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Nouveaux mégacomplexes commerciaux : infarctus automobile et chancres en perspective

Inter-Environnement Bruxelles — 7 novembre 2011

Ce vendredi 28 octobre, la Région flamande a délivré le permis d’urbanisme pour le projet UPLACE, le plus important mégacomplexe commercial du pays, le long du viaduc de Vilvorde. La Plate-Forme Interrégionale pour une Économie Durable s’insurge contre cette décision dont les conséquences dommageables en termes de congestion automobile, de gaspillage du foncier et de dégâts sur les centres urbains adjacents sont triviales.

Plusieurs Gouvernements approuvent l’implantation de nouveaux mégacomplexes commerciaux en périphérie en refusant d’en analyser les conséquences :

  • menaces de congestion totale du trafic automobile,
  • augmentation des chancres dans les centres urbains.

Ce vendredi 28 octobre, UPLACE a obtenu un permis d’urbanisme pour un grand projet immobilier à côté du viaduc de Vilvorde. Avec 200 000 m² de commerces, un complexe cinématographique, des bureaux et d’infrastructures horéca, UPLACE devient le plus important mégacomplexe commercial du pays. « Just Under the Sky », un complexe commercial concurrent du groupe Mestdagh, a entre-temps obtenu un certificat d’urbanisme pour une surface commerciale de 60 000 m² à proximité du Pont Van Praet, au niveau duquel le trafic en provenance de l’A12 pénètre dans Bruxelles. Le projet NEO sur le site du Heysel légèrement plus éloigné, fort de 100 000 m² de superficies commerciales, n’est pas moins ambitieux.

Ces projets ne peuvent être que néfastes pour la mobilité, le patrimoine et le commerce. Leurs effets négatifs dépasseront largement les frontières de la Région bruxelloise. Il est nécessaire de tenir compte des effets cumulatifs du point de vue de la pollution de tous ces centres commerciaux dépendant du Ring et de la A12 pour leur accessibilité en voiture. Uplace serait situé quelques kilomètres plus loin, au bord du Ring, et compterait 6 000 places de parking.Le projet NEO prévoit 4 490 nouvelles places de parking. Le plateau du Heysel compterait alors 12 000 places de parkings. Ce risque évident de surcharge automobile n’a fait l’objet d’aucune concertation entre la Région bruxelloise et la Région flamande. Encore plus choquant, cet effet cumulatif n’a pas été étudié pour les deux projets prenant place dans le nord de la Région, sur le territoire de Bruxelles-Ville. Il est évident qu’une étude complémentaire est nécessaire.

Le financement de tels projets passant par le placement en bourse de certificats pour des biens immobiliers à vocation commerciale, une course de vitesse est engagée entre les différents promoteurs. De tels certificats immobiliers offrent un rendement net annuel de 7%, bien au-delà du rendement moyen des actions belges de 3% ou des bons d’État à 4%. UPLACE explicite d’ailleurs dans sa demande que « les conditions du marché sont actuellement favorables – tout retard accroissant la menace de voir un autre projet s’emparer du marché ». Un raisonnement équivalent vaut à Bruxelles : l’émergence d’un nouveau mégacomplexe commercial en Flandre juste à côté de la Région bruxelloise est perçu comme une menace pour les projets bruxellois. Tant le Gouvernement bruxellois que le Gouvernement flamand s’enferrent dans cette logique, sans aucun égard pour les conséquences en termes de mobilité, de viabilité dans les communes avoisinantes et la possible apparition de chancres dans les noyaux commerciaux existants. Dans de tels projets, priment seuls les intérêts des investisseurs et non les intérêts des consommateurs et des usagers.

La rentabilité importante de tels projets pour quelques investisseurs ne justifie pas leurs importantes conséquences en matière de viabilité et de vitalité économique des noyaux commerciaux existants. Ces nouveaux projets commerciaux constituent une catastrophe pour le trafic ainsi que l’établissent les rapports de mobilité. Les files sur le Ring seront sensiblement plus importantes, et ce, même dans l’hypothèse de l’aménagement de nouvelles bandes de circulation.

Ces projets ne sont pas compatibles avec les objectifs de mobilité régionaux approuvés dans le cadre du plan IRIS 2 qui prévoit une réduction de 20% de la pression automobile d’ici 2018. Par exemple, le projet Just under the Sky attend 155 000 visiteurs par semaine dont 70% viendraient en voiture ! Le Pont Van Praet qui constitue une porte d’accès importante de Bruxelles pour la navette serait encore plus saturé qu’il ne l’est aujourd’hui. La charge ajoutée des autres projets générera davantage de circulation et donc davantage de particules polluantes dans l’air. Et ce avec d’autant plus d’intensité que les voitures seront bloquées dans des embouteillages.

Les promesses d’investissements complémentaires en transports en commun sont, compte tenu des difficultés budgétaires des pouvoirs publics, loin d’être réalisées. Et même si ces investissements devaient être réalisés, UPLACE engendrera un trafic supplémentaire de quelque 25 000 véhicules sur un Ring déjà sursaturé. L’addition du trafic généré par UPLACE à la navette automobile quotidienne va induire une diffusion de ce trafic actuel sur d’autres voiries principalement à usage local. Les communes de la périphérie flamande vont souffrir encore davantage de la circulation bouchonnée et rampante qu’à l’heure actuelle. Les conséquences pour la viabilité, la qualité de l’air et la sécurité dans les quartiers seront dramatiques.

En outre, les nouveaux centres commerciaux vont provoquer de lourds dommages aux noyaux commerciaux existants de Bruxelles, Malines, Alost, Vilvorde et Leuven. Ainsi, la clientèle du noyau commercial d’Alost est majoritairement originaire de la région entre Bruxelles et Alost. Le shopping UPLACE devient, à 20 minutes de voiture, aussi grand que tout le centre commercial urbain de Leuven. Il ne faut dès lors pas s’étonner que les responsables politiques des villes de Leuven et de Vilvorde envisagent des recours juridiques. A titre de comparaison : depuis l’arrivée du « Waasland Shopping Center » à la périphérie de Sint Niklaas, un cinquième des commerces du centre-ville sont vides, soit le taux de vacance le plus élevé de toutes les villes flamandes.

En avril 2010 a été créée une plate-forme unique regroupant des organisations flamandes et bruxelloises des milieux associatifs environnementaux, de travailleurs, d’indépendants et de Classes Moyennes : « La Plate-Forme Interrégionale pour une Économie Durable« ». La Plate-Forme interpelle les Gouvernements flamand et bruxellois, pour travailler ensemble en totale concertation, au-delà des frontières régionales, à l’élargissement de l’offre commerciale dans les noyaux commerciaux existants. Il sera ainsi possible d’opter pour le développement de noyaux commerciaux conviviaux et très diversifiés à Vilvoorde, Malines, Alost, Leuven et Bruxelles. Les transports publics dans ces villes pourront apporter davantage d’attention pour que les consommateurs puissent venir acheter en ville sans congestion automobile excessive. En optant pour des paradis commerciaux isolés et artificiels en dehors des centres-villes, les Gouvernements bruxellois et flamand optent en fait pour des chancres et la congestion automobile dans les communes avoisinantes.

La Plate-Forme Interrégionale pour une Économie Durable [1] demande en conséquence aux deux Gouvernements de stopper les procédures d’obtention des permis pour les nouveaux mégashopping commerciaux en projet. Au lieu de se concurrencer via des shopping môles irréfléchis, ces deux Gouvernements seraient plus avisés de collaborer au renforcement des noyaux commerciaux dynamiques en Flandre et à Bruxelles.


[1La Plate-Forme Interrégionale pour une Économie Durable est composée de :
Union des Classes Moyennes, IEB - Inter-Environnement Bruxelles, le Bral – Brusselse Raad voor het Leefmilieu, le Bond Beter Leefmilieu, UNIZO – Regio Vlaams-Brabant en Brussel, ACV-CSC Regio Brussel, ACV-Regio Hal-Vilvoorde, ACW Brussel-Halle-Vilvoorde.