Inter-Environnement Bruxelles
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Good living is not good housing !

© Csaba Nagy - 2021

Au creux de la pandémie, en juin 2020, le Gouvernement bruxellois désignait un groupe de sept experts académiques belges et internationaux [1] pour se pencher sur la problématique du logement post-crise sanitaire. Les défaillances majeures de la politique bruxelloise pour créer du logement décent accessible précède cette crise mais cette dernière a, de fait, amplifié la visibilité d’une situation de plus de plus intolérable. Quelques mois plus tard, le Comité d’experts déposait son rapport sur la table du Gouvernement avec un ensemble de recommandations, dont certaines non dénuées d’intérêt tel le fait de sortir de la culture de la dérogation, jugée assez généralisée à Bruxelles : « Alors que le foncier se fait de plus en plus rare et cher en Région bruxelloise, les acteurs privés anticipent la réalisation d’une part augmentée de logements […]. Cette situation de surenchère conduit à un urbanisme basé sur la dérogation au règlement régional d’urbanisme (RRU) en matière de gabarits et d’implantations. » [2] Le comité invitait également à la mise sur pied d’un plan régional habitat qui déclinerait une vision intégrée de la politique de l’habitat.

En quoi la levée des obstacles à une densification « intelligente » mettra-t-elle un terme à la flambée du foncier bruxellois à laquelle nous assistons ?

Début 2021, Pascal Smet annonçait la mise sur pied d’un nouveau comité composé d’experts académiques et de la société civile, pour plancher sur la révision du RRU [3]. Nom de code « Good living », le label « good » faisant partie désormais de la culture de communication du gouvernement bruxellois (good food, good move, good soil… [4]). Dans les priorités mises au menu du comité, on citera l’attention aux nouvelles formes de logement, telles que le cohousing, un habitat partagé dont les effets pervers, en l’absence d’un marché régulé, commencent à se faire sentir à l’instar de ce qu’a pu produire le Airbnb [5]. L’autre priorité annoncée est « la révision des règles conservatrices sur les volumes des bâtiments qui constituent un obstacle au renouvellement du tissu urbain, en empêchant par exemple une densification intelligente combinant un bâtiment compact et vivable avec un renforcement de l’espace ouvert et vert. » Est-ce cela la réponse au constat, pointé plus haut, de la surenchère conduisant à un urbanisme basé sur la dérogation au RRU ? En quoi la levée des obstacles à une densification « intelligente » mettra-t-elle un terme à la flambée du foncier bruxellois à laquelle nous assistons ? En quoi le logement inaccessible, par la magie de la densification, se muera en logement abordable ?

Ce n’est pas la composition du fameux comité qui est de nature à nous rassurer : cinq architectes, le BMa, deux urbanistes, un ingénieur et le directeur de l’Union Professionnelle du Secteur Immobilier (UPSI). On cherchera vainement à y trouver un·e sociologue, un·e environnementaliste ou géographe, des acteurs de terrain du logement, des quartiers… Interpellé par Agora sur cette composition bancale, Pascal Smet rétorque : « Ce sont des gens avec une large vision sociale des villes et de Bruxelles en particulier. » [6] Croyons-le sur parole : « une ville qui ne grandit pas est une ville morte » [7] peu importe que les moins nantis y logent dans la rue.


[1Présidé par Benoît Moritz, le panel comprenait 5 architectes, une urbaniste et une sociologue.

[3Une nouvelle mouture du RRU avait été soumise à l’enquête publique en 2019 sous l’ancienne législature et était restée en rade. Lire l’avis d’IEB sur la première mouture.

[4À ce sujet lire notre article sur l’Happycratie « Oser être critique » dans le Bruxelles en Mouvements d’avril-mai 2020.

[5Lire sur le sujet notre article « Le coliving à la conquête de Bruxelles ? » in Bruxelles en Mouvements, avril-mai 2021, p. 4.

[6Interpellation de Pascal Smet au Parlement bruxellois, Séance plénière du vendredi 02/04/2021, p. 20.

[7Interview de Pascal Smet, « De roetstad ligt eindelijk achter ons », BRUZZ, 8 avril 2021.