Inter-Environnement Bruxelles
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L’état de siège ferroviaire

Siège Infrabel © ArtBuild Architects - 2024

Juste avant l’été, nous vous annoncions l’enquête publique sur le projet de nouveau siège d’Infrabel au quartier Midi. Deux ans plus tôt, c’était le projet de nouveau siège de la SNCB qui était soumis à la procédure de concertation dans le même quartier. Quoi de plus logique que les deux opérateurs ferroviaires disposent de leur siège dans ce quartier de gare historique. Le problème n’est pas là. Ce qui est critiquable, c’est le cycle immobilier infernal de superficies de bureaux auquel le quartier doit faire face depuis 30 ans. Sur les dernières décennies, c’est essentiellement la fonction bureau qui s’est développée dans le quartier, près de 300 000 m² de bureaux supplémentaires pour atteindre environ 600 000 m² aujourd’hui. Les autorités publiques ont donné comme signal récemment, notamment dans le cadre des débats autour du projet de PAD Midi et du contrat de rénovation urbaine, qu’il était indispensable de rééquilibrer les fonctions bureaux et logements dans le quartier au profit de ces derniers.

Or depuis cette annonce sur le rééquilibrage des fonctions, confirmée par la note de gouvernement « Quartier Midi : vers la gare habitante », les projets de construction de superficies de nouveaux bureaux se multiplient (72.000 m² pour le siège SNCB, 38.000 m² pour le projet Move Hub et aujourd’hui 35.000 m² pour le siège Infrabel soit un total de 145.000 m²) tandis que l’incertitude la plus totale règne sur les bureaux vides générés par le déplacement de la SNCB et d’Infrabel (130.000 m² + 65.000 m² soit un total de 195.000 m²). Rien ne garantit qu’ils seront recyclés en logement. On sait juste que la SNCB vient récemment de mettre en vente les principaux ensembles de bureaux qu’elle occupe dans le quartier, à savoir le complexe Delta-Flot de Senne voisin du projet Infrabel, l’ensemble France-Bara lui faisant face et l’immeuble Atrium de l’autre côté de la gare, rue de Mérode, soit un total de 150.000 m². Ces ensembles sont vendus en l’état, décrits comme étant utilisables dans leurs affectations actuelles, essentiellement de bureaux. Dans le même temps, le seul projet de logement en cours dans le quartier est le projet Move Hub qui prévoit une superficie de 13.000 m² de logements. On est très loin de la fameuse parité 50-50 % mise en avant par les pouvoirs publics. On tend ici vers une parité 92%-8%, plus bas que la parité actuellement dénoncée (12% de logements). L’histoire du quartier Midi en a toujours été ainsi, le bureau s’est toujours construit bien avant le logement et l’opération de rationalisation mise en avant par la SNCB et Infrabel sont avant tout des opérations immobilières auxquelles elles sont parfois perdantes.

Autre inquiétude, le projet culmine à 63,85 m et est donc fortement dérogatoire au RRU. Il propose la même hauteur que le futur siège SNCB dont le permis est attaqué devant le Conseil d’état. Faut-il y voir une compétition stérile entre les deux opérateurs ferroviaires ? Toujours est-il que le futur siège viendra à la place des anciens logements de cheminots, actuellement vides, qui font 3 étages. Ceux-ci jouxtent le chantier du futur catering SNCB dont on connaît déjà la hauteur : 10,8 m. La rue de France, dans laquelle se trouve le site, est constituée principalement d’immeubles de bureaux et d’équipements d’intérêt collectif ou de service public de petits gabarits (3 à 7 étages). Le projet s’établissant en fond de vallée aura pour conséquence de boucher les vues et perspectives existantes. Sans compter que la réalisation d’une tour de 63 m dans un quartier au gabarit faible va augmenter la valeur foncière des terrains autour, en tirant vers le haut la moyenne des gabarits autorisés dans le quartier, et ce, alors que plusieurs de ces terrains sont justement mis en vente, avec un risque élevé de spéculation, déjà présente, dans le quartier.

Enfin, le projet supprime 24 logements anciennement accessoires à l’activité ferroviaire. Ces immeubles de logements voient le jour à la fin des années 50. Leur construction a été décidée par l’Office National pour l’achèvement de la jonction Nord-Midi. Ils ont été construits par la SNCB afin de fournir des logements de proximité pour les cheminots, mais sont vides depuis plusieurs années. Selon la prescription 0.12 du PRAS, Infrabel devrait compenser la superficie de logements ainsi détruite, or elle n’en a cure.

La commission de concertation a rendu début juillet un avis très favorable au projet, surtout de la part des administrations régionales, alors que la commune de Saint-Gilles s’est montrée nettement plus frileuse en demandant, à l’instar d’IEB, une réduction conséquente des gabarits du siège et la création de logements pour compenser les logements détruits.