C’est aussi le quartier qui accueille en Région bruxelloise la plus grande part de la population originaire d’Afrique subsaharienne. Ses caractéristiques en font un terrain d’exception pour l’analyse de la coexistence sociale, économique et culturelle en Région bruxelloise.
Souvent stigmatisé et présenté comme une enclave du fait de son implantation entre les voies ferrées et le canal, le quartier Heyvaert présente pourtant une centralité physique et économique puissante, circuit d’une « mondialisation par le bas » [1]. Ses valeurs d’usage sont multiples. Il joue un rôle essentiel d’accueil des migrants et des populations peu argentées tout en hébergeant, outre la plaque tournante internationale du commerce de véhicules d’occasion, d’autres poumons économiques tels le marché hebdomadaire des Abattoirs (100 000 visiteurs chaque semaine) et ses lignes d’abattage porc et bœuf, ses grossistes en textiles ou en alimentation.
Le présent dossier ne vise pas à vous servir un énième diagnostic de quartier. Il est le réceptacle de paroles riches, sensibles et ancrées des habitants et usagers quotidiens d’Heyvaert. Il a été permis grâce au travail d’un groupe de chercheurs traitant des questions des résistances ordinaires des quartiers populaires [2]. Court-circuitant le cycle classique de vie de trop nombreux rapports de recherche qui végètent sur les étagères des bibliothèques des universités, ce travail a été diffusé via le n°4 de la revue Uzance [3] et partagé avec ceux dont il parle, notamment en prenant place dans une exposition installée au cœur du quartier, de septembre à novembre 2016. Ce sont les paroles libérées de ces usagers, associées à des dessins réalisés par des artistes ayant battu la semelle durant plusieurs mois dans les rues d’Heyvaert, qui tisseront la trame de ce dossier.
Invitation dans un quartier de transit pas ordinaire où « on atterrit quand on n’a pas le choix et on repart quand on va mieux. » [4]
Alors que des pressions immobilières intenses s’exercent sur le quartier, que ses ressources sont aujourd’hui fragilisées, que d’aucuns plaident pour une transformation drastique du quartier, il nous a paru vital d’exprimer en quoi et pour quoi ce quartier compte pour de nombreux usagers du bas de l’échelle sociale, peu entendus par ceux qui squattent les barreaux du dessus.