Que faire avec un bidonville ? Non pas que faire d’un ou des bidonville(s), mais que faire en leur sein, avec les habitants ? À la fois refuser une logique de destruction, d’expulsion, et cesser de se lamenter sur l’insalubrité qui ne pourrait se résoudre que par la destruction, la place nette : c’est la tentative qu’un groupe d’habitants, étudiants et militants ont fait le pari de tenir.
Convaincu que le droit à la ville se construit avec les habitants, pour eux et par eux, le PEROU se veut au service de ceux qu’on a relégué à même la rue, considérés comme des habitants de moindre classe, destinés à toujours être mis ailleurs.
Ce groupe a commencé par le bidonville de Ris-Orangis, dans la grande banlieue parisienne, habité majoritairement par des familles originaires de Roumanie. Ils a travaillé sur l’architecture des lieux, ouvrant un lieu commun de discussion et de gestion, ouvert à la fois sur le bidonville et sur son extérieur, accueillant la ville normale. Cette Ambassade du PEROU servit de lieu d’expérimentation à l’ouverture et fut l’occasion d’un travail entre architectes et habitants. Très vite le bidonville s’est stabilisé : installation de sanitaires, stabilisation du sol, dératisation, évacuation des déchets, lieux de vie communs où ils ont beaucoup dansé, etc.
Le travail du PEROU a aussi consisté à témoigner de la vie, à l’aide d’un travail artistique de longue haleine : appareils photos donnés aux habitants ont produit des clichés regroupés dans un ouvrage, blog, site web, travail de mise en ligne de CV des habitants, film sur l’expulsion qui a suivi…
Aujourd’hui il n’y a plus trace de ce travail à Ris-Orangis. Les marques sont sur la toile, dans les livres, mais plus sur les lieux. La mairie a décidé de faire détruire le camp, relogeant 38 de ses habitants, mais laissant sur le béton la majorité d’entre eux. Stabiliser un bidonville ne fait pas partie des possibles politiques d’aujourd’hui, se réapproprier l’espace hors du mode de l’achat et de la vente d’habitat privé demeure ce que l’on ne veut pas voir venir. D’autant plus quand ils sont qualifiés de « Roms », et qu’on les considère comme n’ayant d’autre futur que le retour en Roumanie. Les habitants se sont alors regroupés à 500 m, dans la commune voisine de Griny. Leur travail, leurs expérimentations, continuent aujourd’hui avec acharnement, à la veille de l’hiver, et malgré les intimidations auxquelles se livrent la commune, aussi peu encline que sa voisine à laisser « ces gens » s’approprier un lieu de vie.
Nicolas Prignot