Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Jubilé !

2024 était l’année de notre cinquantième anniversaire, un jubilé qui n’a rien d’anecdotique à l’échelle d’une association. En marge des célébrations, ce fut l’occasion pour nous de revenir en long et en large sur les événements ayant marqué l’histoire des luttes urbaines bruxelloises.

© Mathieu Van Assche - 2025

Chaque semaine, notre courrier hebdomadaire a mis en valeur différents combats menés par les comités de quartier et par IEB, de 1974 à nos jours. Mis bout à bout, ces textes tracent le portrait d’une association défendant un projet de ville. Et, derrière les dissemblances et les métamorphoses de l’histoire, quelques constantes apparaissent à gros traits. Inter-Environnent Bruxelles a toujours été un groupement de collectifs luttant pour une cité construite pour ses habitants. Et cette exigence a toujours été conçue comme une lutte afin d’arracher le droit de déterminer collectivement l’avenir de notre ville. En 1979, l’éditorial du numéro spécial de La Ville et l’Habitant disait déjà : « Puisque la voie de la négociation semble bien être sans issue concrète […] Il faudra retourner à des formes de luttes publiques, plus directes et plus contestataires, pour se faire quand même entendre des pouvoirs publics […] Non par plaisir, mais parce que c’est indispensable si le but est de faire passer d’autres objectifs, d’autres valeurs de vie collective que l’accumulation du pouvoir et de l’argent aux mains de quelques-uns ».

Les textes qui composent ce journal relatent des luttes passées, en ce compris leurs modalités pratiques, tout en rendant aussi compte de ce qui continue d’influer aujourd’hui. Qu’il s’agisse du renforcement de la démocratie urbaine, de la résistance à la marchandisation de la ville, de la protection du patrimoine ou de la sobriété énergétique, c’est tout un pan d’une histoire parallèle de la Région bruxelloise qui est raconté ici, et dont les prolongements peuvent être retrouvés en intégralité sur le site d’IEB.

On commence en 1979, alors qu’une délégation d’IEB se rend à une marche organisée à Doel dans le cadre de la journée contre le nucléaire. Le premier article de ce dossier relate la position avant-gardiste de la fédération en matière de consommation de l’énergie : il s’agit de tendre vers une sobriété énergétique. À l’époque déjà, IEB luttait pour une rénovation des logements qui prenne en compte la situation financière des locataires, un enjeu qui garde toute sa pertinence aujourd’hui.

Le trajet se poursuit en 1983, date à laquelle les abattoirs communaux d’Anderlecht doivent fermer, faute d’investissements, tandis que l’ARAU obtient le classement des halles du marché aux bestiaux. À partir de ce point de départ, l’article revient sur quarante ans d’histoire au cœur de Curreghem et offre une réflexion sur le devenir d’une production industrielle urbaine et les transformations économiques et sociales qui se sont produites à l’échelle d’une agglomération.

Ces pérégrinations se poursuivent dans les années 1990, décennie marquée par la création d’une nouvelle Région au sein du système fédéral belge. Le centre urbain peut dorénavant se gouverner de manière autonome ; il fait toutefois face à un espace en crise et profondément marqué par la bruxellisation, qui a détruit les habitats tout en faisant fuir les classes aisées. Dans ce contexte, de nouvelles politiques urbaines sont implémentées pour réaffecter des quartiers populaires en espace de bureaux, et transformer des friches et des zones industrielles en zones d’habitat. Deux articles évoquent l’échec dramatique de la transformation du quartier du Midi et le projet mégalo de Music City au cœur de Tour et Taxis. Deux quartiers marqués par une planification régionale répondant davantage aux appétits des promoteurs immobiliers qu’aux besoins de la population locale.

Ces politiques de rénovation urbaine vont progressivement faire place au développement territorial. Car, dès 2008, Bruxelles a retrouvé un niveau de population comparable à celui des années 1970. D’une Région en crise, la ville s’appuie désormais sur son renouveau démographique pour se projeter dans l’avenir en tant que métropole. Une réflexion sur l’attractivité de la ville va amener l’autorité publique à repenser espaces publics et aménités proposées. Derrière les piétonniers, le centre de congrès, le musée d’art contemporain et les vélos et libre-service se dissimule une vision stratégique sur le développement de la ville et la manière d’y attirer chalands, investissements et habitant·es. Sous le vernis du vivre-ensemble, ces grands projets masquent une véritable dualisation de la ville et une crise du logement abordable. En travaillant l’image de marque de la ville tout en faisant du pied aux « classes moyennes contributives », les autorités vont amplifier ces dynamiques.

Le journal met ensuite en exergue des faits moins connus dans l’histoire de Bruxelles. Un article est ainsi consacré à la convention d’Aarhus, texte qui régit l’accès à l’information et la participation du public aux processus décisionnels en matière d’environnement. Partant du principe que le manque d’implication du public est l’une des causes de la dégradation de l’environnement, la Convention signée en 1998 par les États de la Communauté européenne donne voix aux citoyen·nes et associations afin d’améliorer la prise de décision et de rendre l’action de l’autorité plus efficace. Or, il est dans la nature du pouvoir de ne pas aimer partager. Ce texte aborde les droits des citoyen·nes et la manière de les faire prévaloir.

Pour finir, un article revient sur le projet d’expropriations de la rue du Progrès. En 2005, Infrabel et la Région ont pour ambition de construire un viaduc ferroviaire en ce lieu. Malheureusement, le projet implique l’expropriation de deux cents habitants. Le texte offre une réflexion tant sur l’organisation de la société de chemin de fer que sur les conséquences du projet pour un public fragilisé à faible revenu. Si le combat peut sembler ancien, il n’est pas exclu qu’il soit de retour à l’agenda dans les années à venir. Ce journal marque donc la fin des célébrations de nos cinquante ans. Le moment pour nous de nous souvenir du chemin parcouru au sein d’une histoire régionale jalonnée de changements. Ce journal raconte les luttes collectives, les défaites et les victoires et dessine les transformations de notre ville. Et en ce qui nous concerne, ce n’est pas fini !

Ce journal raconte les luttes collectives, les défaites et les victoires et dessine les transformations de notre ville.