Inter-Environnement Bruxelles
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Le projet Acier Wauters : des promesses sans garanties !

Ce mardi 14 octobre, un énième projet immobilier privé passera en commission de concertation à Molenbeek : un projet porté par le développeur Revive pour la construction de 185 logements en bordure du canal, en plein coeur du quartier populaire Heyvaert. Pour le Comité Heyvaert/Liverpool la Rue, IEB, le CRU, le Comité 1070 contre la gentrification et le Comité Porte NinovePoort, il présente, en l’état, nombre de carences au regard de son quartier d’implantation et des nécessités qui y règnent.

Aciers Wauters © IEB - 2025

Le quartier Heyvaert fait partie du territoire de Cureghem porteur d’une histoire industrielle et terre D’accueil des populations migrantes. Ce n’est pas un hasard si la famille Wauters est venue s’installer là dans les années 1920, alors que le quartier connaissait un essor industriel important suite à l’installation des Abattoirs d’Anderlecht. Cette trame industrielle et populaire donne encore son identité au quartier Heyvaert comme lieu central de ressources (proximité de la gare du Midi et du centre ville) pour nombre d’habitant.es. Mais depuis l’adoption du PAD Heyvaert, de nombreux projets immobiliers voient le jour, souvent déconnectés des réalités du quartier. Le développeur Revive s’inscrit dans ce mouvement avec son projet de 185 logements accompagnés de quelques équipements et superficies d’activités productives. 

Le projet promet des logements sociaux mais…

Le projet annonce fièrement vouloir produire 38 logements sociaux sur les 185 prévus, soit 25,1 % de l’ensemble. Ce n’est pas un cadeau du promoteur mais bien une obligation réglementaire du PAD Heyvaert. Mais au vu des derniers échanges qui ont eu lieu lors d’une soirée d’information le 9 septembre 2025, il apparaît qu’en l’état aucun opérateur public ne s’est présenté pour réaliser la part de logements sociaux. Vu le contexte politique et les finances réduites des opérateurs publics, le risque est bien là que les logements sociaux ne voient jamais le jour. Or nous sommes dans un quartier ne disposant que de 2 % de logements sociaux dans une commune, Molenbeek, où le loyer moyen a augmenté de 7,39 % en un an, avec une population fortement fragilisée sur le plan économique : faibles revenus (le revenu imposable médian par déclaration est de 17.299,87 € pour le quartier contre 21.870 € pour la moyenne régionale) et taux de chômage élevé (27,69 % contre 17,78 % à l’échelle de la Région).

Les comités et associations refusent qu’un tel projet voie le jour sans garantie de réalisation d’un minimum de 25 % de logements sociaux. 

Le projet promet des équipements collectifs mais…

Il en va de même pour les équipements. Lors de la séance d’information du 9 septembre, le promoteur a déclaré que les maisons médicales, la maison de quartier et la salle de sport n’étaient que des recommandations émises par la Région. Alors que de nombreuses études attestent que le quartier Heyvaert souffre d’un grand déficit en équipements publics, aucune garantie n’existe sur la réalisation d’équipements conformes aux besoins du quartier. Par ailleurs, le projet ne consacre que 6,3 % de sa superficie aux équipements alors que la Task force de Perspective.Brussels demande 10% d’équipements. 

Les comités et associations exigent des garanties que les espaces d’équipement atteignent 10 % de la superficie du projet et soient occupés et gérés par des opérateurs qui répondent aux besoins spécifiques des habitant.es du quartier : crèche, école, maison médicale, bibliothèque, académie de musique, équipement sportif et culturel, espace numérique,... 

Le projet promet un espace ouvert mais…

Revive promet un grand espace ouvert, remplaçant la dalle de béton existante, qui deviendrait une « prairie ». Le statut de cet espace est très ambigu. Le promoteur parle d’un espace « semi-public » alors qu’il s’agit d’un espace en intérieur d’îlot sans aucun statut public et qui risque fort de devenir un énième accessoire d’une opération immobilière : un espace privatisé et grillagé auquel se heurteront les habitant·es du quartier. Or la morphologie de l’îlot, l’emplacement de l’espace prairie permet de penser à la création d’un véritable espace public ouvert sur le quartier, orienté vers la rue de Liverpool pour répondre à la promesse de créer un espace ouvert aux habitant.es du quartier. La commune de Molenbeek ayant fait savoir qu’elle était intéressée de reprendre la propriété de cet espace, les comités et associations exigent que l’espace « prairie » soit a minima un véritable espace public et qu’une étude soit réalisée pour analyser la faisabilité d’ouvrir l’espace vers la rue de Liverpool. 

Au nom de ces promesses non garanties, le projet échappe aux charges d’urbanisme !

Revive utilise le fait, pourtant hypothétique, de la création de 25,1 % de logements sociaux (en application du PAD Heyvaert), pour échapper au paiement des charges d’urbanisme. Alors que nous sommes dans un quartier connaissant des carences à de multiples niveaux (offre en logement abordable et équipements de quartier), on pourrait se retrouver avec un projet massif déconnecté des besoins qui s’offrirait le luxe de ne payer aucune contre-partie aux nuisances qu’il ne manquera pas de créer. En effet, le projet prévoit la création de 69 places de stationnement pour 185 logements, un nombre très insuffisants au regard du projet envisagé. En effet, selon le Rapport d’Impact Environnemental (RIE), plus de 50 % des logements du projet sont des logements avec plus d’une chambre, ce qui laisse supposer qu’ils seront occupés par des ménages avec enfants. Le taux moyen de motorisation pour l’ensemble du projet devrait donc tourner autour de 0,7 alors qu’il n’offre que 0,45 places par habitant.e. Il y a donc un déficit attendu pour 60 voitures qui viendront s’ajouter à la pression déjà forte sur les places disponibles dans les rues avoisinantes.

Ainsi, plutôt que de contribuer à « l’amélioration de la qualité de vie des usagers et des habitants » comme le prétend le promoteur, le projet aura pour conséquence d’infliger une quadruple peine au quartier, à la commune et à l’intérêt général : aucun logement social construit, des espaces grillagés, aucune charge d’urbanisme prévue, des voiries encore plus saturées. Le Comité Heyvaert/Liverpool la Rue, IEB, le CRU, le Comité 1070 contre la gentrification et le Comité Porte NinovePoort sont donc totalement opposés au projet tant que les garanties en logements sociaux et espace public accessible ne sont pas tangibles !

par Claire Scohier

Inter-Environnement Bruxelles