous les deux mois.
Plus récemment, on s’est inscrit dans la démarche MIXCITY, organisée par Visitbrussels, parce que le Ministre de l’Aide à la jeunesse (e.a.) du Gouvernement de la Fédération Wallonie- Bruxelles a voulu que le CBAI y soit pour intégrer les quartiers que Visitbrussels n’intègre pas nécessairement.
Nous aimons beaucoup cette phrase du poète Max Frisch qui disait : Nous avons voulu des bras mais ce sont des hommes qui sont venus. Peut-être aurait-il fallu ajouter que ces hommes sont venus avec leurs valises invisibles comme disait Tahar Ben Jelloun, c’est-à-dire avec des patrimoines culturels qui ont contribué à faire d’eux des êtres humains. C’est cette dimension-là de la culture qui est souvent mise de côté, cette dimension qui renvoie à la question : « Qu’est-ce qui fait de nous des hommes, c’est-à-dire des êtres pour lesquels il est question de leur transmission et de leur devenir en tant qu’individu dans un contexte pluriculturel ? ». Il s’agit ici d’une dimension de la culture, qui transparaît aujourd’hui dans de très nombreuses productions artistiques que certains qualifient de « populaires ». Ces dernières ont longtemps été confinées « en dehors » des cénacles de la culture établie et légitimée symboliquement.
Là-dessus, vous souhaiteriez ou non porter un discours de dénonciation ou de résistance, ou quelque chose qui brise cette séparation, ou plutôt, c’est une réalité institutionnelle ?
À un moment donné on s’est beaucoup battu parce qu’on estimait qu’un Musée de l’immigration (même si on pourrait trouver un autre nom) était incontournable dans une ville comme Bruxelles, c’est-à-dire un espace dédié au patrimoine migratoire belge et bruxellois pour créer une culture commune. Mais cela n’a pas eu de suite... A été choisi le Musée de l’Europe. Je connais bien le Musée de l’immigration au Palais de la Porte Dorée à Paris qui est vraiment très intéressant. On aurait pu créer un espace comme cela, ils ont choisi de faire autrement…
Dans les objectifs du Plan Culturel pour Bruxelles, il est question de renforcer la participation culturelle du plus grand nombre et de promouvoir la diversité culturelle en luttant contre la fracture spatiale, sociale et culturelle qui divise la population bruxelloise. Comment envisagez-vous la participation et toute cette pratique mise à l’œuvre ?
Je n’aime pas les injonctions à la participation, quand on dit « il faut participer », parce que les gens participent quand ils y trouvent du sens. À partir de notre expérience, entre autre via des stagiaires qui viennent en formation au CBAI, on constate qu’il y a plein d’initiatives qui foisonnent dans les quartiers. Ce sont des initiatives citoyennes qui s’organisent au niveau local. Par exemple un groupe de femmes issues de l’immigration, très diverses (pakistanaise, chilienne...) organisent dans leur quartier à Laeken des repas pour les personnes âgées et à cette occasion proposent des manifestations culturelles inédites. Une telle manifestation peut rassembler 300 personnes. J’ai l’impression qu’il y a des initiatives qui ont lieu, mais qu’on ne les connaît pas bien, qu’on « ne les voit pas ». Parce qu’aussi les médias ne s’y intéressent pas. Je dis souvent que si j’étais quelqu’un qui devait aller à la recherche de ce qui foisonne, je prendrais une caméra et j’irais dans les quartiers pour voir ce qui s’y passe. Cela ne se passe pas nécessairement dans les institutions ni dans les lieux culturels en tant que tel.
Est-ce que les lieux culturels devraient néanmoins prévoir des espaces pour soutenir cette existence ?
Oui, ils devraient pouvoir mais d’après ce que je peux entendre, sauf exception, ces réalités ne se connaissent pas entre elles. Les Centres culturels ne vont pas vers ces groupes-là et ces groupes-là ne vont pas vers les Centres culturels, parce que sociologiquement les populations sont différentes et parce que quelques fois il y a des préjugés. Par exemple les groupes de femmes dont je vous parlais, certaines sont voilées mais cela n’empêche en rien qu’elles soient du côté de l’émancipation et de l’ouverture. De leur côté, elles ont aussi peut-être des préjugés sur les Centres culturels et ce qu’ils organisent. Ce serait évidemment très intéressant de faire des allers/retours pour dépasser ces méconnaissances, dépasser le marquage des lieux culturels.
Alors justement, pour revenir à notre point de départ, qui est cette proposition de « désenclavement » des Halles de Schaerbeek, que pensez-vous de cette idée d’ouverture physique d’un bâtiment qui serait gage d’une perméabilité, d’une hybridation et d’un ancrage local. Est-ce un prérequis qui tient la route ?
C’est une « révolution » par rapport à l’évolution des Halles dans le sens où le mouvement des Halles à l’époque de la naissance du projet, dans les années 70, était d’utiliser un lieu qui n’était pas un lieu culturel mais un lieu symbolique de la commune pour y faire de la culture. À l’époque, Philippe Grombeer s’est beaucoup battu pour l’ancrage du lieu dans le quartier mais, en même temps, il s’est aussi battu pour une reconnaissance du lieu en temps qu’institution. Sans doute, ce deuxième volet du diptyque a pris le pas : la reconnaissance institutionnelle et de là un autre type de travail s’est déployé comme le décrit l’ouvrage des Éditions du Souffle. Les différentes propositions pour désenclaver les Halles (la cafétéria, le marché, etc.), sont de bonnes idées mais c’est un travail énorme et difficile. Il ne faut pas être naïf quant au brassage de population que le projet entrevoit, se côtoyer c’est autre chose que d’occuper ensemble un même lieu. Des lieux complètement ouverts où l’on brasse une population mixte cela fait plutôt peur aujourd’hui, malheureusement.
Mais justement l’ouvrage restitue l’idée du conflit loin de tout lissage c’est-à-dire de, quelque part, pouvoir discuter les désaccords entre cultures ?
Au CBAI nous travaillons tout le temps sur la conflictualité en général et dans nos groupes en particulier. L’interculturel, au départ, ce n’est pas nécessairement de l’harmonie, c’est souvent du conflit parce que les situations d’inégalités ou de différences peuvent être potentiellement explosives. C’est quand on travaille dessus, que l’on se confronte, qu’on essaye de se comprendre, qu’on détermine ce qui est négociable ou pas que quelque chose peut naître. Donc cela doit être bien pensé. La période est propice à la peur et à la méfiance et aussi à la provocation ! Il ne faut pas craindre le conflit mais les difficultés ou les déficits qui empêchent qu’il puisse se déployer de manière constructive. Refuser le conflit, c’est provoquer la violence car beaucoup de citoyens bruxellois estiment avoir raison d’être en conflit avec le monde qui leur est proposé. La culture à cet égard renvoie à ce que certains appellent l’ordre symbolique, c’est-à-dire l’accès à la parole qui permet de dire les « maux » que l’on ressent.
Comment fait-on alors pour enrayer cette fracture, cette rupture c’est-à-dire que les lieux culturels soient aussi des lieux de confrontations, d’échanges, de débats, de résistances, d’autonomie… ?
Je pense que la proposition des Éditions du Souffle est une utopie au sens où il faut tendre vers... Et ce sont plutôt les médiations pour y arriver qu’il faudra bien penser... L’ouverture et l’idée ne suffisent pas, après il faut penser des rencontres qui dépassent les méconnaissances, qui les travaillent. Je préfère la manière indirecte, « à l’occasion de ». Le marché est une bonne idée : les gens se côtoient ou alors avec les jeunes générations, penser à des « faire commun », faire une fresque ensemble, on sait que c’est le faire ensemble et pas seulement « le dire » qui importe.
Et par rapport à une proposition qui est aussi dans l’ouvrage d’instituer une discrimination positive pour la formation des équipes etc.?
Cela c’est évident... Au CBAI, on n’aurait jamais pensé travailler sur l’objet interculturel avec des équipes non mixtes au niveau des origines sociales, culturelles, etc.
Est-ce que les personnes qui se présentent à l’embauche appartiennent à une diversité ? Ou devez-vous pratiquer la discrimination positive pour arriver à l’équipe mixte ?
Ce n’est pas évident vu les conditions d’accès en général et l’accès à l’information en particulier. Il faut un peu de discrimination positive parce que même au CBAI, quand nous recrutons, ce sont ceux qui ont facilement accès à l’information sur les emplois ou qui sont dans les réseaux qui répondent à la demande et ce n’est pas nécessairement aussi diversifié qu’on le voudrait. La diversité est présente dans certains secteurs de l’économie sociale, qui fonctionne maintenant avec une population d’origine immigrée. Il y a ce qu’on appelle des « niches ethniques » des secteurs dans lesquels des gens peuvent entrer et développer un savoir faire et il y a d’autres secteurs plus fermés. Dans le monde culturel, ce n’est pas évident même si on a une palette de personnes d’origines différentes. Mais ceci dit, sur le principe, je pense qu’il faut diversifier pour avoir des relais, pour avoir aussi un rapport différent aux publics, cela j’en suis persuadée. Cela peut permettre qu’on le veuille ou non un accès à la culture, aux cultures, au sens noble du terme et au sens large.
Avez-vous entendu parler du nouveau décret des Centres culturels ?
Oui le nouveau décret qui demande aux lieux culturels de réaliser une analyse partagée sur leur territoire. C’est très exigeant pour les Centres culturels parce que c’est nouveau. Je pense que c’est positif parce qu’il leur est demandé une analyse de leur environnement et de leur contexte et cela je le trouve indispensable : savoir où ils sont implantés, qui est le public potentiel. Maintenant j’ai l’impression qu’il y a des Centres culturels, qui avant ce décret, développaient déjà cette ouverture, mais d’autres moins et donc cela peut mettre en crise certains Centres culturels qui, sans doute, fonctionnaient, sans se poser ces questions.
Après, on dit « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs »... Tout à l’heure tu parlais de l’injonction à la participation et à présent, se dire qu’à un moment donné, un lieu culturel qui par son parcours, sa trajectoire, son expérience, se retrouve avec ce diktat-là pour garder son subside et qui s’embarque – avec toutes les maladresses – à mettre les pieds dans le quartier parce qu’il y est obligé… alors que ça devrait idéalement être un parcours empiriste, une expérience critique.
Oui et comme parfois quand on fait des nouveaux décrets, l’orientation, le sens est juste, mais on demande trop et alors cela peut devenir une injonction. Il faut toujours un équilibre.
Je crois que les lieux institutionnalisés sont peu aux prises avec les dynamiques qui se passent dans les quartiers et avec les populations. Par exemple, on constate que la plupart des jeunes « radicalisés » ont échappé aux lieux institués ce qui veut dire que les lieux institués ne les ont pas suffisamment intéressés. Il s’est passé quelque chose. C’est un des indicateurs qu’il y a une fracture entre une certaine jeunesse, une certaine population et les lieux institués. Là-dessus, il n’y a pas de doute et cela nous interroge tous. Le CBAI aussi. D’ailleurs, le CBAI va mener une réflexion stratégique sur ses missions, notre vision, nos expertises... le nouveau contexte nous y invite. On va revoir nos actions prioritaires, on va travailler les questions conflictuelles en dehors et au sein de l’équipe.
Les lieux institués/instituants sont aussi des outils/des « instituts » et il est question de se saisir de cet outil. Que pensez-vous de ce rôle pour un centre comme le CBAI ? Comment pouvez-vous jouer des marges et du cadre ?
Le CBAI est un hybride parce que nous avons des actions, en première ligne (en contact direct avec le public), et en deuxième ligne (en contact avec les professionnels et les administrations publiques). En 2015 par exemple nous avons formé 600 personnes, toutes formations confondues. Un travail de formation au quotidien aussi bien avec des gens issus de l’immigration que des professionnels qui travaillent avec eux, que des volontaires, que des bénévoles. Dans la formation « d’agent de développement et de médiation interculturelle », on travaille avec des personnes qui ont « affaire à » des jeunes qui n’ont pas de diplôme ou au maximum celui de secondaire supérieur. Ils sont parfois habités par la théorie du complot et disent « je ne suis pas Charlie ». Je dirais que le CBAI est aux prises avec la réalité parce que notre public nous informe de ce qui se passe et on ne peut pas passer outre ces questions.
Par ailleurs, on a depuis 2006 des missions déléguées de pouvoirs publics puisqu’on a une mission d’évaluation du dispositif cohésion sociale et plus récemment d’accueil des primo-arrivants. Là on est plus dans un rôle d’expertise et on essaye de garder une posture entre le monde associatif et l’administration et le cabinet. Nous essayons d’être à l’écoute, d’être l’écho du terrain, c’est une posture parfois inconfortable. On a donc un ancrage et on peut raisonnablement rendre compte de ce qui se passe même si sans doute d’aucuns nous préféreraient davantage groupe de pression que centre d’expertise. C’est une tension constante au CBAI. Alors nous essayons de ne pas être qu’expert et de prendre position quand il le faut.
Vous avez eu des retours de manivelle des pouvoirs subsidiants liés à ça ?
Non, parfois il y a des débats, mais nous continuons à être soutenus et nos moyens ne sont pas diminués. Par contre, les moyens des associations le sont et donc nous sommes parfois pris à partie par les associations. Par ailleurs, notre objet, et c’est cela qui crispe, est de travailler avec les professionnels sur ce que c’est, par exemple, un processus de radicalisation. L’administration a besoin d’entendre comment on traite des groupes où il y a un pluralisme convictionnel. Nous avons mené une recherche-action à ce sujet. À cet égard, la proposition de réouverture des Halles ne peut pas se faire sans les acteurs qui sont là depuis longtemps même si ce n’est pas parce qu’on est là depuis longtemps qu’on est pertinent. Il faut une concertation avec le tissu associatif schaerbeekois qui est très actif et le secteur de la cohésion sociale. Il y a un nouveau Bureau d’Accueil pour Primo-Arrivants (BAPA) à Schaerbeek qui s’appelle « Via ». Un autre va s’ouvrir à Bruxelles-ville. Avec ces BAPA, il y a lieu aussi de se concerter.
Mais dans l’ouvrage il y a la question du désir, de l’envie…
Oui, mais dans les associations locales, de première ligne, les situations des personnes sont fragiles et beaucoup de travailleurs sociaux rament aussi, ce n’est pas simple. Mais pourquoi pas rêver ? La « réouverture des Halles » nous y invite.
On est bien d’accord. La question spécifique du contexte bicommunautaire à Bruxelles clive. C’est une contrainte qui peut peser quand on travaille dans la multiculturalité. Cette réalité que les lieux culturels passent parfois plus d’énergie à devoir négocier ces aspects-là, qu’est-ce que ça pèse et qu’est-ce que ça peut avoir aussi comme effets ?
Lorsqu’on est subsidié COCOF, Fédération Wallonie-Bruxelles, etc., les ponts de collaboration sont difficiles. Ils sont possibles mais pas simples. Au CBAI nous adhérons à une vision proche de celle d’Eric Corijn : la multiculturalité est plus large que l’axe historique – et aujourd’hui dépassé – flamand/francophone. Il ne faudrait pas cliver comme cela. Si je prends la politique d’accueil des primo-arrivants, nous avons défendu, dans nos rapports annuels d’évaluation du dispositif cohésion sociale, une politique régionale, justement afin que le public des primo-arrivants ait accès selon leur souhait à un bureau où ils apprennent le néerlandais ou le français, sans que ce soit clivé. Cela n’a pas été possible jusqu’à présent. Il est question d’une ordonnance au niveau de la COCOM, la Commission communautaire commune, qui rendrait possible une politique régionale mais qui rendrait aussi le parcours d’intégration obligatoire. Ce sont de futures questions de positionnement pour le CBAI.
Propos recueillis par Stéphanie D’Haenens
et Claire Scohier,
Inter-Environnement Bruxelles