Ce mardi 23 septembre s’est tenue la commission de concertation sur la demande de régularisation des transformations réalisées dans la Galerie Bortier. Plus de 130 personnes ont réagi à l’enquête publique et une vingtaine ont fait le déplacement, dont une des libraires, impactée par les changements, venue dénoncer l’ambiance de taverne dans laquelle elle doit aujourd’hui travailler. Le porteur du projet (lié au méga-groupe Choux de Bruxelles) n’a répondu qu’à peu de questions, s’appuyant sur un appel à projet fantôme pour légitimer sa désignation comme gestionnaire de la galerie. Quant au directeur de la Régie foncière, il est resté muré dans le silence. L’avis est attendu début octobre.
Janvier 2022, la Régie foncière de la Ville, propriétaire de ce bien public, lance un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI), ouvert durant deux mois, pour deux cellules de la galerie et laisse les candidats sans nouvelles.
Septembre 2023, une pétition de soutien aux libraires, préoccupés de la tournure des choses, récolte plus de 13.000 signatures, mais est ignorée par la Régie.
Février 2024, le Collège de la Ville de Bruxelles clôture l’AMI et annonce publiquement la reprise de 7 cellules par la SA Choux de Bruxelles, qui n’avait pas pris part à l’AMI. Une annonce sous le feu des critiques dont le porteur du projet se défend, affirmant qu’il n’est pas question de faire de la galerie un food court.
Les travaux démarrent dans la Galerie, en l’absence de toute demande de permis, mais avec l’aval de la Régie foncière. Tandis que les rayonnages existants sont détruits dans tous les locaux loués par Choux de Bruxelles, l’option résolument food court de la galerie se précise.
Septembre 2024, Inter-Environnement Bruxelles dénonce l’absence de permis pour les travaux et pour le changement de destination et d’utilisation des cellules commerciales et culturelles au profit de commerces Horeca. Le porteur du projet réfute ces accusations et parle d’Horeca « accessoire » ne nécessitant pas de permis.
Novembre 2024, Inter-Environnement Bruxelles porte plainte auprès d’URBAN qui, ayant constaté la pose de hottes industrielles et de cheminées d’évacuation, dresse un procès-verbal et confirme qu’il s’agit bien d’Horeca à titre principal et de travaux nécessitant un permis d’urbanisme.
Mai 2025, la demande est officiellement déposée par la SRL Bivouwagg (une des sociétés satellites de la SA Choux de Bruxelles) : elle donne lieu à une enquête publique et à la réunion de la commission de concertation de ce 23 septembre.
Au-delà d’une régularisation qui serait juridiquement contestable, vu l’historique du dossier, la question de la légitimité du détournement, d’un lieu de culture de l’imprimé au profit d’un lieu à dominante Horeca, demeure. D’autant qu’un PPAS UNESCO est actuellement en préparation dont l’un des objectifs annoncés est de “mieux valoriser le patrimoine exceptionnel de la zone”. Quant à la pertinence du choix Horeca, elle est mise à mal par le départ de trois enseignes, fin juin 2025, faute de rentabilité du concept. Rien de surprenant, vu la nature intimiste de la galerie, incitant au calme et à la flânerie, dans un quartier qui présente déjà une surabondance d’offre de restauration.
À la liste, non exhaustive, d’irrégularités et de tâtonnements, il y a lieu d’ajouter l’offre de « privatisation totale ou partielle » de la galerie Bortier pour des événements festifs, en soirée (jusqu’à 300 invités), que l’on trouve sur le site du nouvel exploitant : https://bortier.be.
La note explicative de la demande ne fait pas mention de cette privatisation « by night » dans un ensemble partiellement classé et qui, comme le rappelle le SIAMU dans son avis, constitue une sortie de secours pour la salle de la Madeleine en cas de sinistre.
L’organisation d’événements, spectacles et fêtes qu’elles soient temporaires ou régulières, dans des lieux d’une surface totale couverte supérieure à 200 mètres carrés est pourtant soumise à l’obligation de l’obtention d’un permis d’environnement 135 de Classe A. Or, la demande de permis en cours n’est pas mixte et, à notre connaissance, aucune demande de permis d’environnement n’a été déposée.
Les transformations de la Galerie Bortier n’ont pas seulement affecté l’environnement des libraires – il en reste trois dans la galerie – contraints aujourd’hui de travailler dans les odeurs de cuisine et un bruit de fond musical permanent. Il nous revient, en effet, de la part des locataires des appartements situés aux étages de la Galerie, que depuis la transformation des lieux en food court et zone événementielle privée, les nuisances sonores y sont régulières, y compris au-delà des heures autorisées de 22h, souvent jusque près de minuit. La police a plusieurs fois été appelée sur les lieux.
Quant aux nuisances olfactives, elles sont quotidiennes et impactent la qualité de vie des locataires midi et soir.
Face à l’improvisation de la gestion actuelle de la Galerie Bortier, Inter-Environnement Bruxelles soutient la suggestion de la Commission Royale des Monuments et des Sites (CRMS) qui dans son avis défavorable du 09 juillet 2025 « invite à élaborer un plan de gestion patrimoniale, afin d’assurer une gestion cohérente et harmonieuse de la galerie, et d’encadrer les éventuelles rotations d’occupation dans un souci constant et sur le long terme de respect de sa valeur patrimoniale ».
La commission de concertation doit rendre un avis défavorable et le permis doit être refusé.
Inter-Environnement Bruxelles continuera de suivre de près ce dossier et de plaider pour le retour des fonctions culturelles dans la galerie, afin également de la préserver des dangers relevés en matière de sécurité par les activités actuelles.