Sur les trottoirs de la rue Ropsy-Chaudron, circulent des blouses blanches. Ne cherchez pas d’hôpital à proximité… Ces hommes et ces femmes en blanc travaillent dans la grosse cinquantaine de boucheries et grossistes qui entourent un abattoir toujours en activité.
Sa situation en pleine ville est, à l’heure actuelle, exceptionnelle. Depuis 30 ans, la plupart des abattoirs en ville ont fermé leurs portes ou ont dû déménager en périphérie, loin du regard des habitants. Or, depuis 125 ans, on abat à Anderlecht et depuis 125 ans, Cureghem est un « quartier de viande » et notre ligne du temps offre des tranches de vie d’un abattoir en ville…
Aujourd’hui, les activités d’abattage sont un peu occultées par le dynamisme du marché généraliste. De nombreux clients, habitants ou visiteurs ignorent même sa présence. Une fois son existence affirmée et connue des usagers – des bouchers, des clients, des habitants, des visiteurs d’un jour –, les langues se délient et les questions fusent, les avis s’expriment, le débat s’ouvre. Forum Abattoir, auteur de ce journal, tient avant tout à sa position de caisse de résonance des différentes questions et prises de position des usagers du site des abattoirs d’Anderlecht-Cureghem.
La présence de cet abattoir en ville illustre de nombreux enjeux qu’ils soient frappants, visibles ou plus discrets et délicats… L’activité la plus voyante du site des abattoirs, c’est le commerce, vendre ou acheter avec cet énorme marché généraliste et populaire qui s’y installe du vendredi au dimanche et les nombreux bouchers et grossistes qu’il héberge toute la semaine.
Des animaux arrivent de la campagne par petits ou gros camions, foulent en public le sol bruxellois pour pénétrer dans un bâtiment d’où ils sortiront comme « viande » pour terminer dans nos assiettes. L’abattoir en ville peut donc ouvrir le débat sur l’avant et donc sur l’élevage et le bien-être des animaux que nous mangeons…
Plus délicat et très discret – car la mise à mort se déroule derrière les murs de l’abattoir – sa présence suscite la question de « tuer » des animaux : comment les abatteurs, à qui nous déléguons l’acte de la mise à mort, vivent-ils leur métier ? Quelles méthodes emploient-ils ? Quels aménagements souhaitent-ils apporter à leur lieu de travail pour améliorer, et le bien-être animal, et leurs conditions de travail ?
D’autre part, dans cet abattoir, dans ces ateliers de découpe et ces boucheries, travaillent près de trois cents ouvriers et vendeurs. Et qui dit emploi, dit métier et donc formation. Se former aux métiers de la viande est pour nous le quatrième enjeu qu’illustre cet abattoir en ville…
Enfin, l’abattoir se situe en bordure du canal, une zone qui attire la convoitise de nombreux projets et promoteurs immobiliers. L’enjeu, ici, n’est-il pas le maintien d’une activité productive, pourvoyeuse d’emploi dans une zone que certains voudraient petit à petit réservée à l’habitat ?
Cet abattoir, nous l’avons dit plus haut, illustre également un quartier qui, après avoir été des années durant un moteur de l’économie bruxelloise, a amorcé dès les années 60 son déclin industriel.
Toutefois, est-ce aujourd’hui un désert économique comme le laisse entendre certaines voix ? Quelles sont les perspectives de développement du quartier ? Attire-t-il les convoitises de promoteurs immobiliers ? Comment s’insère-t-il dans les plans régionaux du développement du canal ? Quels sont les projets de la société Abattoir ? Faut-il développer davantage de logements ? Comment faire cohabiter ces projets résidentiels et les activités productives du quartier ? Comment placer les habitants au centre du débat sur l’avenir de leur quartier ? Notre journal aborde là une seconde partie du débat, avec cette fois, l’intervention, les projets et les prises de position des partenaires du projet Forum Abattoir.
Chargée de mission