Inter-Environnement Bruxelles
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L’ARAU et IEB en recours contre le permis de démolition du Palais du Midi

Ce lundi 20 octobre, l’ARAU et IEB, avec le soutien du Bral, ont introduit un recours devant le Conseil d’État contre le permis de démolition-reconstruction du Palais du Midi, délivré par la Région le 21 août dernier. Il s’agit d’un recours en annulation et suspension ; la suspension est demandée afin d’empêcher, en urgence, la STIB de mettre en œuvre le permis, ce qui constituerait, par la démolition du Palais du Midi, un dommage irréversible au patrimoine architectural et social de Bruxelles.

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Le recours repose sur trois moyens :

1. Le permis ne pouvait pas être délivré en l’absence d’une décision du gouvernement sur la demande de classement du Palais du Midi

Le 13 juillet 2023, l’ARAU avait introduit une première demande de classement du Palais du Midi, sans que le gouvernement ne décide, jusqu’à présent, d’entamer ou non la procédure de classement. À la suite d’une « relance » de la STIB, le 19 juin 2025, le gouvernement disposait de 60 jours pour se prononcer : ne l’ayant pas fait, cette première demande de classement a donc été réputée « caduque de plein droit ». C’est pourquoi l’ARAU a réintroduit une nouvelle demande le 20 août dernier. Celle-ci a été considérée irrecevable par l’administration de l’urbanisme, Urban Brussels, alors qu’il n’appartient pas à l’administration de juger de la recevabilité d’une demande de classement : il s’agit d’une prérogative du gouvernement, qui ne s’en est pas saisie. Il existe donc bien une demande de classement en cours d’instruction à propos de laquelle le gouvernement ne s’est toujours pas prononcé. Or, l’ordonnance du 5 octobre 2023, dite « fast track », adoptée sur mesure pour définir la procédure d’instruction de la demande de permis de « déconstruction de l’intérieur du Palais du Midi » [1] stipule que « le permis ne peut toutefois être, le cas échéant, délivré avant la décision du Gouvernement de classer ou non le bien ou de l’inscrire ou non sur la liste de sauvegarde » (art. 26). En l’absence d’une telle décision, le permis ne pouvait pas être délivré : il est donc illégal !

2. Le permis ne respecte pas l’objectif et le champ d’application de l’ordonnance « fast track »

Le permis délivré le 21 août porte sur la démolition et la reconstruction complète et définitive du Palais du Midi, selon un programme et des plans précis : construction d’une école, de salles de sports, de commerces, d’espaces culturels, etc. Or, l’ordonnance « fast track » porte sur « la démolition totale de l’intérieur de celui-ci, hors façades, accompagnée de l’aménagement d’un espace public en surface », ce qui ne correspond donc pas à l’objet du permis. En outre, les travaux préparatoires à l’adoption de l’ordonnance indiquaient que la phase de reconstruction devait faire l’objet d’une procédure distincte et ultérieure. La Ville de Bruxelles, propriétaire du Palais du Midi a d’ailleurs lancé, fin 2024, une étude programmatique sur le Palais du Midi, accompagnée d’un processus participatif, dont on attend toujours les conclusions. Avec son programme et ses plans d’un niveau de définition élevé, le permis délivré ne respecte donc pas l’ordonnance, qui porte uniquement sur une démolition et un aménagement provisoire. Autrement dit, la Région, qui a établi un cadre spécifique et sur mesure pour « se faciliter la tâche », n’est même pas capable de le respecter !

3. Les manquements et les erreurs factuelles dans l’étude d’incidences ont conduit à une décision qui ne se fonde pas sur des motifs valides et suffisants

Lors de l’enquête publique sur la demande de permis, l’ARAU et IEB avaient mis en évidence des erreurs factuelles dans l’étude d’incidences [2] concernant l’analyse de l’alternative d’une amélioration de l’exploitation en tram des infrastructures existantes. Sur base de ces erreurs factuelles, il a été décidé de ne pas pousser plus en détail l’analyse de cette alternative, ce qui a notamment conduit à une absence d’évaluation des travaux et du coût de la réalisation de celle-ci dans l’étude d’incidences. Il faut également rappeler que cette alternative n’a jamais fait l’objet d’une analyse sérieuse à l’occasion des procédures antérieures (demande de permis pour la construction de la station Toots Thielemans, modification du PRAS…). Le permis ne repose donc pas sur des bases solides puisqu’il se contente de reprendre les conclusions de l’étude d’incidences, fondées sur des erreurs factuelles, sans apporter de réponse suffisamment étayée aux critiques émises par l’ARAU et IEB dans leurs réclamations.

À travers ce recours, l’ARAU et IEB poursuivent le combat pour la préservation du Palais du Midi. Sa destruction constituerait un acte irréversible, une perte irréparable pour le patrimoine architectural et social de Bruxelles. S’ils devaient avoir lieu, les lourds travaux de démolition et de reconstruction plongeraient plus encore le quartier Stalingrad-Lemonnier vers sa perte : les habitants, qui supportent les chantiers depuis plus de cinq ans, ont le droit de retrouver une vie normale !


[1L’ordonnance a été annulée par la Cour constitutionnelle, qui a néanmoins décidé d’en maintenir les effets : ieb.be

[2Pour le détail, voir les avis de l’ARAU et d’IEB du 13 mars 2025 : arau.org & ieb.be