Ce samedi 1er mars 2025, L’Écho faisait état d’une note au gouvernement bruxellois (toujours en affaires courantes) sur le coût supplémentaire qu’engendrerait la nouvelle mouture de l’ouvrage à la Gare du Nord. Se refusant à signer l’avenant, le gouvernement bloque ainsi le chantier à la Gare du Nord au motif qu’il serait « inapproprié » d’approuver des surcoûts vu l’incertitude quant à la soutenabilité budgétaire du projet. Mais a-t-il bien tout calculé ? On vous rembobine la liste des comptes.
Toujours en gestation, ce permis modificatif vise à adapter la technique de construction à la présence d’une nappe perchée sous le grill de chemin de fer. Arrière-gare pour la phase 1 et point de raccordement avec la phase 2, l’ouvrage est essentiel au projet de métro 3. Le chantier de cet ouvrage est donc à l’arrêt depuis avril 2023 (date à laquelle il s’est avéré que pomper l’eau était une vaine entreprise) et, depuis, le donneur d’ordre (le consortium BMN) étudie la technique « par le haut », c’est-à-dire, la construction par découpe des voies de chemin de fer, deux par deux.
Ce changement de technique a un coût et le gouvernement en affaires courantes vient donc de refuser d’approuver l’avenant permettant de « poursuivre les travaux », ou plutôt la dépose du permis modificatif aux impacts majeurs. En effet, le détail de la note expose un doublement du budget : « Le marché initial pour la construction de ce tunnel était d’environ 44 millions d’euros tandis que le projet d’avenant soumis dernièrement au conseil d’administration de la STIB porte finalement sur un montant d’environ 88 millions. »(L’Écho). Cet énième surcoût s’ajoute à celui qu’engendrera une éventuellement démolition du Palais du Midi.
Alors qu’en juin 2023 la ministre de la mobilité évoquait, sans trop donner de détails, un montant de 400 millions d’euros, l’étude d’incidences portant sur la démolition du Palais du Midi suggère qu’on devrait atteindre ce montant assez facilement. Démolir le Palais implique en effet la relocalisation de la Haute École Francisco Ferrer (35,5M€) et des clubs de sport (20M€), le Pacte Toots 2025-2029 (16,43M€), la démolition des intérieurs (12M€) la construction du tunnel de métro ( 30 millions), sans oublier la démolition-reconstrution elle-même (230M€). À ces montants, on peut encore ajouter ceux à charge de la Ville de Bruxelles : 100.000€ pour l’étude relative à « la reprogrammation et la transformation spatiale du Palais du Midi » et tous les frais, encore inconnus, engendrés par le parachèvement et l’aménagement du Palais – puisque la STIB, si le permis est délivré, se limitera à une reconstruction du gros œuvre fermé (reconstruction « CASCO », selon le jargon). Bref, on est déjà à un surcoût de 343M€, sans compter d’éventuels frais d’études supplémentaires et pénalités de retard.
Ce montant est à mettre en regard du surcoût de 227M€ que le consortium d’entrepreneurs avait annoncé en août 2022 à la STIB pour l’adaptation de la technique de construction des 120 m de tunnel sous le Palais du Midi aux « réalités du terrain ». Creuser le tronçon du tunnel sous le Palais du Midi devait alors coûter aussi cher que tout le complexe Toots Thielemans, et à cela la STIB ne pouvait consentir…
Outre son surcoût, la mise en œuvre de la technique proposée par le consortium reportait la livraison du tunnel à 2033. Quant au projet retenu pour la démolition-reconstruction du Palais du Midi, l’étude d’incidences nous renseigne que « le coût total envisagé est estimé à 227 à 233 millions d’€ et la durée du chantier se place dans une fourchette de 13 à 14 ans. Dans ce scénario, la mise en service du métro est estimée à l’horizon 2030 à 2031 » [1]. Démolir le Palais du Midi pour construire le tunnel ne coûterait donc pas moins cher que de le laisser debout : le « gain » tient uniquement à la durée du chantier, qui serait allongé de 2 ans si on préserve le bâtiment [2].
Notons, enfin, que l’étude d’incidences étudie une alternative 0+ prévoyant la réalisation du tunnel de Métro 3 dans sa technique initiale (et un Palais qui reste debout), mais avec une rénovation massive (meilleure isolation, renfort de la structure, rénovation des sanitaires, etc) pour un budget compris entre 213 et 295M€. La durée du chantier envisagée est de 10 ans et le métro devrait alors entrer en service entre 2032 et 2035.
Démolir le Palais du Midi (et le reconstruire, même a minima) coûte cher, très cher, trop cher. Si le gouvernement en affaires courantes s’est dédouané en refusant de valider le surcoût relatif à la Gare du Nord (44M€), il serait, à plus forte raison et parce que les sommes engagées ici sont bien plus importantes (343M€ au minimum), bien inspiré d’en faire de même pour le Palais du Midi.
[1] Notons que l’« horizon 2030 à 2031 » pour la mise en service du Métro 3 devrait encore un peu s’éloigner vu les problèmes rencontrés à la Gare du Nord (cf. BX1, 3/3/25).
[2] Sans oublier que depuis l’arrêt du chantier devant les caves du Palais (juin 2021) et aujourd’hui, il s’est écoulé pas moins de 3 ans et 8 mois.