Qui peut entamer une procédure de sauvegarde ? Comment introduire demande de classement d’un site ou d’un monument ? Quels documents faut-il rassembler ? Quels délais, quel type de signature ?
Ce mode d’emploi a été réalisé à partir des questionnements, d’échanges et des apports de comités et collectifs membres de la fédération. Il vous guidera dans la procédure de "pétition de classement".
Une pétition de classement d’un bien immobilier est un acte administratif de personnes qui désirent classer un site ou d’une construction dont elles ne sont pas propriétaires. [1]
Lorsqu’elle est d’initiative citoyenne ou associative, la demande doit être introduite par une asbl soutenue par les signatures de 150 personnes et une série d’annexes : elle prend donc la forme d’une pétition. L’ensemble sera analysé par la Direction du Patrimoine culturel, qui jugera avec la Commission royale des monument et sites (CMRS), s’il est opportun de la présenter à la décision du gouvernement bruxellois. Si le gouvernement la juge également pertinente, il ouvrira une procédure de classement qui débouchera peut-être sur un arrêté de classement.
Donc, le parcours est long, le succès loin d’être assuré, mais... lorsqu’un arrêté de classement est publié, la protection est assurée !
Ainsi, ces bâtiments et sites ont été classés par pétition de classement (citoyenne) :
(liste non exhaustive, n’hésitez pas à nous écrire pour la compléter !)
Comme la demande doit être introduite par une asbl agrée patrimoine, Inter-environnement Bruxelles peut donc vous accompagner :
Notre rôle consiste à :
Après cela, IEB introduira la pétition de classement auprès de la Direction du patrimoine.
Le classement immobilier protège légalement et vise à assurer la conservation d’un bien immobilier - par exemple : un immeuble ou ensemble d’immeubles, un site, une place publique, une fontaine - qui présente un intérêt historique, archéologique, architectural, scientifique, artistique, social, mémoriel, esthétique, technique, paysager ou urbanistique.
Le bien sera alors inscrit sur le registre des biens immobiliers protégés. Ce registre comprend les biens inscrits sur la liste de sauvegarde, classés ou faisant l’objet d’une procédure de classement. [2]
Et les arbres ? Théoriquement, un arbre isolé est "classable," mais pratiquement très peu le sont : l’administration préfèrent les inscrire sur la liste de sauvegarde. Par contre, les sites, parcs ou jardins sont régulièrement classés dans leur ensemble. [3]
En pratique, jusqu’à présent, peu de pétitions de classement ont abouti à un classement effectif du bien. Parfois, on a pu voir un classement partiel.
Exemple : l’abri sous la place du Jeu de Balle mais pas la place elle-même et une partie des bâtiments comme demandé.
Théoriquement, si la pétition de classement est déposée lorsqu’une demande de permis est en cours, l’art. 226 du CoBAT permet au Gouvernement d’imposer des conditions de délivrance au permis. Mais, en pratique, cette décision reste marginale.
Toutefois, une pétition de classement reste intéressante :
Par ailleurs, en cas de délivrance d’un permis, avoir initié une pétition de classement préalable ouvre la porte à des arguments de contestation du permis au Conseil d’État.
Un dossier complet comporte un formulaire qui résume et motive la demande et quatre annexes. Le tout devra être également remis en quatre exemplaires !
Il s’agit d’une demande écrite, sur un formulaire adhoc. La motivation sera très concise car appuyée par les documents à fournir en annexe. Veillez cependant à appuyer sur le caractère unique et exceptionnel du bien à protéger et de la situation qui vous pousse à demander sa protection (projet de destruction ou de modification d’ampleur, par exemple). Cette étape est très importante et nous la ferons avec vous. C’est également à ce moment qu’IEB décidera s’il est pertinent qu’elle introduise la demande. Nous verrons ainsi, selon notre expérience, le classement a des chances d’être obtenu... Sachez que le travail à fournir pour rédiger les annexes est assez important !
Ces signatures seront présentées sous forme d’une liste numérotée de 150 personnes âgées de 18 ans au moins et domiciliées dans la région où se situe le bien.
Veuillez noter que la pétition faisant partie d’un acte administratif formel, elle se fait jusqu’à présent sous format papier. De plus, sous peine de non-validité, chaque signature devra impérativement être accompagnée de tous les éléments requis par la législation : nom, prénom, adresse, date de naissance, numéro de carte d’identité et signature.
C’est une étape indispensable, car elle reflètera aussi la mobilisation publique pour la protection d’un site. Elle permettra de faire passer le bien de « remarquable" à "remarqué », d’autant plus s’il n’est pas reconnu au patrimoine classique (paysagiste, architecte non réputé, arbre âgé mais commun ...) D’autre part, si une menace pèse sur le bien à classer, veillez à bien vous entourer : le chemin vers le classement est long, sinueux et semé d’embuches. Vous avez donc tout intérêt à le parcourir à plusieurs.
Vous devrez fournir une copie de l’extrait de la matrice cadastrale relative au bien concerné. Ce document est payant et peut être commandé via un formulaire disponible sur le site du SPF Finances (en ligne). [4]
À vous de rédiger une description technique du bien ainsi que sa dénomination éventuelle ! Par exemple, pour un bâtiment, elle doit comporter les caractéristiques architecturales, les dates de construction connues ou estimées, les éléments remarquables, uniques ou exceptionnels du lieu, sa situation, ses relations avec son environnement proche. Elle pourra aussi comporter, si les données sont disponibles, le nom de l’architecte, les éventuels éléments remarquables liés à son histoire (un personnage célèbre y-a-t-il vécu ? a-t-il été le théâtre d’un événement historique ?)... [5]
Légalement, une description sommaire suffit, puisque l’administration et la CMRS sont chargées d’approfondir le dossier. Mais, vos recherches seront bienvenues. L’inventaire du patrimoine immobilier de la Région de Bruxelles-Capitale vous fournira une excellente source d’inspiration pour rédiger la description sommaire.
Mais n’hésitez pas à l’étayer en fonction des connaissances que vous ne manquerez pas d’amasser. Ceci n’est pas obligatoire mais c’est très apprécié par l’administration !
Veillez cependant à fournir des sources étayant votre description (documents archives, photos, livres…)
Pour la recherche documentaire, vous pouvez vous adresser à divers centres d’archives papier ou en ligne, aux cercles d’histoire locale (qui pourraient également vous aider pour obtenir des signatures). Vous pouvez aussi expliciter ses affectations, ses usages, ses transformations au fil du temps. Il s’agit de faire valoir que la commune ou la Région de Bruxelles-Capitale seront affectées par la destruction ou la modification du bien dans son histoire, dans son présent, dans son patrimoine.
Vous le présenterez dans un dossier séparé de la description sommaire même si celui-ci comporte déjà des photos et images. N’hésitez pas à les numéroter et à les légender - une courte phrase suffit. Idéalement, vous fournissez une copie digitale du dossier via un CD /une clé usb. Ce support n’est pas obligatoire mais il sera apprécié par l’administration et la CMRS.
Par exemple, si vous souhaitez faire classer une fontaine, une statue, nous conseillons donc quelques photos centrées sur la statue et des photos avec un large cadre ( qui montre la place où elle est située, en variant les angles de prise de vue).
Après s’être assuré avec vous que la demande était cohérente et complète, nous pourrons déposer avec vous le dossier en quatre exemplaires (avec accusé de réception indiquant que le dossier est complet) à Bruxelles Urbanisme et Patrimoine.
L’administration transmet ensuite la pétition de classement à la Commission royale des monuments et sites (CRMS), commission indépendante, qui « valide » l’intérêt effectif du patrimoine demandé au classement par un avis. Les membres de la commission feront des recherches et visites pour étayer leur avis.
Si l’avis de la CRMS est positif, le Gouvernement peut aussi consulter toutes les instances qu’il juge utile pour se forger une opinion et prend une décision (motivée) quant à l’ouverture ou non d’une procédure de classement. Il reste souverain dans son choix. Le Gouvernement notifiera sa décision à IEB (ASBL demanderesse).
Si le Gouvernement ouvre effectivement la procédure de classement (Champagne !), cela ne veut pas encore dire que le bien va être classé au final ! En fait, le Gouvernement ouvre une « procédure d’enquête préalable au classement ». Cette procédure dure maximum deux ans et permet d’instruire complètement la demande de classement (portée du classement, éléments pris en comptes...). Durant cette procédure le bien jouit de la même protection que s’il était classé et le Gouvernement peut prendre à tout moment un arrêté de classement qui le protège définitivement (ou une partie seulement de ce qui à fait l’objet de l’ouverture de procédure. Ex. : on demande le classement intégral d’une maison mais on ne classe effectivement que la façade et la toiture). Par contre, si on arrive au bout des 2 ans sans qu’un arrêté de classement définitif ait été adopté, la procédure est caduque et il n’y a plus de protection. Nous vous invitons donc à interpeller le gouvernement quelques mois avant l’issue des deux années via une médiatisation, une mobilisation, ou une action parlementaire ( question écrite, orale) pour réactiver la procédure.
A savoir : si le Gouvernement prend une décision de ne pas entamer la procédure de classement, il n’est plus possible d’entamer une nouvelle procédure de classement par pétition ou autre avant un délai de cinq ans à compter de la décision du Gouvernement (CoBAT Art. 222, § 7). http://patrimoine.brussels/
Sur base des différents avis, le gouvernement publiera un arrêté de classement qui sera publié au Moniteur belge avec communication à l’association pétitionnaire.
Une pétition de classement est régie par les prescriptions de l’art. 222 (et suivants) du COBAT et l’Arrêté du 9/11/1993, article 3.
Cet arrêté fait référence à l’ancienne Ordonnance de 1993 mais est, en fait, valable pour la législation actuelle (art. 222 du CoBAT). L’annexe 4 de cet Arrêté qui fait office de formulaire d’introduction de demande de pétition est disponible sur le site de Urban. Pour les asbl : demande de sauvegarde ») ou demande de classement
Cette annexe fait aussi référence à l’ancienne Ordonnance de 1993 mais est, en fait, valable pour la législation actuelle (art. 222 du CoBAT).
Les personnes, collectifs et comités suivant ont contribué à ce mode d’emploi : Bruxelles Fabriques, Comité Meunier, Raphael Rastelli ( de feu "Pétition Patrimoine") et bien entendu Guido Vanderhulst, militant de la protection du patrimoine social et industriel bruxellois (1940-2019).
[1] Un propriétaire (y compris l’assemblée de co-propriétaires) peut directement faire une demande de classement. La procédure est similaire à la pétition de classement en ce qui concerne la récolte des pièces du dossier administratif (notice, cadastre, photos...) sauf qu’il ne faut pas faire de pétition, la demande étant directement au nom du ou des propriétaires. (c’est le 5e du §1 de l’Art. 222 du CoBAT, la pétition étant le 4e)
[2] Attention : le classement des biens mobiliers (objets que l’on peut déplacer) relèvent de la communauté française et les biens immatériels (un carnaval par exemple) de l’Unesco et ne sont pas concernés par la procédure que nous allons décrire ici.
[3] Un classement interdit toute "démolition", donc tout abattage d’un arbre classé, même si ce dernier est mort, malade ou provoque du danger. C’est pourquoi les arbres individuels sont plutôt sur la liste de sauvegarde : l’abattage est autorisé sous réserve d’un avis conforme de la CRMS.
[4] En 2022, les permanences à la Tour des finances étaient encore uniquement accessibles sur rendez-vous.
[5] ces données ne sont pas toujours toutes connues ou toujours pertinentes (pas d’architecte dans des constructions vernaculaires). Dans le cas d’une construction médiévale, vernaculaire, par exemple, on peut se contenter d’estimation.