Inter-Environnement Bruxelles
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Palais du Midi : une procédure européenne pour éviter la démolition

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En juin dernier, le gouvernement régional a décidé de démolir l’intérieur du Palais du Midi afin de poursuivre le projet de métro 3. En particulier, il s’agit d’assurer la construction de 120 mètres de tunnel qui relieraient la nouvelle station Toots Thielemans au tunnel nord-midi existant.

La technique initialement reprise dans le cahier des charges prévoyait de construire ce tunnel en passant par les caves et parkings du Palais. En 2021, des problèmes apparaissent et le consortium en charge des travaux notifie au gouvernement que le procédé implique un surcoût et un allongement significatifs des délais. Suite à un litige opposant la Région aux entrepreneurs, un accord est trouvé pour poursuivre les travaux, qui implique de changer de technique : c’est tout l’intérieur du Palais qui devra être démoli pour permettre aux engins de chantier de construire la portion de tunnel.

Le Palais, rappelons-le, abrite des dizaines de commerces, des salles de sport et les locaux d’une Haute école, et constitue à ce titre un patrimoine social que le gouvernement semble pressé de détruire. Et ce pour poursuivre un projet de métro impayable qui devrait induire un report modal « anecdotique » (selon Beliris, qui finance très partiellement le projet), supprime le tram 55 et crée de nouvelles correspondances pour les usagers des trams 3, 4, 51 (désormais 18) venant du sud de la région. Dans sa fuite en avant, le gouvernement a élaboré une ordonnance permettant d’accélérer la démolition du Palais en resserrant les procédures de délivrance du permis. Votée par le Parlement, l’ordonnance pourrait permettre une délivrance de permis juste avant les prochaines élections, comme l’avait fait le précédent gouvernement pour la station Toots Thielemans [1].

Mais le Palais du Midi constitue également un patrimoine architectural notable – pas seulement ses façades – totalement négligé par les décisions et discours du gouvernement régional. Un patrimoine qui a fait l’objet de nombreux investissements publics depuis les années 1920, et ce jusqu’à 2020.

Pour mettre en lumière sa dimension patrimoniale et ses différents usages, l’ARAU a posé la candidature du Palais au programme « 7 Most Endangered Monuments » de la fédération européenne du patrimoine Europa Nostra. « Cette candidature, basée un travail documentaire minutieux, vise à rappeler l’urgence d’une protection patrimoniale de ce "palais du peuple" d’un hectare en plein centre-ville », indique l’association en charge de la candidature. Cette démarche s’ajoute à l’ouverture d’une procédure de classement, au sujet duquel le gouvernement régional n’a pas encore pris de décision.

Dans le même temps, alors que la future affectation du Palais n’a pas encore été dévoilée et qu’il n’existe aucune garantie pour maintenir le caractère populaire de l’avenue de Stalingrad, la Région vient de délivrer un permis relatif à son réaménagement. L’avenue serait « métamorphosée : fortement végétalisée, avec de larges trottoirs, des pistes cyclables séparées et un grand parvis devant le Palais du Midi [2]. » La promesse d’un avenir radieux qui risque de tirer vers le haut les valeurs immobilières dans le quartier, au détriment de son identité et de ses usages populaires.

On le voit, les défenseurs du patrimoine social et architectural du Palais doivent recourir à de lourdes démarches pour assurer son intégrité et sa pérennité, dans un contexte où ses usages sont explicitement ou implicitement négligés par la Région et la Ville de Bruxelles. Gageons que si le Palais du Midi était une discothèque des Marolles en infraction [3], de telles démarches de protection n’auraient peut-être pas été nécessaires, et ses verrières auraient fourni le décor idéal à une opération de relations publiques.


[1« On avait décidé de rendre tout irréversible. On a prévu de l’argent, on a signé les contrats, délivré les permis (…). Et pour éviter que celles et ceux qui étaient contre le métro bloquent tout le dossier – parce que c’est typiquement bruxellois : on veut quelque chose et ça prend vingt ans pour le réaliser – j’ai voulu que ça avance (…) et on a fait en sorte que c’était irréversible. » Pascal Smet, précédent ministre de la mobilité, dans le film « Stalingrad, avec ou sans nous ».