En ce printemps 2023, le Parlement européen contraint chaque État membre à réduire davantage ses émissions de gaz à effet de serre (GES) dès 2030 et à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le projet de révision du plan Air-Climat-Énergie (PACE), dont l’enquête publique s’est clôturée le 17 février dernier, s’y conforme et propose une panoplie de mesures concrètes pour réduire les GES de 47 % par rapport à 2005 (contre 40 % actuellement) et sortir Bruxelles de sa dépendance aux énergies fossiles (gaz, mazout, bois) dans les délais impartis. Toutes les compétences régionales sont mises à contribution, de l’économie à l’aménagement du territoire en passant par la mobilité, le logement, l’alimentation, le numérique, la gestion des déchets, etc.
À Bruxelles, les deux plus gros producteurs de GES sont le logement résidentiel (33 %) et le transport routier (24 %). Pour le logement, l’enjeu est de taille puisque celui-ci est amené à se conformer aux objectifs de l’Union européenne de certification de la Performance énergétique des bâtiments (PEB), sorte de carte d’identité énergétique d’une habitation, qui comporte une échelle de classification et des indices allant de A (très économe) à G (très énergivore).
Le PEB d’une habitation est un calcul théorique de la dépense énergétique nécessaire au maintien d’une température ambiante de 17 °C pendant les douze mois de l’année. Calcul qui fait fi du choix ou de la contrainte d’habiter à moindre température, que ce soit pour des raisons économiques, pratiques ou philosophiques, et ignore que la majeure partie des ménages bruxellois ne chauffent pas leur logement de mai à octobre.
Alors que 84 % du résidentiel bruxellois appartient à une catégorie inférieure ou égale à la classe D, le PACE met la barre très haut et prévoit que l’ensemble de celui-ci devrait atteindre la catégorie C+ en 2050, soit une consommation énergétique annuelle moyenne divisée par trois.
Des programmes de rénovation ambitieux sont mis en œuvre (avec des budgets conséquents) notamment via le PACE et la stratégie Rénolution. Vu les incitants financiers prévus pour encourager un nombre important de propriétaires à entreprendre la rénovation de leur bâtiment, il est essentiel de veiller à ce que les améliorations apportées par ces travaux n’entraînent pas une hausse des loyers chez les propriétaires-bailleurs. À plus forte raison que ceux-ci sont largement subsidiés par de l’argent public.
60 % des Bruxellois·es sont des locataires dont les loyers augmentent fortement depuis une vingtaine d’années. Tous les dix ans, depuis la création de la Région, les loyers augmentent de 20 % au-delà de l’inflation. En conséquence, la part des revenus consacrés au logement ne cesse d’augmenter. Cette situation, déjà alarmante, n’intègre pas encore l’augmentation vertigineuse des charges liés à l’explosion des coûts de l’énergie.
Or, d’importants changements législatifs ont le potentiel de venir compliquer cette situation. C’est le cas de la réforme actuelle du RRU dans laquelle de nombreux articles imposent des normes de construction plus contraignantes qu’actuellement, en matière de taille minimale des logements, de hauteur minimale des plafonds – en particulier au rez-de-chaussée en vue de permettre la future réaffectation des bâtiments –, ou encore de l’accès à un espace extérieur.
Si les ambitions derrière ces changements législatifs sont louables – meilleure prise en compte des enjeux climatiques et de la qualité de vie des habitant·es, actualisation d’un RRU rédigé il y a plus de quinze ans déjà – il est évident que sans accompagnements, ces mesures entraîneront une hausse des loyers. Il est donc plus qu’urgent de mettre en place des mécanismes sérieux de contrôle des loyers.
Ceux-ci peuvent prendre plusieurs formes : gel des loyers, blocage de l’indexation, enregistrement systématique des baux et interdiction de l’augmentation du loyer entre deux baux – mécanisme qui existe déjà partiellement, mais dont l’application n’est jamais contrôlée dans les faits faute d’une possibilité simple de vérifier les montants des anciens baux pour un même logement.
Il faut donc, dès à présent, mettre en œuvre un « passeport bâtiment », qui devrait fournir un accès direct à l’ensemble des informations relatives à un logement (historiques des baux, certificats PEB…), ainsi qu’un conventionnement des loyers. Ce dernier devrait en effet permettre de s’assurer que les propriétaires qui bénéficient d’argent public pour rénover leur logement ne puissent ensuite répercuter la plus-value apportée à leur bien sur des locataires (actuels ou futurs). Cela implique de prévoir un gel complet du loyer avant travaux pour les propriétaires-bailleurs qui reçoivent de l’argent public pour toute rénovation, mais aussi d’anticiper la possible mise en location future de leur bien pour les propriétaires occupant·es bénéficiant de primes.
Une piste est d’autoriser la seule indexation des loyers sur base de l’inflation pour une période donnée, qui devrait, à notre sens, être de vingt ans. À l’instar des logements Citydev qui ont, eux aussi, bénéficié d’argent public. Le conventionnement doit également prévoir un mécanisme permettant de prévenir la « rénoviction », à savoir le fait de profiter de travaux de rénovation lourds pour évincer le ou la locataire d’un logement. Le non-respect des mesures de conventionnement devrait entraîner, le remboursement de l’intégralité des primes reçues assorti d’une amende.
Le cadre permettant la limitation de l’augmentation des loyers doit impérativement préexister à la mise en œuvre des programmes importants de rénovation du bâti bruxellois qui sont actuellement à l’étude (Rénolution, PACE, réforme du RRU) et être mis en œuvre avant que ceux-ci ne commencent à porter pleinement leurs effets.