Cette partie du canal de Bruxelles que l’on nomme le bassin de Biestebroeck, située entre le pont de Cureghem et le pont de la Petite île, est aujourd’hui l’objet de toutes les convoitises et de nombreux enjeux de la politique urbaine bruxelloise s’y enchevêtrent.
Un dossier réalisé par Louise Babar, Gwenaël Breës, Nicolas Prignot, Karim Sarton, Claire Scohier et Mathieu Sonck.
Par son emplacement stratégique entre voie d’eau et voie ferrée, la zone a attiré de nombreuses industries usagères de la voie d’eau avec comme atout une localisation du bassin en amont de la ville offrant une eau claire ne charriant pas encore les rejets urbains. Des entreprises de lavage et de traitement de la laine s’y implantèrent à la fin du 19e siècle. Aujourd’hui encore, la zone affectée à l’industrie présente pour avantage d’être particulièrement bien desservie, grâce aux boulevards Paepsem et Industriel, et à la Digue du Canal. On y trouve notamment du commerce de gros, des industries chimiques, de la construction mécanique ou encore de l’industrie légère. Biestebroeck reste l’un des poumons économiques non tertiaires de Bruxelles.
Mais cette évolution de long fleuve tranquille risque d’être bientôt bouleversée par l’intérêt grandissant de la promotion immobilière pour des terres industrielles susceptibles d’être recyclées en waterfront. En 2010, des projets de développement immobiliers pointent leur nez au bassin de Biestebroeck, à grand renfort d’images tape-à-l’oeil transformant fictivement la zone en port de plaisance, agrémenté d’espaces résidentiels de luxe, le tout sous un soleil se reflétant dans l’eau azurée du canal, les péniches se voyant remplacées par quelques voiliers.
Ce que d’aucuns crurent être un délire d’architecte se mit à prendre forme grâce à la bienveillance des pouvoirs publics pour ces projets spéculatifs. La commune d’Anderlecht avide de troquer son image populaire et industrielle pour un habit plus prestigieux annonça son intention de lancer un PPAS sur une partie du bassin (49 hectares) dans l’objectif de « requalifier » la zone. L’effet d’annonce aidant, les acquisitions par la promotion immobilière irent bon train et les prix se mirent à flamber.
Un peu vite sans doute puisque dans le même temps le gouvernement planchait sur son PRAS démographique chargé de décider du changement éventuel d’affectation en zone d’entreprises en milieu urbain (ZEMU), affectation autorisant la réalisation de logements au bord de l’eau et donc potentiellement d’un waterfront. L’approbation du PPAS fut suspendue, en l’attente de la décision et les promoteurs se mirent aux aguets.
La plupart des conseils d’avis interrogés par le gouvernement lors de l’enquête publique sur le nouveau PRAS s’inquièteront du risque de gaspillage important d’un foncier industriel encore pourvoyeur d’emploi non qualifié. Peu de terres, en-dehors du Nord de Bruxelles, offrent encore aujourd’hui la possibilité d’assurer une connexion entre le canal et les activités économiques. Sans compter qu’une telle invitation à la promotion immobilière a été lancée sans instaurer au préalable à un mécanisme permettant de capter les plus-values générées par les changements d’affectations prévus par le plan. Cette levée de bouclier de la société civile a été balayée d’un revers de la main. Le nouveau PRAS a été adopté tout récemment, sans se soucier de ses conséquences sociales, économiques et environnementales...
Le bassin de Biestebroeck est un exemple marquant des zones visées par le nouveau PRAS. Ce dossier vous invite à mieux la découvrir et à alimenter votre réflexion sur l’avenir des dernières zones industrielles de la Région de Bruxelles- Capitale.