Alors que l’actualité politique bruxelloise de ces derniers mois est bousculée par la question de la très forte indexation des loyers – on parle tout de même de 8,3 % d’augmentation en juin ! – le monde associatif et syndical s’est mobilisé pour rappeler qu’il ne s’agit pas d’une fatalité et qu’un peu de courage politique pourrait limiter cette indexation qui poussera encore davantage de ménages bruxellois vers la précarité.
Il n’est plus nécessaire de dresser le tableau alarmant de la situation du logement en Région bruxelloise. Tout le monde s’accorde sur le fait que cette situation est intenable pour la majorité des ménages. Dans ce contexte, il devient urgent de prévoir un encadrement strict des loyers. Cela doit commencer par une meilleure application de la législation en vigueur, mais aussi via de nouvelles mesures permettant de limiter la super-rente des bailleurs. Cependant, d’ici à ce que ce plus strict encadrement des loyers puisse être mis en place – ce qui risque de prendre des années – il est urgent de stopper la hausse actuelle des loyers. S’il est sans doute difficile d’imposer une baisse des loyers, il est relativement simple de mettre en place des mesures qui limitent leur hausse [1].
Dans ce contexte, la proposition de la secrétaire d’État Ben Hamou de limiter l’indexation des loyers à maximum 2 % est un pas dans la bonne direction. Pour rappel, cette proposition remonte au mois de février déjà. Elle avait reçu un accueil plutôt favorable à l’exception de l’Open VLD et surtout de DéFI qui avait remis en question jusqu’à la légalité d’une telle approche. La consultation de plusieurs avis juridiques a permis de confirmer que non seulement la Région bruxelloise est bien compétente pour légiférer sur cette question, mais qu’en plus de sa légalité ce mécanisme de « gel des loyers » a déjà été appliqué à plusieurs reprises dans le passé. La mesure a donc été soumise à nouveau au gouvernement bruxellois au mois de juin.
La Plateforme logement, dont fait partie IEB, s’est mobilisée pour rappeler l’importance de faire passer cette mesure. Notamment à travers une carte blanche rassemblant près de 40 organisations signataires et publiée le 3 juin. Des actions ont aussi été menées auprès de DéFI et, finalement, la Plateforme a été auditionnée par le gouvernement bruxellois pour rappeler les enjeux qui traversent le secteur du logement à Bruxelles. De nombreux arguments et contre-arguments techniques ont été développés et suffisamment diffusés pour qu’il ne soit pas utile de revenir dessus ici. Ce qui semble nécessaire, cependant, c’est de redire haut et fort que la limitation de l’indexation des loyers est possible, légale et réaliste.
Limiter l’indexation des loyers, c’est possible, il y a d’ailleurs des propositions concrètes en ce sens aussi bien à Bruxelles, qu’en Wallonie et en Flandre.
Limiter l’indexation des loyers c’est légal et il y a déjà eu plusieurs gels des loyers en Belgique depuis la Seconde Guerre mondiale. Limiter l’indexation des loyers c’est réaliste, il s’agit d’une mesure qui ne coûte rien à la Région et qui a le potentiel de soulager une bonne part des 60 % de ménages qui, à Bruxelles, sont locataires.
À l’heure actuelle, DéFI et l’Open VLD continuent leur blocage sur cette question. Leurs arguments ne dépassent pas vraiment une sorte de position de principe en faveur de la toute-puissance de la propriété privée. Ce qui est une autre façon de dire qu’ils préfèrent résolument les intérêts d’une minorité de propriétaires bailleurs à ceux de plus de 60 % de ménages qui, à Bruxelles, sont contraints de louer des logements toujours plus chers et d’y consacrer une part sans cesse croissante de leur budget. Cette question de la limitation de l’indexation des loyers risque bien de s’inviter à nouveau à la rentrée de septembre. L’enjeu est trop important pour laisser les partis de centre-droit bloquer l’initiative. Il y a d’ailleurs de bonnes chances que cette question soit soumise au vote du Parlement, lui permettant de trouver une majorité alternative en mesure de la faire passer malgré les blocages actuels. Mais cela ne pourra pas se faire sans un moment de courage politique. Il est essentiel de rappeler que le blocage de l’indexation des loyers n’est qu’une étape dans un processus nécessairement beaucoup plus profond d’encadrement des loyers à Bruxelles.
[1] Il y a cependant des arguments forts pour imposer cette baisse des loyers. Notamment le fait que les loyers ont crû d’une façon anormale, excessive et dans une certaine mesure illégale ces vingt dernières années. Il serait donc légitime de demander, comme le fait notamment Action logement Bruxelles au travers de sa pétition remise récemment au Parlement bruxellois, un retour à « ce qu’auraient dû être » les loyers s’ils avaient suivi la seule courbe de l’inflation.