Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Inventaire de l’offre de nouveaux logements pour 9.000 personnes aux alentours du PAD Mediapark

Tour RTBF, Mediapark © Baudouin - 2020

Le projet régional du PAD Mediapark du gouvernement bruxellois prévoyait la construction de 2 à 3.000 nouveaux logements, et des bureaux, en détruisant une forêt urbaine et sa biodiversité, en érigeant 10 édifices aux gabarits égaux ou supérieurs à R+12 en rupture avec ceux des édifices riverains, dont 2 tours R+21, qui entraîneront des impacts conséquents sur la mobilité individuelle et transport public aux alentours.

L’avis de la Commission régionale de Développement CRD conforte les arguments émis par la commune, les citoyens, associations et commission locales et régionales sur le fait que ce projet est trop densifié.

L’avis de la CRD mentionne : «  Des réclamants demandent de prendre en compte et en priorité, la rénovation des nombreux immeubles et maisons vides aux alentours de la zone avant de construire des logements dans le site.  ».

On est loin d’un véritable projet de « développement durable » respectant les piliers économiques, environnementaux et sociaux, en phase avec les expertises fournies par la participation citoyenne lors de l’enquête publique, et tenant compte aussi des nouvelles réalités et contraintes actuelles depuis la fin de ladite enquête en mai 2019.

Un groupe de travail du Comité Mediapark a réalisé une étude sur la densification actuelle et à venir de logements dans la périphérie du PAD Mediapark. Il s’agit d’une première estimation à préciser plus finement. Force est de constater que le quartier est déjà en train de muter sous le coup de la promotion immobilière qui érige un peu partout de nouveaux complexes de logements. De nombreux édifices sont en transformation (après rénovation ou destruction) de bureaux vers des logements.

En 2015 déjà, le projet de Perspective « Parkway Bruxelles E40 diagnostic » anticipait cette mutation du quartier : « Soulignons également le potentiel des projets de reconversion de bureau de Colonel Bourg à produire des logements équivalents neufs à prix intéressants ». [1]

Selon le rapport d’enquête de 2018 de IDEAConsult et INGBelgium, « la reconversion des bâtiments existants en logements freine en outre les nouveaux projets de développement en zone verte, dans un espace ouvert qui se raréfie de plus en plus » [2]

Notre inventaire a répertorié 3.240 nouveaux logements disponibles à brève et moyenne échéance aux alentours de Mediapark. Il s’agit d’une augmentation notable d’accès au logement pour environ 9.000 personnes bénéficiaires.

Ces estimations n’incorporent pas les nombreux appartements et maisons en vente de particuliers actuels dans la périphérie de la zone. Les institutions bruxelloises doivent réaliser une étude de marché actualisée auprès des agences immobilières qui vendent des biens dans les périmètres élargis des PAD, avant de se lancer dans des constructions de nouveaux logements.

Quand tous ces logements voient le jour, le risque de voir se créer une bulle immobilière nous semble prévisible. Ces temps difficiles économiquement parlant devraient nous inciter à la prudence pour éviter de gaspiller un foncier précieux, de se retrouver avec des logements vides, des complexes difficiles à reconvertir et donc un risque de chancres urbains et d’îlots d’insécurité. Cette vacance est d’autant plus probable que le programme du PAD est établi sur des perspectives démographiques obsolètes dès lors qu’on est passé de 10.000, à 6.000, puis 3.600, et désormais à une croissance de 2.100 habitants/an en Région bruxelloise d’ici à 2070 càd 700 à 1.000 logements/an alors que le marché produit 3.000 logements/an.

Il y a une tendance inévitable qui se dégage suite à la crise du coronavirus : une partie de l’immobilier de bureau va très clairement se trouver en difficulté et de nouveaux espaces bureaux vont se vider qui seront pour partie affectés au logement : selon les analyses des milieux d’affaires et bancaires. Le taux de vacance de bureaux dans la zone du PAD est d’ailleurs particulièrement important variant entre 15 et 20% (pour une moyenne bruxelloise d’environ 10%). Le télétravail ayant démontré son agilité, tout le monde ne reviendra pas à temps plein occuper l’espace qui était le sien. Cela veut dire que de nouveaux espaces vont être vides, et il y a fort à parier qu’ils ne seront pas réinvestis par de nouvelles entreprises.

Se conjuguent les crises climatico-environnementales, économico-sociales et sanitaires : comment encore justifier produire du logement sur des terrains vierges sans commencer par mobiliser en priorité les ressources déjà existantes ou devenues obsolètes (bâtiments vides et désaffectés) ? Il est incohérent de détruire une forêt urbaine et sa biodiversité, pour y implanter des bâtiments neufs. Il y a lieu de rappeler aussi que cinq associations ont déjà dénoncé précédemment les espaces vides en Région bruxelloise : 6,8 millions de m² vacants est le chiffre interpellant révélé par les asbl Communa, Toestand, Fébul, Logements 123 Woningen, BRAL et SAW-B.

À côté de cela, la typologie de logements qui vont être érigés, est une donnée fondamentale. Tout comme l’a répété le Bouwmeester Kristiaan Borret dans ses entrevues de mai 2020, la Région bruxelloise a peu besoin de logements moyens ou haut de gamme supplémentaires. Or le programme PAD Mediapark sur ce terrain public SAU n’envisage que 15 % de logements publics et 9 % de logements sociaux. [3]

Conclusions et proposition de modifications

Nous attirons l’attention des membres de la Commission du Développement Territorial et de la Commission du Logement du Parlement bruxellois, des ministres et du Collège échevinal et Conseil communal de Schaerbeek, pour tenir compte de ce document. Nous pensons que la crise que nous traversons actuellement fournit suffisamment de signaux d’alarmes quant au fait que le projet PAD Mediapark dans sa mouture actuelle risque fort d’aller droit dans le mur, à contresens des réalités.

Nous sollicitons une nouvelle révision conséquente (ou moratoire) du projet PAD Mediapark à la lumière de ce document, car il remet en question les chiffres initiaux de la justification des PAD pour répondre à la demande démographique surévaluée, ainsi qu’au regard de la crise actuelle, aux nouveaux défis financiers d’installation de nouvelles entreprises et bureaux sur le site du projet, et au lien avéré avec les compétences de qualité de l’air, biodiversité, mobilité et santé publique.

La réduction évidente de densité de logements sur le site PAD devra aller de pair avec la protection de la forêt urbaine (suppression des bâtiments prévus sur cette aire), réduction des gabarits des constructions de logements éventuels dont la haute tour prévue Boulevard Reyers aux côtés de la tour iconique des antennes qu’elle cache.

L’offre de logements autour du site du PAD Mediapark répond amplement à la demande démographique actualisée par le Bureau du Plan sans nécessité de construire et de bétonner irrémédiablement l’entièreté de cette zone unique. Même si cette option doit amener des changements auprès de celles et ceux qui avaient comme intention première de rentabiliser au maximum la vente des terrains SAU pour récupérer un financement supplémentaire au budget régional et communal, ou d’offrir des opportunités de bénéfices conséquents aux promoteurs immobiliers privés qui ont des intérêts spécifiques à construire des immeubles neufs, en faisant fi de façon arbitraire des avis de la CRD et de la participation citoyenne et publique.


[2« Plus de logements en Belgique grâce à la reconversion » page 10 ; à consulter sur ing.be.

[3Source : bruzz.be ; lecho.be