Inter-Environnement Bruxelles
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La Région bruxelloise n’a pas besoin d’un énième centre commercial au plateau du Heysel !

Mi-juin, la Plateforme interrégionale pour une Economie durable et le comité Triangle Houba-Sobieski-Heysel s’étonnaient d’assister pour la quatrième fois depuis 2013 à une tentative du gouvernement régional bruxellois de modifier le PRAS en vue de permettre la création d’une zone d’intérêt régional (ZIR) au Heysel. L’objectif : autoriser le programme de NEO, y compris son méga centre commercial [1]. L’enquête publique sur la nouvelle mouture du projet s’est clôturée ce vendredi 15 septembre [2]. La Plateforme et le comité Triangle tiennent à faire savoir à nos dirigeants régionaux et communaux que ni la Région, ni la Ville de Bruxelles, ni leurs habitants n’ont besoin d’un nouveau méga centre commercial !

NEO © IEB - 2023

Le projet NEO qui prend pour cœur de son programme un centre commercial d’au moins 50.000 m² repose sur une vision totalement obsolète de l’aménagement du territoire, du commerce et de la mobilité.

Les prémisses du projet datent de 2007, une année charnière où le gouvernement bruxellois décide de faire primer l’image internationale de la Région sur les intérêts locaux et se dote d’un Plan de Développement International prévoyant un centre commercial de 100.000 m². Depuis lors, Docks Brussels a ouvert ses portes en 2016, créant une concurrence avérée avec les commerces du centre-ville et les emplois qui en dépendent. Le taux de vacance commerciale est de près de 20% dans le Pentagone, une situation alarmante malgré les efforts divers pour dynamiser le centre, dont la rénovation de City 2 qui s’est achevée en 2019.

Il est pour le moins étonnant en 2023 que des décideurs politiques souhaitent présenter Bruxelles et sa Région comme une vitrine commerciale au niveau international. Un centre commercial d’au moins 50 000 m², des bureaux supplémentaires et un gigantesque parking : est-ce la meilleure manière de contribuer à l’image internationale de la ville alors que les enjeux sociaux et environnementaux du développement urbain mobilisent aujourd’hui toute l’attention et sont sources de nombre d’inquiétudes ?

La réalisation d’un projet commercial de cette taille entraînera notamment une augmentation considérable de l’utilisation de la voiture (une augmentation moyenne de 50 % est prévue) en contradiction totale avec les objectifs du plan « Good Move », des visions actuelles sur les réponses à donner à la crise climatique, la résilience des territoires et la durabilité, le tout avec un impact majeur sur le cadre de vie des habitants.

Faut-il également rappeler que le comportement des consommateurs a fortement évolué au cours des dix dernières années. Les centres commerciaux ont perdu 29 % de leur chiffre d’affaires en 2020 et 7 % en 2021 par rapport à 2019 dès lors que la clientèle consomme soit plus en ligne, soit plus local. L’e-commerce a connu une forte poussée depuis la pandémie de covid alors que l’achat en ligne constituait déjà la quatrième « destination » d’achat pour les ménages bruxellois en matière d’achat semi-courant léger en 2019. Ce sont précisément les achats pour lesquels une clientèle consomme au niveau supra local (habillement, parfumerie…). La vente en ligne a progressé de 124% durant la crise sanitaire et des habitudes ont été prises. [3] Les facteurs qui déterminent le succès des sites de vente au détail ont considérablement changé. Les gens préfèrent faire leurs achats plus localement comme le rappelait récemment le directeur de Docks Bruxsel : « Les gens font leurs courses en local. Et puis, avec les mesures sanitaires, la balade shopping plaisir a disparu   : les clients visent l’efficacité ». [4] Or, NEO est pensé pour une clientèle supra locale et internationale. Ajoutons à cela que suite à la remontée significative des taux d’intérêt, l’immobilier commercial est fragilisé. Dans une enquête récente de Bank of America, presque 50% de gestionnaires de fonds internationaux redoutent un accident dans l’immobilier commercial, que ce soit aux États-Unis ou en Europe [5].

A l’heure actuelle, selon une étude de 2019 de HUB.Brussels, le noyau commercial du Heysel occupe la 20e et dernière place au sein des noyaux commerçants bruxellois en termes de part de marché. Ce mauvais score est lié aux incertitudes du projet NEO et à l’absence d’une gamme suffisamment étendue de produits de première nécessité pour les résidents locaux. C’est pourquoi la Plateforme et le Comité souhaitent que les développements commerciaux au Heysel répondent avant tout aux besoins des riverains.

Il est temps d’abandonner ce projet et de repartir sur de nouvelles bases pour le réaménagement du plateau du Heysel, un lieu prestigieux qui a surtout besoin d’une meilleure valorisation de l’existant au profit des Bruxellois.es et des touristes : l’Atomium et le boulevard du Centenaire, un stade historique, le parc d’Osseghem, le Palais des Expositions, le Planétarium, Mini-Europe…

La Plateforme interrégionale pour une Économie durable et le Comité Triangle Houba-Sobieski-Heysel.


[2Au départ elle se clôturait le 3 août, mais le délai a été étendu jusqu’au 15 septembre suite à la mobilisation de la plateforme et des riverains : videos.ieb.be.

[3Diagnostic socio-économique, territorial et environnemental de la Région de Bruxelles-Capitale suite à la pandémie Covid-19, Perspective.brussels, 2022.

[5« La fête est-elle finie pour les banques ? », Trends Tendance, 13 juillet 2023.