Inter-Environnement Bruxelles
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L’industrie dicte les normes en matière de rayonnements électromagnétiques !

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Du 1er août au 30 septembre 2022, Bruxelles Environnement réalise une enquête publique dans le cadre du « Projet de plan régional sur l’environnement électromagnétique ». Tout le monde peut donner son avis sur les futures normes d’émissions de rayonnements électromagnétiques appelées à changer, notamment pour le lancement de la 5G. Avant de rédiger sa contribution à l’enquête publique, quelques éléments sont cependant à prendre en considération !

En effet, la manière dont est rédigée l’enquête laisse perplexe, les termes choisis nous orientent vers un manque flagrant de neutralité de cette administration. Bruxelles Environnement annonce en premier point que l’avant-projet d’ordonnance prévoit « d’adapter légèrement à la hausse les normes d’exposition aux ondes électromagnétiques afin de cadrer le déploiement de la 5G ». Le projet est de modifier la norme actuelle de 6 V/m, pour la faire monter à 14,57 V/m ! Pas vraiment une « légère hausse »… Rappelons à ce sujet que la norme actuellement en vigueur, de 6 V/m, résulte déjà d’un renoncement politique précédent. Plafonnée jusqu’en 2011 à 3 V/m, cette première modification - une exigence de l’industrie pour lancer la 4G - avait été annoncée comme « temporaire », pour laisser le temps à l’industrie de « s’adapter ». Nous avons aujourd’hui la confirmation qu’il n’en sera rien : clairement, répondre favorablement aux exigences de l’industrie entraîne... de nouvelles exigences de l’industrie.

Autre problème de taille : Bruxelles Environnement présente l’ICNIRP comme organisme de référence sur lequel se baser pour fixer les normes. L’administration annonce que « Les normes prévues dans le plan restent plus strictes que dans la plupart des États membres de l’Union européenne. En effet, la Commission Internationale de Protection contre les Rayonnements Non Ionisants (ICNIRP) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fixé comme limites d’exposition : 41,2 V/m à 900 MHz. À Bruxelles, la norme proposée est 9,19 V/m à 900 MHz à l’intérieur et 14,57 V/m à 900 MHz à l’extérieur, soit respectivement 20 et 8 fois moins élevé en densité de puissance ». Les modes de fixation des normes posent problème depuis le début de la téléphonie mobile, mais plus récemment une enquête à été effectuée sur cette Commission : elle représente une véritable caricature de l’expression bien connue « conflits d’intérêts ». Deux parlementaires européens, Michèle Rivasi et Klaus Buchner, nous ont en effet livré un rapport accablant dont le titre est clair : « La Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) : Conflits d’intérêts, 5G et Capture réglementaire ».

En guise de présentation de son contenu, quelques mots du communiqué de presse annonçant la publication du rapport : « Deux experts de premier plan, le professeur Hans Kromhout de l’université d’Utrecht, qui dirige une étude à long terme sur les effets de l’utilisation des téléphones portables sur la santé humaine, et président d’une commission spéciale sur les champs électromagnétiques du Conseil néerlandais de la santé, et le Dr Chris Portier, ancien directeur du Centre national pour la santé environnementale aux États-Unis, confirment dans le rapport que l’ICNIRP est une organisation fermée, non responsable, partiale et unilatérale. Plusieurs membres de l’ICNIRP sont ou étaient également membres du Comité international sur la sécurité électromagnétique (ICES) de l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE), une organisation de droit américain au sein de laquelle de nombreuses personnes du secteur des télécommunications et de l’énergie ainsi que de l’armée participent activement au processus de prise de décision ». [1]

La conclusion du communiqué est également très nette : « Cela démontre clairement que l’ICNIRP a travaillé très étroitement avec l’IEEE/ICES sur la définition des nouvelles lignes directrices de sécurité des radiofréquences publiées cette année. Cela implique que de grandes entreprises de télécommunications comme Motorola et d’autres, ainsi que l’armée américaine, ont eu une influence directe sur les lignes directrices de l’ICNIRP, qui constituent toujours la base des politiques publiques de l’UE dans ce domaine ». Bruxelles Environnement devrait se retrouver dans ces derniers mots… Le rapport parlementaire date de juin 2020, est-ce à dire qu’en plus de deux ans les spécialistes des rayonnements électromagnétiques dans l’administration bruxelloise n’ont pas eu le temps de le lire ? Ne s’intéressent-ils pas aux éléments fondamentaux de cette actualité politique, avant d’organiser une enquête publique ?

Y a-t-il quelqu’un en Belgique - tous partis confondus - pour se saisir de ce rapport parlementaire européen ? Pour remettre enfin en question ce dogme mensonger de normes soit-disant sévères dans notre pays ? C’est urgent car la situation actuelle, au sujet des ondes électromagnétiques, équivaut à une situation où l’on demanderait aux cigarettiers quelle quantité de tabac le corps humain peut ingérer quotidiennement.