Inter-Environnement Bruxelles
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Haren menacé par une méga prison

Le projet de construction de la plus grande prison de Belgique (1 200 détenus) menace le dernier espace vert accessible de Haren. Cette sous-commune annexée en 1921 par Bruxelles-Ville, est coincée entre Diegem et Evere, dans le Nord-Est de la région bruxelloise. Comment étouffer un village, lâchement ou par inconscience ?

© Elise Debouny - 2021

Le village de Haren, malgré de grosses nuisances, a de fragiles richesses que tente de préserver le comité de Haren. C’est fin 2011 que le comité découvre l’ampleur réelle du projet de prison à Haren. Pendant deux ans, les informations reçues annonçaient que la prison s’installerait sur le site des anciennes usines Wanson désaffectées et situées à distance du village, le long du boulevard de la Woluwe. Le site de l’OTAN était également évoqué. Or au final, il est prévu que les usines Wanson soient rasées et dépolluées mais qu’elles ne seront utilisées qu’en partie pour certains bâtiments administratifs et le parking de la prison. La zone aujourd’hui prévue pour la mégaprison va bien au-delà et s’étend sur un champ de maïs mais surtout sur la zone verte du Keelbeek et le parc des télétubbies au bord du village.

Cette information capitale change radicalement l’impact du projet pour Haren et a été le déclencheur d’un mouvement d’opposition et d’efforts d’information des citoyens pour les citoyens. Nous découvrions un projet qui menace directement le poumon du village et le chemin historique du Keelbeek qui relie depuis toujours le village le plus proche de Haren : Diegem, avec son boulanger, son marché, son club de foot, la foire, etc. Et regrettions les maladresses de communication des pouvoirs publics depuis deux ans.

Les Harenois se plaignent déjà de la pollution et des nuisances sonores des avions notamment. Or la prison va aggraver le trafic, et amener le bruit des sirènes et autres bruits liés aux prisons. L’isolement de Haren, au bord de la ville est parfois source d’un sentiment d’insécurité pour les habitants... la proximité d’une prison les inquiètera encore davantage. Haren accueille déjà l’OTAN , Eurocontrol, les ateliers d’Infrabel, le dépôt nord de la STIB : des infrastructures dont les Harenois ne retirent aucun bénéfice. Le village est traversé par trois lignes de trains importantes. Les grands axes routiers qui bordent le village sont d’autres barrières. N’y a-t-il pas une limite à ce qu’un village de 4 500 habitants peut absorber ? Par rapport à cet étranglement du village nous ne voyons comme issue qu’une minimisation de la taille de cette Méga-prison...

Ce méga-projet risque d’asphyxier le village. En achevant l’enclavement par une énième infrastructure infranchissable, Haren perd tout espoir de se développer de manière vivable et la dernière possibilité de conserver son âme et son lien avec son histoire. Aujourd’hui le Keelbeek offre une zone indispensable de détente pour les jeunes, les scouts, les promeneurs, les chevaux. Une telle zone est nécessaire pour tout quartier et cela d’autant plus que les activités dans le village sont limitées. Regardez un plan de Bruxelles et vous verrez que chaque quartier a accès à un parc, par exemple Saint-Gilles dispose des parcs de Forest et Duden ! Que dirait-on si plutôt que le Keelbeek, on occupait ces parcs pour cette mégaprison ? On devinera aisément pourquoi les autres alternatives envisagées – le site de l’hippodrome de Boitsfort, l’institut Pasteur à Uccle ou le site de l’OTAN – ont été abandonnées.

Aucune solution n’a encore été apportée pour chacune des menaces identifiées. Les interrogations liées à la mobilité n’ont jamais été aussi prenantes alors que le Décathlon et Uplace s’installent à nos portes. Rien n’est fait pour nos jeunes et les d’habitants ne se sentent pas abandonnés. N’a-t-on qu’une prison à nous offrir comme avenir ? Nos jeunes touchés par le chômage et l’ennui, que doivent-ils y comprendre ?

Il faut préserver l’équilibre entre nuisance acceptable nécessaire et attrait du lieu, entre pression de la ville et convivialité entre voisins. Je n’ose imaginer un village enclavé, sans services, sans espaces publics suffisants, un village à caractère rural sans place pour la nature. Les Harenois seraient condamnés à s’enfermer chez eux ou à s’exiler aussi souvent que possible.

Haren deviendrait une cité sans âme, une « cité-dortoir » aux nuisances omniprésentes. Qui peut nous expliquer où est la chance d’Haren dans ce projet ?

Pourquoi alors avoir choisi Haren pour ce projet ? Nous sommes loin du Palais de Justice, le site est peu accessible, mais... il y a peu d’habitants pour résister et les terrains sont peu chers à cause des nombreuses nuisances. Haren est une proie facile si l’on se contente d’une vision à court terme sans considérer les réalités harenoises. Après Infrabel qui mange l’Ouest du village, la STIB qui coupe la route vers Bruxelles par le Sud, les voies de communications et les grandes infrastructures avec notamment l’OTAN et l’A201 qui bouche l’Est du village, la prison mangera notre dernier espace de quiétude.

Laurent Moulin
Comité de Quartier de Haren