Inter-Environnement Bruxelles
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PAD Gare de l’Ouest, séduisant mais pas probant !

Le Plan d’aménagement directeur (PAD) de la gare de l’Ouest, à l’instar de tous les autres PAD en cours d’élaboration, n’échappe évidemment pas aux critiques générales formulées à l’égard de cet outil urbanistique anti-démocratique. Toutefois, il passe inaperçu : ici pas de gigantesques tours de bureaux ou de logements comme dans le PAD Loi, pas de saccage d’un immense espace de biodiversité comme dans le PAD Josaphat. Répond-il pour autant aux besoins urgents du quartier et de ses habitants ?

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Le projet de PAD de la gare de l’Ouest prend place dans un quartier populaire à la limite du Vieux et du Nouveau Molenbeek pour lequel les habitants ont vu, depuis 15 ans, défiler les plans d’aménagement de ce site ferroviaire de 13 hectares appartenant pour l’essentiel à la SNCB et Infrabel. Le schéma directeur de 2009 y prévoyait 150 000 m² de nouvelles surfaces dans un programme ultra dense pour seulement 1 hectare d’espace vert [1]. Le PAD en cours d’élaboration atténue la densité en réduisant de 50 % les surfaces à construire. Dans la foulée, les espaces verts passent à 3 hectares. En bref, un PAD au contour apparent séduisant et annonçant de plus 80 % de logements publics. Mais à y regarder de plus près, il est loin de répondre aux besoins du quartier. Et pour cause.

L’absence de garantie de logements accessibles !

La situation du marché du logement dans ce quartier est critique. Ce dernier fait face à un problème de sur-occupation des logements : 3 000 logements pour 3 496 ménages recensés. La mise en œuvre du PAD prévoit la construction d’environ 450 logements, même pas de quoi absorber les 496 ménages surnuméraires précités. En outre, 20 % de ces logements seront entièrement sur le marché privé au nom de la mixité sociale alors que nous sommes sur un terrain public. Certes on annonce 80 % de logements publics mais rien ne garantit qu’ils le resteront. Bien au contraire, CityDev – annoncé comme l’opérateur principal – produit du logement acquisitif qui rejoint le marché privé 20 ans après l’achat. Tous les avis, dont celui de la Commission Régionale de Développement (CRD), demandent des garanties plus claires et plus fortes concernant la construction de logements sociaux, ainsi que le maintien du foncier public. Nous les appuyons et demandons que 60 % des logements construits sur un terrain public soient des logements sociaux. Nulle crainte à avoir sur la création de la mixité sociale, le marché privé y pourvoit largement. Il y a déjà 630 unités de logements privés en projet aux alentours.

L’absence de garanties d’équipements telles les crèches et les écoles ! 


Un PAD est censé fournir les grandes lignes essentielles pour le développement d’un quartier, dont la prévision des équipements publics et des espaces dédiés à la formation et à l’enseignement. Mais force est de constater que le projet de PAD dans ses volets tant stratégiques que réglementaires ne contient pas la moindre ligne sur ce type d’équipements, exception faite de l’Infrabel Academy qui était déjà actée. Inadmissible surtout lorsqu’on sait que les chiffres de l’IBSA [2] sont clairs : la gare de l’Ouest est un quartier en grand déficit de places scolaires : une centaine de places pour un millier d’enfants ! La densification annoncée ne pourra qu’aggraver cette carence qui rentre fondamentalement en contradiction avec la Déclaration de politique régionale 2019-2024 dans laquelle le Gouvernement s’engage à poursuivre le soutien à la création de nouvelles écoles en priorité dans les zones identifiées en tension démographique.

Les demandes, martelées depuis de nombreuses années par les habitants et associations du quartier dans le cadre des différents projets de planification, pour des logements accessibles et des équipements collectifs correspondant à des besoins sociaux collectivement partagés (accueil de la petite enfance, aide médicales urgente, déchetterie,…) ne sont nullement rencontrées dans le programme du PAD. Ces insuffisances ont été relevées par la commune de Molenbeek et les différents conseils d’avis de la Région bruxelloise qui se sont penchés sur le projet et plus précisément par la Commission régionale de développement dans son avis du 5 décembre 2019.

Une fois de plus la ville marchande prend le dessus sur la ville sociale attentive à la valeur d’usage d’un quartier pour ses habitants. Le PAD ne répond pas aux carences actuelles qui creusent les inégalités sociales. Il prévoit au contraire de les renforcer, en créant un nouveau quartier qui ne répond pas aux besoins locaux. C’est pourquoi les signataires (La Rue, IEB, l’ARAU, le RBDH, les Equipes populaires, Vie Féminine et le MOC Bruxelles) demandent au Gouvernement bruxellois de revoir sa copie afin de prévoir que :

- 100 % des logements de ce terrain public resteront publics avec un minimum de 60 % de logements sociaux ;
- concomitamment aux logements créés soient développés en suffisance les crèches, écoles et autres équipements correspondant à des besoins sociaux collectivement partagés ;
- les dérogations pour monter en hauteur soient supprimées afin de laisser respirer le quartier et les espaces verts prévus.

Contacts presse

- La Rue : Gaspard Schmitt – 02 410 33 03
- IEB : Claire Scohier – 0473 667505


[1Alors que le site actuel comporte 6 hectares d’espaces verts ou perméables.

[2Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse