Inter-Environnement Bruxelles — 28 mars 2012
Ce mercredi 28 mars, le comité socio-économique national pour la distribution devait se réunir en vue de rendre un avis sur le permis socio-économique demandé pour le projet de centre commercial Just Under the Sky (JUTS) situé sur le site des anciennes poêleries Godin, au pied du Pont Van Praet. Les associations et comités d’habitants avaient prévu une action symbolique pour faire part au comité d’un certain nombre de remarques et d’inquiétudes au sujet de ce projet. Leurs arguments ont-ils porté ? Toujours est-il que le point a été reporté.
Devant le siège du Comité socio-économique, les représentants des associations brûlent symboliquement le Plan régional de mobilité IRIS II... dans un poêle Godin !
Ce mercredi 28 mars, le Comité socio-économique national pour la distribution se réunit en vue de rendre un avis sur le permis socio-économique demandé pour le projet de centre commercial Just Under the Sky (JUTS) situé sur le site des anciennes poêleries Godin, au pied du Pont Van Praet. Si le comité donne son feu vert, la Région bruxelloise peut jeter son plan de mobilité, le Plan IRIS II, dans les flammes.
Inter-Environnement-Bruxelles (IEB), le Brusselse raad voor het Leefmilieu (BRAL), le Bond Beter Leefmilieu (BBL), l’Atelier de Recherche et d’Action Urbaine (ARAU), Bruxelles-Fabriques, La Fonderie, Pétitions-Patrimoine, le comité de quartier Marie Christine/Reine/Stéphanie et le comité inter-quartier de Neder-Over-Heembeek veulent vous faire part d’un certain nombre de remarques et d’inquiétudes au sujet de ce projet [1].
Depuis la loi du 22 décembre 2009 assurant la transposition en droit belge de la Directive européenne Services, le comité socio-économique doit notamment prendre en considération la localisation spatiale de l’implantation commerciale et la protection de l’environnement urbain. Sur base de l’arrêté du 13 janvier 2010, cela vise notamment l’insertion de l’implantation commerciale dans les projets locaux de développement, l’accessibilité de la nouvelle implantation par les transports en commun, l’incidence de l’implantation en matière de mobilité durable et l’incidence de l’implantation commerciale sur le noyau urbain. Au vu de ces critères, les raisons de rendre un avis défavorable sur ce projet sont multiples. La mise à néant des objectifs du plan IRIS II (plan de déplacements de la Région bruxelloise) en fait partie.
Un centre commercial qui équivaut à un aspirateur à voitures
De toute évidence, le projet n’est pas compatible avec les objectifs de mobilité régionaux approuvés dans le cadre du plan IRIS 2 qui prévoit une réduction de 20% de la pression automobile d’ici 2018. L’étude d’incidences du projet démontre que le projet JUTS attend 155 000 visiteurs par semaine dont 70 % viendraient en voiture. 1 600 places de parking sont d’ailleurs prévues pour les accueillir. Selon IRIS II, pour les zones en développement, il importe de viser au minimum une répartition modale de 50% en transports publics, 20% en deux-roues et 30% en voiture individuelle (tant à l’origine qu’à destination), ce qui impose une desserte à haut niveau de service par les transports publics. On en est loin ! Le gouvernement n’a pas osé se montrer aussi exigent à l’égard du projet et a prévu dans le certificat d’environnement un objectif d’accessibilité voiture de 50 % maximum. Même cet objectif fortement en-deça du plan IRIS II semble impossible à atteindre.
La fausse centralité urbaine du projet
Equilis nous laisse faussement croire que JUTS est un projet bien inséré dans le tissu urbain. En réalité, le projet JUTS est implanté hors de tout quartier d’habitations et de lieu de travail. C’est pourquoi l’étude d’incidences montre qu’il s’agit d’un projet dont la chalandise en zone primaire est faible, ce qui l’oblige à capter des clients plus éloignés qui ont donc plus tendance à utiliser la voiture. En bref, malgré son inscription urbaine, il fonctionnera pratiquement comme un commerce périphérique. La carte des densités de Bruxelles montre que le projet s’implante dans une sorte de no man’s land. Or le Schéma de développement commercial de la Région bruxelloise met en lumière l’importance pour la vitalité des pôles commerciaux la proximité d’habitation de lieux de travail, d’habitation, d’écoles et l’accessibilité en transport en commun, paramètre aucunement rencontré par le site. On fait de l’urbanisme à l’envers : on crée une offre commerciale en espérant qu’un quartier vienne ultérieurement s’installer autour.
Une ceinture prête à exploser
Le projet se situe sur la Moyenne ceinture le long du boulevard Lambermont, à hauteur du Pont Van Praet qui constitue une porte d’accès importante de Bruxelles pour la navette. Cet axe est déjà saturé aujourd’hui et constitue un point noir de la vitesse commerciale des transports en commun à Bruxelles. Avec l’arrivée du projet, la Ceinture sera encore plus saturée qu’elle ne l’est aujourd’hui. L’étude d’incidences du projet a mis en lumière que de part sa localisation, le projet implique l’utilisation d’une part significative de la capacité de la moyenne ceinture en heure de pointe le vendredi soir alors que cet axe entre le boulevard Reyers et l’A12 est déjà saturé avant même la mise en oeuvre du projet.
Un projet qui asphyxie Bruxelles
A Bruxelles, 76% des émissions de microparticules et 55% des dioxydes d’azote sont émis par la circulation. La Commission européenne estime que les PM sont à la source de 1 100 décès prématurés annuels en Région de Bruxelles-Capitale. La Région bruxelloise est déjà sous le coup d’une amende de l’Union européenne pour non-respect des normes de dioxydes d’azote. Avec ses 100 000 visiteurs attendus par semaine en voiture, JUTS rend inatteignable le respect des normes européennes en matière d’émissions de dioxyde d’azote. En ce qui concerne la norme pour les micro-particules (PM10), Bruxelles est déjà en infraction. Alors que 35 dépassements de la norme sont autorisés annuellement, ce sont 79 dépassements qui ont déjà été constatés à 1 kilomètre du projet à Haren.
Chacun dans sa cours et tous pour le pire
Le projet ne tient nullement compte des effets cumulatifs, tant du point de vue de la mobilité et que de celui de la pollution, liés aux autres projets de centres commerciaux à proximité (Uplace à Machelen et NEO au Heysel). Le projet NEO prévoit 4 490 nouvelles places de parking. Le plateau du Heysel compterait alors 12 000 places de parkings. Or tant JUTS que NEO sont dépendants du Ring de Bruxelles et de la A12 pour leur accessibilité en voiture. Uplace serait situé quelques kilomètres plus loin, au bord du Ring, et compterait 6 000 places de parking. Ce risque évident de surcharge automobile n’a fait l’objet d’aucune concertation entre la Région bruxelloise et la Région flamande. Cet effet cumulatif n’a pas été étudié pour aucun des projets mais de nombreux acteurs s’accordent à dire que leurs effets cumulés sont insensés tant sur un plan environnemental que sur un plan économique.
Vous trouverez ci-joint l’ensemble des griefs soulevés par les associations et comités qui ont été transmis ce jour aux membres du comité socio-économique national pour la distribution qui mène à la conclusion suivante : « Pour toutes les raisons mentionnées ci-dessous, il nous semble déraisonnable de délivrer un permis socio-économique pour un projet dont la niche économique semble difficile à trouver et dont l’accessibilité, malgré les efforts du demandeur, pourront difficilement s’envisager autrement qu’en voitures. Au regard des critères de la loi de 2009, un tel projet hypothèque le bon développement de la zone, porte ombrage au développement économique harmonieux des centres urbains adjacents, dispose d’une accessibilité en transport public limitée et portera atteinte de ce fait à l’environnement urbain de la Région bruxelloise. »
[1] Vous trouverez nos nombreux commentaires formulés depuis plusieurs années sur le site : Les anciennes poêleries Godin.