Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Palais du Midi : la Cour constitutionnelle annule l’ordonnance « Fast track », mais décide de maintenir ses effets : quelles conséquences pour la suite ?

En janvier 2024, l’ARAU et IEB, rapidement rejoints par des habitants et commerçants du quartier Stalingrad, introduisaient un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle à l’encontre de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 5 octobre 2023 « instituant une procédure d’instruction spécifique d’une demande de permis d’urbanisme relative à la déconstruction de l’intérieur du Palais du Midi et à la modification du permis délivré le 24 mai 2029 », dite « Fast track ».

Palais du Midi © IEB - 2023

Cette ordonnance organise une procédure d’instruction d’une demande de permis d’urbanisme relative à un projet particulier – la démolition du Palais du Midi – qui déroge à la procédure commune du CoBAT, dans la mesure où elle permet à la STIB de bénéficier d’une procédure de traitement de sa demande de permis selon des modalités simplifiées et dans une temporalité accélérée. L’adoption, dans l’urgence, de cette ordonnance fait suite aux difficultés techniques qui ont impliqué, dans le cours de l’année 2021, la mise à l’arrêt du chantier portant sur le tronçon de tunnel devant être construit sous le Palais du Midi et qui relie la nouvelle station Toots Thielemans au tunnel existant du pré-métro sous le boulevard Lemonnier.

À travers ce recours, IEB et l’ARAU entendaient dénoncer une procédure sur mesure et au rabais, mais aussi, à titre incident, protéger le patrimoine architectural du Palais du Midi et préserver les nombreux usages qu’il accueille depuis des décennies [1].

Par un arrêt du 16 janvier dernier, la Cour constitutionnelle a annulé l’ordonnance Fast track. Comme l’y invitaient les requérants, elle juge que l’ordonnance attaquée crée une différence de traitement injustifiée entre la STIB et le demandeur de permis lambda ou, pour le dire autrement, qu’elle est discriminatoire à l’égard de ce dernier : « S’il est vrai que les caractéristiques du projet concerné par l’ordonnance attaquée sont exceptionnelles, elles ne sont pas pour autant uniques en leur genre et elles ne justifient dès lors pas la mise en place d’un régime applicable à une autorisation administrative pour un projet particulier. En effet, d’autres projets répondant à des impératifs d’intérêt général sont susceptibles de concerner un nombre de personnes élevé et, en cas de retard ou de blocages dans l’aboutissement du chantier, d’affecter lourdement l’espace public local et la mobilité de plusieurs quartiers ».

Par « pragmatisme », la Cour a cependant décidé de maintenir les effets de l’ordonnance annulée. Il s’agit, selon elle, de « tenir compte des lourdes conséquences de l’arrêt du chantier sur l’espace public local et sur la mobilité », alors pourtant que les habitant·es, commerçant·s, comités et associations ne cessent de dénoncer les conséquences qu’aurait, au contraire, la poursuite des travaux sur la (sur)vie du quartier et sur les finances régionales. Nous restons plus que jamais mobilisés pour mettre un terme définitif à ce chantier et au projet de métro 3 dans son ensemble.

Concrètement, la décision de la Cour signifie qu’en dépit de l’inconstitutionnalité constatée, l’instruction de la demande de permis relative à la démolition de l’intérieur du Palais du Midi peut se poursuivre selon la procédure rapide mise en place par l’ordonnance Fast track : la STIB peut déposer sa demande de permis, étant entendu que celle-ci doit être accompagnée d’une étude d’incidences sur l’environnement et faire l’objet d’une enquête publique. Tout aussi concrètement, cela signifie que les associations, habitants et commerçants requérants se voient confortés dans leur travail de vigilance, et leur analyse des failles de procédures clairement et objectivement confirmée. Ils persévèreront donc d’autant plus dans leur critique du projet à l’occasion de la future enquête publique : car le permis de démolition est encore loin d’être octroyé et le Palais du Midi est encore debout !

Gageons par ailleurs qu’à l’avenir, le législateur réfléchira à deux fois avant d’instaurer une procédure spécifique pour un projet particulier, quelle que soit son ampleur.