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Gesù : la brutalité comme ultime aveu d’impuissance ?

À l’aube de ce 4 novembre 2013, devant le couvent du Gesù à Saint-Josse, des centaines de policiers, encagoulés et équipés comme pour la guerre, mettent en place une aire de sécurité pour écarter les manifestants venus en soutien des habitants. D’autres pandores évacuent les effets personnels des expulsés. Parmi ces derniers, des mamans menottées, poussées dans le dos sous le regard de leurs enfants, cartable sur l’épaule qui, ce jour-là, comme tous les autres, s’apprêtaient à aller à l’école.

Sans nier les difficultés de vie qu’il y avait dans le couvent du Gesù, rien ne peut justifier l’expulsion des habitants. Une expulsion qui n’a généré que plus de misère et d’exclusion. Une expulsion injuste et insultante au regard de l’inaction des pouvoirs publics dans ce dossier depuis quatre ans, et ce malgré les multiples appels à l’aide des associations contraintes de jeter l’éponge devant une situation devenue difficile à gérer.

Le déploiement policier utilisé pour déloger les derniers occupants apparaît inversement proportionnel à l’action des autorités locales face au problème du logement des plus démunis à Bruxelles. L’occupation du couvent du Gesù, tout comme la détérioration des conditions de vie en son sein, sont précisément le résultat de l’incapacité des pouvoirs publics à répondre à la misère croissante à Bruxelles. Quand les assistants sociaux des CPAS appellent directement les squats, pourtant tous saturés, pour chercher des solutions d’urgence de logement de familles à la rue, c’est le signe clair que tous les relais politiques sont épuisés ou aux abonnés absents.

Aujourd’hui, en toute logique, les occupations de bâtiments vides se multiplient à Bruxelles. La persistance d’une occupation de cette envergure révèle la faiblesse constante des politiques sociales et d’intégration, tant au niveau communal que régional. C’est pourtant dans ce contexte qu’Emir Kir, bourgmestre de Saint- Josse, a décidé seul de remplacer l’action sociale par l’action sécuritaire. C’est le signe des temps, d’une optique anti-pauvres dans la gestion des problématiques de la précarité. Et les raisons d’ordre public ainsi que la criminalisation des occupants du Gesù masquent mal la responsabilité des politiques.

Une expulsion injuste et insultante au regard de l’inaction des pouvoirs publics dans ce dossier depuis quatre ans.

En définitive, si les autorités se targuent d’une prise en charge et d’un relogement à moyen terme de toutes les personnes expulsées, elles semblent par contre faire l’impasse sur la situation de toutes celles et ceux qui ont fait le choix contraint, faute de droits, d’un retour à la clandestinité et sans doute à la rue. Face à la dualisation sociale de Bruxelles et à la difficulté de créer les conditions d’émancipation des Bruxellois les plus pauvres, exclus du marché du travail et privés de leurs droits les plus élémentaires, certains responsables politiques semblent avoir fait le choix de chasser ces habitants de leur territoire pour mieux y accueillir les riches, violant au passage la Constitution belge et quantité de Déclarations et Chartes pourtant signées par eux-mêmes.