Inter-Environnement Bruxelles
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(Nu)éclaire ma lanterne...

C’est la crise ! La vie est chère, les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) ne cessent de croître, le prix de l’énergie aussi et personne ne sait comment faire pour inverser la tendance ... Rassurez-vous, les prophètes du Forum Nucléaire et du GEMIX [1] ont LEUR solution. Ne réfléchissez plus, des experts ont réfléchi à votre place et préparent votre avenir en toute durabilité ... économique ! Et si finalement nous réfléchissions par nous-mêmes ?

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Quand la population se questionne quant à son avenir énergétique et qu’un lobby du nucléaire tente d’annuler la loi sur la sortie de sa technologie décriée, il faut trouver un élément pour orient... euh non, pour alimenter le débat. Il faut que ce soit crédible (170 pages) et interprétable à l’envi. Ainsi est né le rapport du GEMIX. A la lecture de ce rapport, une évidence nous explose au visage. Les alternatives évoquées ne servent qu’à conforter et encenser le choix du tout au nucléaire et de la prolongation des centrales. Comme propagande ? On ne fait pas mieux !

Les objectifs du GEMIX

Il s’agit de présenter un scénario de mix énergétique répondant aux exigences suivantes :

  • 1) la sécurité d’approvisionnement
  • 2) la compétitivité
  • 3) la protection de l’environnement/
  • climat.
    Il paraîtrait logique que les exigences
    soient plutôt ordonnées de la sorte :
  • 1) production minimale garantie pour couvrir les besoins de chaque individu
  • 2) protection de l’environnement
  • 3) diminution de la dépendance énergétique et de la consommation.

Pourtant, alors que nous parlons du droit des générations futures à avoir des ressources pour continuer à vivre sans avoir à gérer les déchets polluants de leurs ancêtres irresponsables, c’est la garantie de sécurité de surconsommation et la compétitivité, s’inscrivant dans une démarche de profit, d’investissement en capital, qui sont prônées.

Mais que dit le GEMIX ?

« Tous les moyens disponibles doivent être mobilisés : instruments économiques (fiscalités, incitations, prix), normes et informations aux consommateurs, après une analyse en profondeur quant à leur adéquation pour répondre aux objectifs à rencontrer. »

Spontanément, on penserait à augmenter le prix de l’unité d’énergie au prorata de la consommation. Plus on consomme, plus l’unité d’énergie coûte cher, un principe de pollueur-payeur. Bizarrement, c’est l’inverse : « Dans la réalité, une approche volontariste et normative sera nécessaire afin de combler les imperfections des mécanismes de marché et de plafonner graduellement l’évolution de la demande. (...) En conclusion, une maîtrise de la demande réussie réduirait la dépendance aux énergies importées, faciliterait la réduction significative d’émission de GES et faciliterait la réalisation de l’objectif belge de développement des énergies renouvelables (RES). »

On conclurait qu’il est nécessaire de réduire drastiquement les consommations et d’avoir une politique allant dans ce sens. Et le rapport table sur une croissance des consommations : « Une grande partie (de la biomasse) est importée. Il y a lieu d’être vigilant quant à son caractère durable et éthiquement acceptable. Il peut y avoir compétition avec la filière alimentaire, ainsi qu’une aggravation d’une déforestation non durable. » On espère voir l’éolien, le solaire ou l’hydraulique en tête du mix énergies renouvelables. Eh bien non, la biomasse représente 61,5% de ce mix.

Que conclut le GEMIX ?

Il conclut qu’il y a seulement une ... heu ... trois alternatives dont une qualifiée d’extrême et une qui n’est absolument pas explorée.

Voici les options possibles proposées hypocritement par le GEMIX :

  • - Scénario A : appliquer la loi telle quelle.
  • - Scénario B : prolongation possible de
  • la durée de vie de toutes les centrales à
  • maximum 60 ans.
  • - Scénario C (dit intermédiaire) : retarder
  • la fermeture de 4 centrales de 10 ans
  • (reconductible une fois après évaluation
  • dans 10 ans).

A cela s’ajoute la réponse GEMIX excluant un scénario D (proposant une prolongation unique de 10 ans des centrales) « parce qu’un tel scénario ne permettrait pas de bénéficier de l’avantage économique d’un allongement plus conséquent de la durée de vie des centrales ». Enfin, le GEMIX privilégie le scénario C afin de conserver un know how permettant l’accueil du nucléaire de 4e génération.

En conclusion, le scénario C, sous ses faux airs d’envisager la fermeture définitive dans 10 ans, envisage d’emblée d’étendre à 20 ans la prolongation et prépare le futur du nucléaire. Pour bien ponctuer le débat, le GEMIX affirme que « La fermeture des centrales nucléaires pourrait poser un problème en matière d’émissions si des améliorations ambitieuses d’efficacité énergétique (pour réduire la consommation) n’étaient pas réalisées. » Dès lors, pour respecter une norme d’émission (et éviter des pénalités financières), on annule une autre norme (loi sur la sortie du nucléaire). Entre deux maux (CO2 vs nucléaire), on choisit celui qui coûte le moins à courte échéance. Pourtant, si le nucléaire est maintenu, le risque d’augmentation des consommations est réel. L’offre entretient la demande. Il ne faut pas avoir fait Sciences-Po pour comprendre le phénomène.

Du nucléaire à tout prix
pour gagner plus

Répondre à un problème (consommation électrique croissante) en lui offrant plus d’espace pour se développer au lieu d’en réduire les causes, ce n’est pas qu’une aberration d’un point de vue logique, c’est une condamnation des générations qui nous suivront au profit du portefeuille de quelques individus. Au lieu d’investir au minimum 800 millions d’euros pour un lifting de 10 ans des centrales nucléaires, ne serait-il pas plus pertinent d’investir dans les énergies renouvelables ? Ne serait-ce pas maintenant que nous sommes à même de changer nos modes de consommation ?

Une consommation plus électrique ?

Qu’on le veuille ou non, le transfert de nos consommations vers le tout électrique ne répond en rien aux problèmes d’approvisionnement, ni à notre dépendance énergétique, ni à l’augmentation des émissions de GES, ni au réchauffement climatique, ni, plus prosaïquement à une réduction des coûts de nos factures. La seule réponse existante, reste une réduction drastique de nos consommations (chasse au gaspillage, URE) et un choix ferme auprès de nos fournisseurs énergétiques pour être approvisionné exclusivement par de l’électricité d’origine réellement renouvelable (exit le nucléaire et la biomasse des anciennes centrales à charbon, place à l’éolien, le solaire, le marémoteur, l’hydraulique et auto-productions diverses et variées). Nous ne sommes pas des moutons, prouvons que nous aussi nous avons l’énergie... pour renverser la vapeur.

Lorsque nous dépendons d’un territoire qui, lui, ne croît pas, il faut arrêter de permettre la croissance de la consommation. Si notre planète nous alerte par différents moyens que nous consommons plus qu’elle ne produit, il faut l’écouter. Quitte à revoir nos prétentions à utiliser autant d’appareils énergivores.


[1Groupe d’experts nationaux et internationaux chargés d’étudier « la composition du mix énergétique idéal » pour la Belgique

Le tout électrique, un secteur bien branché ?