Inter-Environnement Bruxelles a décidé de quitter les ateliers organisés par le gouvernement pour alimenter le processus d’élaboration du Plan Régional de Développement Durable.
En mai dernier, le gouvernement bruxellois invitait les « forces vives de la Région bruxelloise » à participer à une série d’ateliers destinés à contribuer à l’élaboration du Plan Régional de Développement Durable. Bien que le retour sur les expériences de ce type menées en Belgique ou à l’étranger justifiait certaines réserves, Inter-Environnement Bruxelles a répondu positivement à l’invitation et a mobilisé les énergies d’une dizaine de ses travailleurs et administrateurs pendant de longs mois.
Un cadre non choisi et générateur de consensus mou
Cependant, nos craintes initiales n’ont pas été apaisées. Le choix des participants, tout d’abord, n’a pas été à la hauteur d’un enjeu tel que l’élaboration du PRDD : la composition des ateliers a fait la part belle aux acteurs institutionnalisés (administrations, pararégionaux, acteurs associatifs de type « coupoles », partenaires sociaux et universités), fermant la porte à de nombreux acteurs de terrain. Malgré cette sélection, les participants n’ont pas eu la possibilité de maîtriser le processus et d’en garder collectivement le contrôle. Au contraire, ils ont été cantonnés dans un rôle de sujets passifs n’ayant à s’exprimer que sur des questions et dans un cadre qu’ils n’ont pas choisis, sans aucune garantie d’être entendus.
Le cadre proposé, cherchant systématiquement l’adhésion autour de consensus mous, a exclu les propositions dissensuelles susceptibles d’ouvrir le débat et de générer des solutions novatrices. Pourtant, la dynamique de certains ateliers avait permis de développer de nouvelles approches et de remettre en question certains axes de réflexion... temporairement, hélas, ces velléités ayant rapidement été exclues du champ de la réflexion par certains représentants des divers cabinets ministériels – dont le rôle a été ambigu dès le départ : officiellement invités à intervenir selon le principe de « l’écoute active », ils n’ont en réalité eu de cesse de « recadrer » les débats à chaque étape décisive du processus.
Des débats orientés
À cela s’ajoutent des ordres du jours transmis à la dernière minute et des comptes-rendus de réunions qui ne reflètent pas valablement les apports de l’ensemble des participants. Ce genre d’« orientations » a trouvé son point d’orgue dans la dernière série d’ateliers au cours desquels le cabinet du Ministre-Président a imposé ses priorités, mettant à l’ordre du jour des pistes jusqu’alors jamais ou à peine abordées [1], et intervenant énergiquement au sein des groupes de travail constitués pour l’occasion.
Pas de diagnostique partagé
Ces différents écueils ont empêché l’émergence d’une réflexion sérieuse tenant compte de facteurs de rupture tels que les crises financières, écologiques et sociales – lesquelles ne sont pourtant pas prospectives mais déjà bel et bien visibles et observables. Ils ont également empêché de dresser des constats communs et connus de tous les participants, à partir desquels il aurait été possible de bâtir des analyses et réflexions. Alors que ce processus entre dans sa dernière phase, nous devons constater qu’il n’y a toujours aucun diagnostic partagé sur des enjeux aussi fondamentaux que la croissance démographique [2] ou l’encadrement de l’internationalisation de la Région de Bruxelles- Capitale [3], pour ne prendre que deux exemples parmi tant d’autres.
Le PRAS démographique qui court-circuite le PRDD
Plusieurs participants aux ateliers du PRDD l’ont déjà souligné : l’annonce du PRAS démographique, élaboré dans le secret, a purement et simplement vidé de leur substance certains ateliers du PRDD.
Inter-Environnement Bruxelles s’était déjà prononcé à cet égard cet été. Le lecteur intéressé pourra se reporter en annexe pour prendre connaissance de notre position sur cette question.
IEB refuse de cautionner un exercice de participation factice
À l’entame de la dernière série d’ateliers destinés à élaborer des pistes d’action concrètes, nous sommes donc forcés de constater que ce processus s’inscrit dans la continuité regrettable d’une pratique de la participation qui vide celle-ci de son sens et la détourne des principes de la démocratie. De participatif, ce processus nous semble avoir été transformé en outil de légitimation d’une vision politique prédéfinie, ancrée dans une logique linéaire de renforcement ou d’adaptation marginale des politiques existantes. L’horizon indépassable semble désespérément être l’accord de gouvernement 2009-2014.
IEB ne peut dès lors plus cautionner ce processus, ni ses conclusions, et a décidé d’annoncer au gouvernement son retrait des ateliers en cours.
Nous concentrerons dorénavant notre énergie sur l’enquête publique et sur notre participation au sein de la Commission Régionale de Développement. Nous espérons que le processus d’enquête publique ne s’en tiendra pas au strict cadre règlementaire, mais qu’il sera largement ouvert et pensé sur un terme suffisamment long pour que les Bruxellois puissent appréhender toute la complexité du futur PRDD et finalement faire leur ce plan qui aura un impact direct sur leur vie.
Contact : Mathieu Sonck, 0478/20 35 78.
[1] Dans le dernier atelier « Bruxelles international » consacré aux actions concrètes, le premier sujet suggéré par le cabinet : « Comment faire pour que la gare du Midi devienne une vraie “Porte internationale” ? »... une question visionnaire contemporaine à l’arrivée du terminal TGV à la gare du Midi en... 1991 !
[2] En l’occurrence, une croissance majoritairement issue de la natalité propre des quartiers populaires de la Région de Bruxelles-Capitale.
[3] Une nécessité rappelée à chaque étape du processus et pourtant largement éludée à la veille de son terme.