Pour répondre aux besoins de transports sans cesse accrus, suffit-il d’augmenter l’offre de transport, en particulier par un transfert modal vers les transports en commun ? Le RER, longtemps attendu et actuellement prévu pour 2019, nécessite de multiples aménagements dont l’élargissement des voies traversant la Forêt de Soignes. Quand le transport durable entre en confrontation avec les espaces naturels, que faire pour trouver un juste équilibre ?
Ne nous leurrons pas, chaque jour Bruxelles attire des centaines de milliers de navetteurs, soucieux de rejoindre la région pour y exercer de multiples activités. Et chaque matin, les flashs radios se répètent, décrivant par le menu les mêmes embouteillages aux mêmes endroits, les mêmes problèmes de pollution de l’air.
Pour répondre à cette demande d’accès à la ville, l’offre en transport doit grandement s’améliorer. Plutôt que d’encourager le recours au véhicule individuel via des solutions qui iront droit dans le mur (cf. le projet d’élargissement du ring), le transfert modal vers les transports en commun semble plus (trans)porteur. Dans ce contexte, le RER est attendu un peu comme le messie. Loin d’être à lui seul la panacée, il reste malgré tout un outil dont il serait regrettable de se priver. Mais quand une telle infrastructure nécessite des sacrifices, les difficultés et les heurts pointent le bout de leur nez.
Dans le cas de la ligne en direction de Louvain-la-Neuve, la répercussion de ces travaux sur la Forêt de Soignes est sujette à de nombreuses craintes, d’autant plus que le projet initial promettait de sérieux impacts. Suite aux multiples réactions, Infrabel a revu sa copie et, en partenariat avec l’IBGE, a élaboré un projet alternatif répondant bien mieux à des objectifs de développement durable tout en limitant au maximum les dommages collatéraux.
En tant que zone Natura 2000, la Forêt de Soignes se voit conférée une protection particulière obligeant notamment la réalisation d’une « évaluation appropriée » (sorte d’étude d’incidence orientée nature) des projets qui auraient un impact sur son écosystème. Ainsi, plusieurs thématiques furent étudiées et des dispositions prises pour atténuer les effets de ces travaux.
Tout d’abord, et suite aux collaborations entre l’IBGE et Infrabel, le projet a réduit fortement son emprise au sol, passant d’environ 4 à 0,2 hectares au final.
Plusieurs études ont été menées et ont démontré la présence de nombreuses espèces rares de chauves-souris. Ce constat a abouti à la création de quatre gîtes à chauves-souris (tunnel + labyrinthe avec pertuis qui garantit en même temps un haut taux d’humidité). Si les animaux volants sont gâtés, leur congénères ne sont pas en reste puisque l’introduction de 3 « crapauds » a été prévue. Enfin, pour les autres espèces, et pour réduire au maximum la fracture causée par l’élargissement des voies, un écoduc est prévu à la drève des Bonniers. Plus large que long, avec 71 mètres de largeur construite et 48 mètres de largeur utile, ce pont réservé à la faune répond aux valeurs prescrites par les recherches européennes qui conseillent une largeur utile comprise entre 40 et 50 mètres avec un ratio de 0,80 entre la longueur et la largeur.
Toutefois, il ne s’agit pas de considérer celui-ci comme une compensation de surface mais bien comme une amélioration de connexion entre les 2 parties de la forêt une fois que le permis sera délivré.
Pour favoriser la diversité des habitats et des espèces, un système de lisière ondulante est envisagé. Au niveau de la gestion, il y aura une zone maigre, une zone de fauche, une zone avec interventions régulières mais à petite échelle (usage d’un sécateur plutôt que d’une tronçonneuse) ce qui aboutira théoriquement à un écosystème composé d’une lisière étagée, d’un talus végétalisé, d’une prairie de fauche et d’une zone de type « friche ». Pour ce qui est de l’abattage des arbres, le travail est confié à l’IBGE.
Enfin, pour ne pas perturber outre mesure l’écosystème local, plusieurs aménagements ont été adaptés au terrain pour mieux s’y intégrer. Par exemple, le ballast est composé de porphyre plutôt que de briquaillons car il est chimiquement neutre et ne modifiera pas le pH du sol. Pour ce qui est de la séparation physique, pour raisons sécuritaires, entre les zones publiques et le chemin de fer, la réutilisation de bois morts entassés en muraille a été préférée à l’usage de grillages métalliques. Les avantages sont multiples. Ainsi, un stock de bois mort favorable pour la biodiversité (oiseaux, insectes, ...) subsiste. Par ailleurs, il n’est plus nécessaire d’évacuer ce bois ce qui réduit le charroi et les coûts grâce à la réutilisation de matériaux locaux.
Les besoins humains en termes de déplacements sont importants. Il faut donc voir si on répond à ces besoins et jusqu’à quelle limite en ayant à l’esprit que ces déplacements engendrent des impacts sur l’environnement.
Ce qui est certain, c’est qu’il faut faire des choix, limiter les impacts de ceux-ci, parfois combiner plusieurs approches et en assumer les conséquences. Mais ne vaut-il pas mieux une réduction minime d’une surface boisée avec des dispositifs limitant les effets sur la faune et la flore plutôt qu’une augmentation du nombre de voitures engorgeant et polluant notre région ?
ERWAN MARJO