Inter-Environnement Bruxelles
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Les horreurs auxquelles nous avons échappé !

À juste titre, Bruxelles est pointée comme une ville ayant subi les dévastations d’un urbanisme de tout temps catastrophique. Si pour une fois, plutôt que de constater les horreurs existantes, nous décidions de nous focaliser sur les aberrations programmées et non réalisées ?

© Elise Debouny - 2021

Avec deux personnages en balade, nous décidons aujourd’hui de regarder la Ville dans l’autre sens : plutôt que de superposer les horreurs sur les anciennes constructions disparues, nous préférons placer, en calque sur les paysages actuels, des projets heureusement abandonnés.

Notre bonhomme dispose de congés à prendre rapidement, reportés de l’an dernier. Plutôt que de tristement partir seul en vacances, il a décidé d’explorer sa ville sous un nouveau regard, en compagnie d’une amie fraîchement bruxelloise. Elle a une idée assez tranchée sur Bruxelles et son état urbanistique qui, au fil des découvertes, lui secouent régulièrement l’épiderme d’un frisson d’horreur. En préparant son déménagement vers nos contrées, elle a pris connaissance du concept désormais universel de « Bruxellisation », par sa définition sur le site d’une encyclopédie en ligne.

(« Bruxellisation (en néerlandais : verbrusseling) est un terme utilisé par les urbanistes pour désigner les bouleversements urbanistiques d’une ville livrée aux promoteurs au détriment du cadre de vie de ses habitants, sous couvert d’une ‘modernisation‘ nécessaire. Ce phénomène doit son nom à la ville de Bruxelles où il fut particulièrement sensible dans les années 1960 et 1970, alors que la ville était livrée aux rêves de cité du futur de promoteurs incontrôlés ».)

Nous pourrions difficilement mieux exprimer la situation ! À la suite de cette lecture, notre amie a consulté des séries de photos, représentant la ville aujourd’hui et dans le passé. Les bras lui en sont tombés : elle y voyait de quoi pleurer des quantités de larmes dignes de rivières disparues !

Amouraine

Notre bonhomme a parfois utilisé ce mot pour définir son sentiment au sujet de Bruxelles, et s’est souvent interrogé sur ce mélange d’amour et de haine présent en lui pour sa ville. Car, malgré toutes ces catastrophes et son état urbanistique, il n’envisage jamais de vivre ailleurs, et ne la quitte que très rarement plus de quelques jours.

Dans la catégorie positive, nul doute que son enfance et adolescence, passées dans une petite ville calme, laissent intact l’attrait des activités multiples et des rencontres potentielles avec des centaines de milliers d’humains inconnus. Dans la catégorie négative, en haut de liste, se trouvent les conséquences du statut de capitale européenne, engendrées dès la construction de son enceinte parlementaire à partir de 1989 : difficultés à se loger, nouvelles destructions, augmentation des loyers, changements de populations et de la sociologie de la ville, etc.

Il a partagé ce sentiment ambigu avec son amie néo-bruxelloise, lors d’une discussion durant laquelle ils ont décidé de visiter des parties abruxellisées de Bruxelles. Afin de lui remonter quelque peu le moral urbain envers sa ville d’adoption, il part en sa compagnie en prenant le contre-pied d’une analyse anxiogène des lieux, qui ne pointerait que les quartiers et monuments détruits. Ils déambuleront plutôt en axant le focus sur les paysages et vues toujours présents, leur disparition ayant été stoppée à temps, afin de contrebalancer les horreurs qu’ils devront malgré tout inévitablement croiser sur le parcours.

Afin de démarrer la balade en cette journée d’été, le rendez-vous est fixé devant la Porte de Hal. (« – Excepté un morceau de mur retrouvé en creusant le métro, et visible dans la station Hôtel des Monnaies, cette Porte est le seul témoignage debout de la seconde enceinte de Bruxelles »), rappelle-t-il. De là, ils remontent rapidement vers la place Jean Jacobs, située à l’arrière du Palais de Justice. Sur cette place, jouxtant le boulevard de Waterloo, les deux côtés de constructions sont radicalement différents, tel un miroir déformant symbolisant l’évolution de la ville. Le côté nord comprend deux blocs coupés par la rue des Six Aunes, dont le début est quasiment invisible. Avec des allures d’entrée de parking, elle est devenue un couloir sombre entre deux annexes du Palais de Justice, en lieu et place des habitations et brasseries qui animaient la rue des Quatre Bras, la place Louise et le boulevard de Waterloo. Le côté sud, lui, nous présente en vis-à-vis de superbes maisons de maître, qui nous permettent d’imaginer le quartier de la place Jean Jacobs et la vie dont il bénéficiait dans le passé.

Ces deux côtés, face à face, s’opposent tel un cliché du clash irréparable et des pulsions maladives des promoteurs immobiliers. En approchant ensuite le Palais de justice, nos amis aperçoivent à l’arrière de celui-ci le quartier toujours debout de la Marolle, avec plus loin son axe central de la rue de Monserrat. Les deux îlots séparant la rue des Six Aunes ne devaient pas être assez grand car, en 1969, les occupants de ce quartier ont tous reçu des avis d’expropriation. « – Les rues devaient être vidées de leurs habitants et détruites pour laisser place à de nouvelles extensions au colossal Palais de Justice ! », s’écrie notre bonhomme. « – Après un brainstorming convaincant, la revendication phare des habitants a fleuri partout sur les fenêtres, les murs, les rues et les trottoirs. Simple, elle tenait en trois lettres, parfaitement efficaces : N.O.N.! ». Un choix manifestement payant : la bataille populaire s’est terminée par une victoire radicale par abandon de projet !

Ce lieu symbolique représentait une idéale première étape pour évoquer les horreurs bruxelloises jamais réalisées. En jetant un dernier œil vers la place, nos deux amis contemplent les bâtiments à échelle humaine situés d’un côté, en les comparant aux remplaçants des disparus de l’autre. « – En regardant ces extensions du Palais, tu peux facilement visualiser ce à quoi les Bruxellois ont échappé pour l’entièreté de la place et du quartier ! »

L’échine tremblante, ils poursuivent leur périple en empruntant la rue aux Laines, le Palais de Justice sur leur gauche, et ses extensions sur leur droite.

La voiture, maîtresse de la ville

En longeant les échafaudages habillant le Palais, jusqu’à son entrée monumentale, nos deux amis se dirigent ensuite vers le « panorama » qui ferme la place Poelaert. Face à cette vue, portant jusqu’aux boules lointaines de l’Atomium, notre bonhomme aborde son amie, « – C’est joli, non ? Le bas de la ville à nos pieds... Hé bien, tu as failli ne jamais pouvoir profiter de cette vue ! Ferme les yeux et, en lieu et place de ce relatif calme, imagine le vacarme d’un flot incessant de voitures déboulant sous nos pieds, par un viaduc, en direction du bas de la ville. Heureusement, ce projet démentiel est resté dans les cartons et les cerveaux malades dirigeant Bruxelles dans le passé ! »

Il poursuit en décrivant l’avenue Louise, parcourue de tunnels routiers successifs depuis le Bois de La Cambre, dont la dernière sortie à l’air libre débouche... sur la place Poelaert. Bardaf ! Triste nouvelle pour l’automobiliste : il va falloir ralentir ! Cette autoroute urbaine devait en réalité se prolonger là où se trouve notre duo, par une bretelle s’élançant sur la droite depuis le panorama, brrrrrouf... pour aller rejoindre le boulevard de l’Empereur, un niveau plus bas, près de l’un des morceaux survivants de la première enceinte de Bruxelles. Au passage, bien entendu, allaient disparaître des morceaux de la ville, au niveau des rues des Minimes, de la Porte Rouge, Christine, de la Samaritaine, et de la rue Haute. Paf !

Avec cette bretelle, les voitures auraient pu garder un rythme appréciable, pour rejoindre la gare centrale, prendre le boulevard de l’Impératrice, le boulevard de Berlaymont et le boulevard Pacheco. Au bout de celui-ci, nous le connaissons depuis des décennies : au niveau de la Tour des Finances se trouve un absurde tunnel, plongeant soudain sous le boulevard du Jardin Botanique. L’œil de l’observateur attentif remarquera l’inutilité de celui-ci, si ce n’est pour déboucher sur un nouveau boulevard, dont la seule fonction semble être de couper le parc du Jardin Botanique en deux. Crrrâââc !

En réalité, dans les fantasmes les plus fous de certains, ce boulevard Saint-Lazare devait prolonger le parcours automobile paradisiaque, pour déboucher dans un quartier Nord gigantesque et continuer sans encombre jusqu’à une proche entrée d’autoroute. Et hop, du bois de la Cambre jusqu’à l’autoroute d’Anvers à du cent à l’heure. Ils en ont rêvé... Ils n’ont pas pu le terminer ! À ce stade de la description autoroutière, cela rappelle à notre bonhomme que dans les cartons figurait un autre tunnel, prolongeant lui la rue Belliard, passant sous le parc Royal, pour déboucher au niveau de la cinémathèque et des rues Baron Horta et Ravenstein. Et re-Crrrâââc !

L’espace de ville situé aux abords de la Gare Centrale, en jachères de constructions durant des décennies, s’est sans doute appelé « Carrefour de l’Europe » en raison de ces projets, car différentes autoroutes auraient connu des prolongations de ce type jusqu’au cœur de la ville. Avec un tel niveau de folie, nous en sommes à nous demander si, pour les individus à l’origine de ces projets, une ville devait encore englober cette hérésie rabat-joie arriérée nommée « habitants ».

Highway to Hell

Afin de rejoindre le quartier Nord avec sa compagne d’un jour, notre bonhomme prend la rue de la Régence et passe par le haut du quartier du Sablon, toujours debout après l’abandon d’un projet de rasage intégral. Le quartier a été sauvé, après mobilisation des habitants, mais au prix d’une évolution semblable aux Marolles d’aujourd’hui : une transformation progressive en parc d’attractions pour portefeuilles pleins à craquer. Hélas, les enfants ne jouent plus au basket sur la place du Grand Sablon, ils slaloment plutôt entre les voitures de luxe pour rejoindre le trottoir, dont les terrasses sont peuplées de frimeurs friqués.

Dépassant le Sablon, nos amis descendent dans la rue de Ruysbroeck, dont le tronçon supérieur permet au promeneur un voyage vers le 18e siècle. « – Tellement belle et calme, et pourtant si proche du tumulte urbain... Connaissant Bruxelles, on en vient à se demander par quel miracle elle est encore debout ! » Nous avons certes échappé à sa disparition, mais le plaisir est cependant de courte durée : quelques dizaines de mètres plus bas, nos amis débouchent dans un cul de sac bureaucratique, à l’arrière de la bibliothèque Royale. Ils y empruntent l’espèce de petite galerie débouchant sur la place de la Justice, cette dernière n’ayant plus de place que le nom. Cet espace coupé par le boulevard de l’Empereur situé en hauteur, a autrefois été une charmante place à trois côtés d’immeubles d’habitations, l’ancien Palais de Justice la fermant sur son quatrième. Des petites rues classiques du centre de Bruxelles y débouchaient, toutes au même niveau de sol que la rue de Ruysbroeck, telles la rue de l’Hôpital et la rue de l’Empereur.

Ils empruntent l’escalier menant audit boulevard, pour parcourir l’axe routier menant au quartier Nord. Notre bonhomme demande à son amie de sortir les œillères car, tout le long de cet axe, nous n’avons hélas pas échappé aux horreurs ! Plus aucune maison n’est debout, et des quartiers entiers n’existent plus, telles les rues montant vers la place royale, remplacées par le Mont des Arts ; le quartier de la Putterie, sur lequel se dresse la gare centrale et les immeubles environnants ; disparu le quartier de la place du Marché au Bois ; disparus également, les immeubles d’habitations entourant la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule ; et en bout de course, détruites toutes les rues du quartier des Bas-Fonds et de la porte de Schaerbeek, pour édifier dans les années 1950 la Cité Administrative de l’État...

Au pas de course, ils traversent ces boulevards dénués de vie, en essayant vainement de se convaincre que cet enfer urbain aurait peut-être pu être pire ! Haletants, ils arrivent au boulevard Pacheco et plongent sous le boulevard du Jardin Botanique, pour parcourir cet absurde tronçon coupant le parc en deux. De la place Saint-Lazare, ils passent ensuite sous les voies de chemin de fer et rejoignent le quartier face à la gare du Nord.

L’Amairrrik comme modèle, manneke !

Au début des années 1960, cela fait une quinzaine d’années que les américains ont débarqué sur le continent, pour empêcher les russes de mettre la main sur l’entièreté de l’Europe continentale, et d’y étendre l’impérialisme Soviétique. Les soldats ne sont pas venus seuls, mais accompagnés de l’attirail de colonisation culturelle à servir à nos parents et grands-parents... Dans le paquet colonial, manifestement, se trouvaient certains délires de grandeur urbanistique. L’idée dévastatrice du « Plan Manhattan » a alors germé dans l’esprit de promoteurs prêts à tout. Il s’agissait du plan d’érection d’un immense quartier d’affaires, constitué de tours gigantesques de bureaux, situées en lieu et place des habitations du quartier Nord.

« – Mais c’est ce que nous avons sous les yeux », s’écrie l’amie de notre bonhomme, sidérée de se trouver face à ça au sein d’une balade sur des horreurs non réalisées. « – Certes oui, tout cela est bien moche, mais ce qui était prévu était pharaoniquement pire que ces immeubles hideux remplaçant les dizaines d’îlots de maisons, de magasins et d’écoles détruits. Cela peut te sembler osé d’être ici, mais dans l’état nous devons nous réjouir, si si, qu’ils n’aient pas été au bout de leurs plans. » Tout le monde aura remarqué dans ce « quartier » que, même quand le temps n’est pas venteux, entre les tours construites le vent est malgré tout systématiquement présent ! « – Imagine qu’ils aient réalisé leur Plan Manhattan initialement prévu… Avec le vent engendré ici, si on avait placé des éoliennes entre les tours, la Belgique aurait pu éviter la construction des trois réacteurs nucléaires de Tihange ! Et des quatre de Doel en sus ! Ce ne sont pas moins de septante tours qui étaient prévues ! »

Et ce n’est pas fini ! La ville humaine, c’est-à-dire la circulation piétonne, l’entrée dans les bâtiments, la rencontre avec d’autres humains, la lecture ou toute autre activité de la population, se seraient réalisées à treize mètres de la planète terre, sur un maillage de dalles géantes de béton. L’idée majeure de l’affaire étant que l’humain puisse ne plus gêner la circulation automobile, par de scandaleuses traversées de chaussée par exemple, le niveau du sol étant réservé aux flots de voitures. Vroûmm vroûmm !

Certains personnages décrits comme déments se voient coller l’étiquette de « fous », pour être internés dans des institutions de soins spécialisés ; d’autres par contre, par leur activité professionnelle et leurs accointances politiques, peuvent engranger la réalisation de leurs délires sans être inquiétés. Ici, des milliers de gens ont été expulsés de leurs logements, des centaines de bâtiments ont été détruits et... des terrains sont restés vagues durant des décennies ! Car comme souvent à Bruxelles avec le désastre urbanistique, ce centre international d’affaires ne débouchera jamais sur rien. La plupart des bâtiments n’ont attiré personne, et ont été après construction occupés par des administrations publiques. Aujourd’hui, là où les tours sont construites, plus rien ne se passe après 18 h. C’est mort ! Et les autorités ont dû se résoudre, par-ci par-là, à reconstruire à taille humaine certains îlots détruits, pour retrouver au final quelques immeubles de logements.

Soudain, notre couple d’un jour se précipite à la vitesse Beaufort 9 vers le boulevard et la place Rogier, poursuivant leur parapluie emporté par le vent.

Obscure cité

Pour doucement atteindre le terme de cette balade, les deux amis remontent le boulevard du jardin Botanique pour entrer dans la petite rue des Cendres et déboucher sur la rue de la Blanchisserie. Ils déambulent doucement dans les rues aux Choux, du Damier, ou encore explorent les rues du Canon, des Boiteux et du Persil. « – Si j’ai voulu rejoindre le centre ville par ces rues, c’est pour te permettre de voir ce à quoi nous avons sans doute échappé dans certains quartiers traversés tout à l’heure, par exemple au Sablon : de gros immeubles sans style, alignés sans aucune cohérence. »

Dans ce quartier compris entre la rue Royale au-dessus, la rue Neuve dessous, et la rue du Fossé aux Loups vers le centre, seules sept maisons du début de la rue du Marais sont encore debout, accompagnées de quelques autres bâtiments, parfois remarquables. « – Apprécie-les à leur juste valeur, car ils se sentent bien seuls par ici, par exemple l’ex-siège du journal Le Peuple aux deux entrées rue Saint-Laurent et rue des Sables, ou le Musée de la Bande Dessinée, installé dans d’anciens magasins de tissus. Ils ont échappé de peu au désastre, mais tout le reste a été rasé. »

Quittant la place des Martyrs, une survivante au nom prédestiné, ils empruntent la rue d’Argent, dont le nom l’est tout autant dans ce quartier dévasté par les promoteurs immobiliers, pour déboucher doucement sur la place de la Monnaie. à l’emplacement où l’on frappait la monnaie au 16e siècle se dresse l’Opéra National de Belgique. En se plaçant de dos par rapport à celui-ci, nos deux amis « contemplent » le centre administratif de la Ville de Bruxelles. Il est installé en lieu et place de l’ancien Hôtel des Postes, dont le mérite incontestable était de fermer harmonieusement la place, sans provoquer le dégoût intégral actuel des démarches administratives, lorsqu’il nous faut pénétrer dans cette hideuse tour sombre, en forme de croix.

Contournant l’îlot, ils se retrouvent devant le flan ouest du bâtiment, défigurant avec son digne vis-à-vis le côté sud de la place De Brouckère. « – Quel scandale d’avoir pu dénaturer une des principales places du centre de Bruxelles, en détruisant des commerces, des cinémas, des salles de spectacles, pour réaliser cette... chose. C’est carrément criminel ! Qui pourrait excuser les responsables d’avoir commis cet acte irréparable ? » « – Oui, mais pourquoi nous arrêtons-nous devant cette chose ? », demande assez logiquement l’amie de notre bonhomme. « – Car elle nous permet de visualiser assez précisément ce à quoi nous avons échappé un peu plus loin, juste à côté de la Bourse ! »

Cette réalisation actuellement debout est d’autant plus ahurissante qu’elle présente des similitudes certaines avec un autre projet, heureusement jamais réalisé ! En effet, les plans d’un certain Stanislas Jasinski, en 1932, devaient sans doute faire fantasmer Robert Schuiten, auteur avec quelques amis de cette actuelle tour administrative, car ces plans plus anciens prévoyaient non loin trois tours à la forme similaire, en croix, au sein d’un mal nommé « projet de mise en valeur de Bruxelles-Centre ». Ces trois immenses tours devaient s’ériger à côté de la Bourse, jusqu’à la place Anneessens. Brââff... Sacrifiées les rues des Pierres, de la Chaufferette, de la Gouttière, Plattesteen, du Bon Secours, et d’autres encore… « – Ouf, les immeubles de ces différents îlots sont toujours là, slalomons-y les yeux vers le haut, pour apprécier les gabarits de ces constructions ! » Terminant par la rue du Midi, nos amis commencent à ressentir la sécheresse de leur gosier. Ce parcours bruxellois appelle à présent un repos bien mérité.

Afin d’une dernière fois contempler des lieux survivants, ils partent à la recherche d’un bistrot ancien, tout en déambulant parmi les flots de touristes au sein de l’îlot sacré, sauvé d’une destruction programmée. Les immeubles de la rue des Bouchers et des rues avoisinantes, ainsi que les nombreuses ruelles et impasses, ont en effet également été dans la ligne de mire des promoteurs par le passé. La non-réalisation des projets permet à nos deux amis de boire un verre dans un troquet sans âge, au bout d’une impasse qui l’est tout autant. Comme pour le Sablon, le sauvetage des lieux a entraîné leur transformation en tout autre chose, aujourd’hui hauts lieux des balades touristiques internationales… Nos deux amis y apprécient cependant leur moment de détente au milieu des vieilles briques.

Durant quelques secondes, ils ne peuvent s’empêcher de s’y inquiéter des probables horreurs prochaines, en préparation dans quelque cerveau malade contemporain. Levant leurs verres, ils saluent celles et ceux qui aujourd’hui travaillent sans relâche à la lutte contre les désastres urbains actuels. Santé !

Gérald Hanotiaux