Alors que l’on déploie plus de flics et que l’on construit plus de blocs, que l’on dématérialise le fric et que le gaspillage d’argent public frise la provoc’, IEB passe en revue quelques enjeux urbains importants. Comme ça, plic ploc.
Le numéro de Bruxelles en mouvements que vous tenez entre les mains paraît au terme d’un mois de septembre belge et bruxellois marqué – entre autres – par des opérations « coup de balai » aussi vaines que coupables à la gare du Midi, le retour de la tarte à la crème sur la scène politique, le pipigate, l’hystérie réactionnaire autour de l’EVRAS, sans oublier bien entendu la ré-ouverture en fanfare et trompette de la Bourse et de son flambant neuf Belgian Beer World, « plus grand centre interactif autour de la bière du monde » et « bel exemple de partenariat public et prive [1] ». Pariant qu’il est encore possible, à travers tout ce brouhaha, de capter l’attention de nos lectrices et lecteurs le temps quelques pages, au café, aux toilettes ou dans les transports publics, nous vous proposons ici un ensemble d’articles quelque peu éclectique. S’il y manque un fil continu, on retrouve cependant à travers tous les textes cette volonté à ne pas se résigner à subir la ville qui nous est imposée à l’issue de réunions derrière des portes closes, à grands coups de marketing et de faits accomplis. Il s’agit de nous doter d’outils afin de pouvoir agir sur elle.
Il s’agit de nous doter d’outils afin de pouvoir agir sur la ville.
Convaincu·es que la question sociale se trouve au cœur de la question urbaine, la notion de droit à la ville est depuis longtemps déterminante pour le travail d’IEB. En 2012, après avoir mis sur pied un groupe de lecture d’une dizaine de personnes qui œuvra pendant plusieurs mois à disséquer l’ouvrage de Lefebvre, nous y consacrions d’ailleurs un numéro entier de notre journal [2]. Dans le numéro présent, Tam BlondiauLebeau souffle sur les braises de cette réflexion vivante et collective en cherchant à y intégrer le rapport social du genre. À travers un double article Vers un droit à la ville féministe, part. I : les expertes de la ville... les usagères & Vers un droit à la ville féministe, part. II : discours sécuritaires & gentrification nourri de multiples entretiens, elle aborde le droit à la ville avec un parti-pris résolument féministe, à contre-pied d’un féminisme instrumentalisé à des fins sécuritaires ou de gentrification.
En 2021, IEB identifiait pas moins de 18 demandes de permis pour des hôtels représentant plus de 1000 chambres… ceci alors que le chiffre d’affaires du secteur avait chuté de 61,6 % par rapport aux chiffres de 2019 et que le taux d’occupation moyen du secteur hôtelier tournait autour de 20 % sur base du baromètre touristique de la Région Bruxelles-Capitale 2021. Yulan Loute et Claire Scohier s’appliquent à répondre aux interrogations suscitées par une telle profusion de projets dans un secteur qui semblait alors au bord de l’écroulement Le secteur hôtelier entre dynamique commerciale et logique d’investissement.
Nombreux·ses sont les habitant·es qui se sont déjà interrogé·es sur le no man’s land situé en contrebas de la Colonne du Congrès. Comment une friche d’une telle dimension a-t-elle pu s’installer au cœur de Bruxelles ? Dans un article sur la saga immobilière de la Cité administrative de l’État, Massacre à la cité administrative, Olivier Fourneau revient sur plusieurs décennies d’urbanisme raté et la dilapidation éhontée d’un patrimoine foncier public.
Disparition des agences bancaires et des distributeurs dans les quartiers, service au rabais et files interminables made in Batopin, matraquage anti-cash… la guerre est déclarée à l’argent liquide et sa disparition potentielle soulève de nombreuses questions. Pour les champion·nes des monnaies locales et citoyennes – comme la Zinne ici à Bruxelles –, celles-ci constituent une réponse, au moins partielle, à celles-ci. Et si le plus court chemin au cash devenait la monnaie locale & citoyenne
Le poids du marketing urbain, des velléités d’attractivité et des investissements – sans lien avec les besoins des habitant·es – qui viennent dans leur sillon se fait sentir à plusieurs endroits du journal, que ce soit de manière évidente, dans l’article sur les hôtels ou notre édito sur la touristification progressive du centre de Bruxelles Quand Bruxelles (em)brasse les touristes, ou en filigrane ailleurs. Décidément, la ville pour et par ses habitant·es, ce n’est pas encore pour demain. Cela n’en reste pas moins l’horizon vers lequel regarde IEB, et nous savons que nous sommes loin d’être les seul·es.
[1] https://www.belgianbeerworld.be/fr/a-propos ; Au sujet des partenariats public-privé, lisez aussi « Déléguer, sous-traiter, privatiser », Bruxelles en mouvements n°312, juin 2021.
[2] « Le droit à la ville », Bruxelles en mouvements n° 259-260, octobre 2012.