L’effet d’aubaine créé par les primes « Renolution » a été douché en plein été. Les propriétaires qui avaient engagé des travaux de rénovation et d’économie d’énergie ont en effet appris en juillet qu’il n’y avait plus un kopeck pour les soutenir financièrement. Les 69 millions d’euros prévus pour l’année 2024 avaient été octroyés. Une situation qui s’était déjà produite en 2023, mais l’exécutif avait alors pris la décision de renflouer les caisses. Impossible cette fois-ci d’effectuer une telle opération budgétaire puisque le gouvernement « sortant » est en affaires courantes.
Les autorités régionales ont donc suspendu, dès le 16 août, la possibilité d’introduire de nouvelles demandes de primes dans l’attente d’une décision du futur gouvernement bruxellois. Pour autant, l’obligation de rénovation pour les propriétaires de passoires énergétiques, elle, n’est pas suspendue. Le compte à rebours est enclenché : dès 2033, les bâtiments affichant une PEB F ou G seront « interdits » dans la capitale. Entendez : les propriétaires seront « punis » et devront s’acquitter de lourdes amendes.
En ce 25 septembre, à l’heure d’écrire ces lignes, la commission de l’Environnement du Parlement bruxellois a adopté à l’unanimité une proposition de résolution déposée par « les partenaires potentiels francophones d’une majorité en Région bruxelloise (MR - Engagés - PS) » visant à inciter le futur gouvernement régional à lever la suspension du versement des primes Renolution pour l’année en cours. Le texte demande au gouvernement « de prévoir les moyens budgétaires nécessaires à la reprise du traitement des demandes de primes Renolution pour les travaux dont la facture de solde est acquittée d’ici au 31 décembre 2024 aux mêmes conditions qu’avant la suspension ». Un ajustement budgétaire chiffré à 38 millions selon nos sources.
Il semble urgent de penser la réduction de gaz à effets comme un engagement collectif soutenu de façon pérenne par l’État.
Force est de constater que l’enveloppe prévue pour inciter les propriétaires à rénover et isoler leur bien est insuffisante et ce, de façon récurrente. Or sans mettre un dispositif pérenne en place pour accompagner la stratégie Renolution, l’enveloppe sera toujours trop maigre. En mai 2023, BNP Paribas et le bureau d’études Profacts ont chiffré le budget nécessaire à la rénovation énergétique globale belge pour atteindre les objectifs européens à l’horizon 2050 à 300 milliards. Autre point noir à ce budget « primes » étriqué : même s’il veut équitablement inciter la rénovation énergétique, le dispositif échoue. Le rapport statistique annuel des primes énergie et Renolution tend à démontrer au fil des ans que les primes sont captées par les ménages à hauts revenus et cela même si les ménages à faibles revenus bénéficient en général d’une couverture de leur investissement supérieure aux autres catégories de revenus. La raison est simple : pour s’engager dans des travaux de rénovation, il faut du capital. À défaut, il faut emprunter de l’argent et recourir à des crédits à la consommation. Ecoreno, par exemple, même accessible aux seuls revenus médians et modestes, reste un crédit à la consommation.
Loin d’être une fatalité, la « faillite » du dispositif des primes est donc une belle occasion de penser d’autres modes de financement de la stratégie Renolution. Des outils économiques et sociaux pourraient être mis en place de façon combinatoire : un mécanisme de tiers payeur, une banque d’État, des régies communales autonomes, des rénovations par quartiers ou rues, le déploiement régional de réseaux de chaleur par rue, quartier ou îlot…
Ce qui semble urgent, c’est de penser la réduction de gaz à effets de serre non plus comme une charge individuelle qui incomberait à chaque ménage isolément mais comme un engagement collectif soutenu de façon pérenne par l’État. Des exemples fonctionnent à l’étranger. En Allemagne, la banque publique KFW (Kreditanstalt für Wiederaufbau – Établissement de crédit pour la reconstruction) accorde des prêts avec le dispositif du tiers payant pour la rénovation des logements. La banque prête et le remboursement se fait via la facture d’énergie. Ce dispositif a d’ailleurs été utilisé dans les années 1960 lors de l’installation du réseau de distribution de gaz dans les maisons bruxelloises des ménages modestes. L’ancêtre de Sibelga était alors le tiers payeur.
L’urgente rénovation du bâti bruxellois mérite un dispositif structurel, collectif et efficace.