Inter-Environnement Bruxelles
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L’eau a déjà fait couler beaucoup d’encre. Maintenant, parlons-en !

Avec ses différents documents, le projet de Plan de Gestion de l’Eau (PGE) offre une excellente base pour cerner les enjeux actuels de la politique de l’eau à Bruxelles et pour amener une réflexion plus globale sur l’aménagement et la ville. Profitant de cela, nous nous sommes pris au jeu de formuler quelques questions élaborées sur son contenu afin d’ouvrir le débat sur la problématique de l’eau dans notre ville.

Fruit de plusieurs années de travail, le Plan Eau de Bruxelles est riche en enseignements et propose, à travers son Programme de Mesures, une liste des défis liés à l’eau que l’on doit relever pour améliorer sa qualité et notre relation avec elle. Bien que pertinente et cohérente, cette liste n’aborde pas toutes les questions politiques de la problématique de l’eau et ses propositions laissent encore quelques questions ouvertes. D’autant que nous n’en sommes qu’au stade de la déclaration d’intention. Tout va donc dépendre de ce qui sera réellement discuté durant la période d’enquête publique sur ce programme, de ce qui sera ensuite décidé et mis en œuvre par nos dirigeants.

Voilà pourquoi nous proposons une série de questions qui font écho à des éléments présents dans le PGE ou qui reviennent sur des problématiques qui n’y sont pas abordées, telles que celle de la participation citoyenne et du maintien de la gestion publique des services d’eau.

Les mécanismes économiques sont-ils réellement efficaces ?
Le principe du pollueur-payeur a-t-il permis de réduire la pollution de l’eau ? Dans le même ordre d’idée : la tarification de l’eau a-t-elle vraiment joué un rôle dans la diminution des gaspillages ?
Les incitants économiques sont-ils assez suffisants pour favoriser l’établissement des pratiques de bonne gestion de l’eau ?

Quelle est l’échelle de gestion la plus adaptée à la problématique de l’eau ?
Comment parvenir à une gestion de l’eau qui tienne compte tout à la fois de ce qui se passe à l’échelle de la parcelle et de ce qui se passe à l’échelle du bassin hydrographique ?
Quelle responsabilité assume la Région vis-à-vis du bassin de la Meuse duquel provient la quasi-totalité de l’eau destinée à l’alimentation en eau potable de la ville ?

Quels garde-fous face à l’augmentation continue du coût des services liés à l’eau ?
Serons-nous capable de stopper, voire d’inverser la hausse des coûts liés à notre mode de gestion de l’eau ? Qu’apporte la réduction de la consommation d’eau potable dans ce sens ? Et la promotion de l’usage des citernes de récupération de l’eau de pluie ?

Parviendra-t-on un jour à éviter les inondations ?
Est-il préférable de chercher à lutter contre les inondations ou de chercher à minimiser leurs dégâts ? Les petites infrastructures décentralisées ne seraient-elles pas plus efficaces et moins coûteuses que les collecteurs et bassins d’orage ?

L’eau peut-elle rester un bien commun alors que le citoyen n’a pas conscience de la partager ?
Comment instaurer des formes de responsabilité commune face à la protection de nos ressources en eau ? Quel compromis existe-t-il entre l’attribution d’une valeur économique à l’eau et sa reconnaissance en tant que bien commun de l’humanité ?

Faut-il encourager les citoyens à participer aux décisions politiques et/ou à devenir des acteurs décentralisés du cycle de l’eau ?
Quelle place accorder à l’innovation sociale spontanée dans notre démocratie ? Comment préparer notre système d’enseignement en vue de former aux nouveaux métiers de la gestion de l’eau ?

Le maintien de la gestion publique des services d’eau est-il réalisable dans le contexte actuel ?
La répartition des missions de service public entre les différents opérateurs de l’eau de la Région est-elle adéquate pour éviter leur privatisation ?
Le principe de recouvrement total des coûts n’encourage-t-il pas l’application de pratiques managériales propres au secteur privé, dont le recours au marché des capitaux privés ?
Quelles leçons la Région a t-elle pu tirer du conflit avec Aquiris, seul acteur privé de la gestion de l’eau à Bruxelles ?
Le débat est ouvert. Il en va du devenir de notre ville et de la place que l’on accorde à l’eau dans notre culture et notre imaginaire.

Emmanuel Petrella
IERPE [1]


[1IERPE : Institut Européen de Recherche sur la Politique de l’Eau.

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