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Le Festival Temps des communs

Avec près de 350 événements proposés pendant 2 semaines en octobre dernier dans plusieurs pays, le festival Temps des communs s’inscrit dans le contexte de la montée en puissance de l’idée et des pratiques des communs.

Le festival Temps des communs, se déroulait cette année du 5 au 18 octobre en de multiples lieux à travers 7 pays francophones. L’idée est que se retrouvent dans un même programme, un ensemble d’événements, qui chacun à leur manière permettent de découvrir et de s’engager dans le mouvement des communs. Les 350 événements et plus proposés ont permis aux participants de découvrir les communs au travers d’entrées thématiques variées, allant de la ville à la nature, de la science aux pratiques artistiques, ou bien de l’économie P2P au code civil, et cela à travers toutes sortes d’ateliers, conférences, débats, balades urbaines, projection de documentaires, etc.

Une organisation distribuée

Pour ce faire, le festival est organisé sur un mode distribué. C’est-à-dire que les lieux, les sujets abordés, les formes de rencontre avec le public sont laissés à l’initiative des organisateurs de chaque événement. Le programme du festival se construit à travers le site web [1], sur lequel chacun découvre les événements qui se déroulent près de chez lui. Des collectifs locaux se sont formés, comme à Toulouse, Bruxelles, Lyon,... fonctionnant sur un mode auto-organisé, permettant de regrouper des forces, créer des synergies, afin de donner plus de visibilité aux actions individuelles proposées. Une journée, une fête, ou un événement organisé par ce collectif, à souvent servi de point d’orgue local. Aller au bout de la logique distribuée sera d’ailleurs l’un des défis de la prochaine édition du festival Temps des communs.

Celle-ci devrait se dérouler en 2017. Il devrait alors être possible de s’appuyer sur la connaissance mutuelle des militants, qui composent des groupes locaux, pour lancer un mot d’ordre et développer une infrastructure légère et agile qui permettra de proposer un festival démultiplié géographiquement et dans de nouveaux thèmes ou domaines d’engagement citoyen.

Pourquoi francophone ?

Le festival Temps des communs est une initiative organisée par un groupe constitué dans le cadre du réseau francophone des communs. Ce réseau a été lancé en 2012 à travers une invitation de l’association VECAM [2] aux acteurs de cultures francophones à faire converger la réflexion et les actions autour des communs. Une soixantaine d’organisations a alors répondu à cet appel et des pistes d’actions, comme celles du festival évoquées. Cette invitation faisait suite à l’implication de VECAM , à la fois au manifeste pour la récupération des biens communs (2009) et à la conférence internationale sur les biens communs organisée par le Commons Strategies Group en 2010. Le besoin de renforcer la présence des francophones dans les échanges internationaux nous avait alors incités à former cet espace de collaboration et de convergence des personnes et des organisations sur les communs.

Par la suite, une liste électronique de discussion a été mise en place (echanges@bienscommuns.org). Elle regroupe aujourd’hui plus de 450 destinataires. Progressivement, des groupes de travail sur des thèmes aussi variés que « Finance et communs », « Jardin partagés », « Assemblées des communs » ou encore des groupes locaux se sont constitués en prenant appui plus ou moins fortement sur le réseau. Ils fonctionnent toujours dans des modalités distribuées et auto-organisées, adoptant des objectifs, stratégies et règles qui leurs sont propres.

C’est sur ce terreau que s’appuie le festival Temps des communs pour se développer dans la francophonie. Il serait utile de s’interroger sans tarder sur les conditions d’un développement dans d’autres espaces culturels et linguistiques.

Une telle évolution pourrait donner aux organisations qui s’appuient sur un réseau national et international de membres, telles que Wikipédia, les associations du logiciel libre, ou encore Semences paysannes ou les AMAPS, pour ne citer que ces exemples, un rôle plus important que celui qu’elles ont joué jusqu’à présent.

L’engagement citoyen en partage

Le succès du festival est un marqueur du progrès des communs dans l’imaginaire militant.

Il est utile de prendre un peu de temps pour comprendre ce succès. Celui-ci ne se résume pas aux chiffres de participation pas plus qu’à la multiplication des usages du mot communs dans la sphère publique. En partie parce que la notion de communs est perçue de manière polysémique [3], elle permet de construire des synergies entre militants de mouvements qui jusque-là ne se connaissaient pas nécessairement. Culture libre, économie du partage, écologie politique, coopérativisme,... sont quelques-uns des mouvements qui cherchent à mieux comprendre quels gènes ils ont en partage. Les communs en font partie, cela fait consensus, et le festival Temps des communs a contribué à nourrir une culture des communs.

Le festival a aussi été le berceau d’assemblées des communs [4], comme par exemple à Lille ou Toulouse. Cette nouvelle forme de mobilisation, aux contours encore incertains, vise à s’opposer à l’accaparement des richesses produites en communs et à s’organiser pour répondre aux besoins de subsistance « commoners ». Mais, pour atteindre de tels objectifs, il faudra sans doute que le récit (storytelling) des communs puisse nourrir des mobilisations massives à même de créer un rapport de force comme cela aurait été nécessaire pour défendre l’inscription des communs dans la loi numérique en France, mise en discussion publique au moment même où se déroulait le festival.

Finalement, la réussite du festival invite à poursuivre le travail de formalisation des idées et de perspectives stratégiques qui permettent aux familles militantes des communs, naturels, urbains et de la connaissance de faire progresser ensemble les mobilisations sociales.

Frédéric Sultan
Remix the commons