Le 24 mai dernier, le ministre bruxellois des Finances annonçait avoir demandé à la Banque européenne d’investissement (BEI) d’étudier l’opportunité d’un partenariat public-privé (PPP) pour financer le Métro 3 [1]. IEB, l’Arau et le Bral s’opposent fermement à cette piste de financement et demandent la mise en œuvre du Prémétro+, une alternative au Métro 3.
Ces deux dernières années, le Métro 3 a multiplié les déboires : le Palais du Midi, qui représente 15.000 m² d’équipements collectifs et de commerces, est menacé de démolition ; le chantier à la gare du Nord est bloqué ; et le coût annoncé pour l’extension vers Bordet a doublé. Alors que les perspectives financières de la Région ne sont pas rassurantes [2], une solution est aujourd’hui étudiée pour sauver le projet : un Partenariat Public-Privé (PPP). Parce que ce mécanisme de financement engendre d’importants surcoûts qui grèveront les investissements futurs de la Région, nous estimons qu’il est dangereux pour celle-ci de s’engager dans la voie tracée par le ministre des Finances, et soutenue par plusieurs formations politiques [3].
En Belgique, deux projets récents témoignent que les PPP induisent des surcoûts très importants. Le tram de Liège, évalué initialement à 400M€, aura finalement coûté plus d’un milliard d’euros [4]. La construction du tunnel ferroviaire vers Bruxelles-National (projet Diabolo), pour laquelle le « partenaire » privé a investi 290M€ en 2012, devrait lui rapporter la bagatelle de 1,2 milliard d’euros d’ici 2047 – une énorme plus-value alimentée notamment par le surcoût à charge des usagers (6,7€ par trajet en 2024) et un versement au consortium privé de 0,5 % des recettes tarifaires totales de la SNCB [5]. Le tram de Liège et le tunnel Diabolo témoignent que les infrastructures financées via des PPP sont bien plus chères que si elles l’étaient sur fonds publics.
Ce constat s’applique également à l’étranger. Dans son audit de 12 PPP co-financés par l’UE, la Cour des comptes européenne ne tergiverse pas : elle y voit « de multiples insuffisances et des avantages limités » : « la majorité des PPP audités ont […] pâti d’un manque considérable d’efficience, qui s’est traduit par des retards de construction et par une forte augmentation des coûts » [6].
Quant au Métro 3, le journal Le Soir avance déjà que le montage financier « coûte[ra] plus cher au contribuable » [7], une perspective partagée par L’Écho : « les PPP ont la réputation de coûter plus cher, en valeur absolue, aux pouvoirs publics » [8]. Envisager un PPP pour financer le Métro 3, c’est donc entériner par avance un énième surcoût, à savoir le rendement qu’assurera la Région aux capitaux de son « partenaire » privé.
Du point de vue des pouvoirs publics, les PPP présentent un intérêt comptable : les investissements consentis via un PPP peuvent être « sortis » des comptes (ou « déconsolidés ») et n’affectent donc pas le déficit public, calculé sur une base annuelle. Mais il n’en reste pas moins que les PPP grèvent durablement les capacités budgétaires des pouvoirs publics, qui s’engagent à verser sur un temps long une rente annuelle aux « partenaires » privés.
Or, rappelons que pour maintenir les investissements colossaux que réclame notamment le Métro 3, le gouvernement actuel a fait en 2024 le choix de l’austérité en réduisant, entre autres, les frais de personnel des administrations, tout en augmentant les tarifs du transport public, désormais indexés annuellement. À moins de générer de nouvelles et très importantes recettes, la Région sera contrainte de renforcer cette austérité budgétaire si elle persiste avec le Métro 3, d’autant plus si elle le finance par un PPP.
Outre ses impacts délétères sur la capacité d’investissement future de la Région, un éventuel PPP ne pourra pas être élaboré rapidement : « Ce n’est pas une procédure que l’on va boucler en deux ou trois ans », nous renseigne le ministre des Finances [9]. L’amélioration de la mobilité à Bruxelles, en particulier dans le nord-est, ne peut pas attendre plusieurs années. Des solutions rapides et peu onéreuses existent pour améliorer la desserte de Schaerbeek et Evere, dont l’exploitation de la ligne 55 avec des trams plus grands.
Plutôt que s’évertuer à sauver un projet embourbé avec des propositions délétères pour la Région, IEB, l’ARAU et le Bral demandent la mise en œuvre du Prémétro+, une alternative sobre et réaliste permettant de répondre aux enjeux de mobilité tant dans le centre que dans le nord-est. Et ce pour un coût immensément moindre que celui du Métro 3 – d’autant plus si c’est par un « partenariat » public privé que la Région entend le financer.
[1] Le Soir, « Un partenariat public-privé comme mince espoir pour le métro Nord de Bruxelles », 23/05/24.
[2] L’Écho, « La dette bruxelloise devrait grimper à 19 milliards d’euros en 2028 », 07/07/23.
[3] BX1, « Métro 3 : Pascal Smet se dit favorable à un partenariat public-privé », 17/05/24 ; DH, « Les Écolos seuls contre tous, la gauche contre un appel au privé, extensions à Uccle… : voici les positions des partis bruxellois quant au métro 3 », 03/06/2024
[4] Le Soir, « Les extensions du tram de Liège coûteront 355 millions », 01/02/24.
[5] La Libre, « Connexion Diabolo vers Brussels Airport : la coûteuse épine dans le pied du rail belge », 07/02/24.
[6] Cour des comptes européenne, « Les partenariats public-privé dans l’UE : de multiples insuffisances et des avantages limités », n°9, 2018.
[7] Le Soir, « Un partenariat public-privé comme mince espoir pour le métro Nord de Bruxelles », 23/05/24.
[8] L’Écho, « La piste d’un partenariat PPP jugée réaliste sous conditions pour le métro 3 », 24/05/24.
[9] L’Écho, « La piste d’un partenariat PPP jugée réaliste sous conditions pour le métro 3 », 24/05/24.