Depuis 30 ans que notre famille s’est installée avenue Ducpétiaux, combien de fois n’avons-nous pas entendu cette plaisanterie dans la bouche de ceux qui nous demandaient où nous habitions ! Eh oui, en face de la prison de Saint-Gilles.
Décision difficile à prendre que d’acheter là une maison : nous connaissions les rapports de l’Observatoire des prisons qui y dénonçaient les conditions d’incarcération, et de toute façon, nos convictions philosophiques nous incitaient – et nous incitent toujours – à défendre les alternatives à la détention et à l’aménagement de peine. Quoi qu’il en soit, le fait d’habiter en face de la prison ne changerait rien à ces problématiques, et déjà il se murmurait qu’elle serait bientôt amenée à déménager ! Depuis 2010, quelques certitudes apparaissent, mais encore aujourd’hui, certains voisins pensent qu’ils ne connaîtront jamais notre rue sans ses fanfares de klaxons. Car il faut bien avouer que les véritables désagréments de notre situation ne sont pas dus à nos voisins incarcérés, mais plutôt à l’organisation de la vie pénitentiaire.
C’est essentiellement lors des transferts de prisonniers vers le Palais de Justice que le quartier se transforme en « check point » : voitures de police qui bloquent l’avenue, motard pour protéger le fourgon, policier fusil à la main, le tout dans une étourdissante atmosphère sonore… est-ce vraiment nécessaire à la sécurité ? Tout cela souvent devant des familles et des enfants, qui patiemment attendent longtemps, debout sous tous les temps, les instructions pour pouvoir rendre visite à leurs proches incarcérés.
Pourtant, il y a de la place sur le parvis de la prison, devant le porche aujourd’hui inscrit au patrimoine, véritable entrée de château-fort admiré et photographié par les touristes(!). Une installation pour le confort des familles aurait dû, depuis longtemps, être envisagée.
Ajoutons aussi que les chauffeurs des camions d’approvisionnement et de chantier (une aile de la prison vient d’être rénovée) trouvent souvent que le moyen le plus sûr de se faire ouvrir l’entrée « fournisseurs » est de klaxonner et ceci, parfois, dès 6 heures du matin ! Une pétition des habitants a quelque peu atténué le problème, sans le résoudre entièrement. Inconvénients qui pourront sans doute être largement évités dans le cadre de l’installation d’une nouvelle prison : que les habitants y soient attentifs ! Ceci est évidemment mineur par rapport à une large réflexion sur la politique d’incarcération qu’un état moderne doit mener, mais ce n’était pas le propos de ces quelques lignes.
Quant à nous, nous espérons voir fleurir de l’autre côté de la rue un quartier verdoyant, des logements sociaux et moyens accessibles, avec des écoles, des crèches, des infrastructures pour personnes âgées (une maison Abbeyfield, pourquoi pas ?), des plaines de jeux, des terrains de sport, des petits commerces et des petits restos : 10 hectares, cela devrait faire rêver les urbanistes ! Et s’il vous plaît, pas d’extension des quartiers Châtelain-Lepoutre, gardons l’esprit multiculturel de Forest–Saint-Gilles !
Nine Muret
habitante face à la prison