Ce mercredi 12 février s’ouvre l’enquête publique pour la démolition-reconstruction du Palais du Midi, une opération qui induira au bas mot 9 ans de travaux supplémentaires. C’est le coup de grâce pour le quartier Stalingrad-Lemonnier, en chantier depuis bientôt cinq ans. Encadré par une ordonnance spéciale votée octobre 2023, cette demande de permis accélérée est déposée par la STIB pour un bâtiment appartenant à la Ville de Bruxelles et géré par sa Régie foncière.
En plus de la construction d’un tunnel de métro reliant la station Toots Thielemans au tunnel existant de prémétro, la demande prévoit la démolition du Palais du Midi (sauf les façades) et la reconstruction du « gros œuvre fermé » (ou « casco » en jargon immobilier), c’est-à-dire les murs, la toiture et sa couverture, l’isolation, les portes et les châssis. Au total, la démolition visée concerne 29.976 m² d’équipements collectifs et 11.447 m² de commerces qui seront détruits. La reconstruction induira une perte de 15 % de la surface, la cour nord du Palais du Midi devant être remise à ciel ouvert.
Initialement, c’est un parc temporaire que la STIB se proposait d’aménager entre les façades préservées et étançonnées du Palais. Le projet soumis à l’enquête publique, on l’a dit, ne vise qu’une reconstruction du gros œuvre, même si la note explicative et ses visuels aguicheurs laissent entendre que l’opération prévoit des toitures végétalisées, des panneaux photovoltaïques, le réaménagement des commerces des pourtours du Palais du Midi, un terrain de basket, une crèche et, last but not least, une école maternelle.
C’est que les aménagements et l’affectation définitive des surfaces allouées dépendront d’une nouvelle procédure, à savoir la demande de permis que la Ville de Bruxelles, propriétaire du bâtiment, devrait déposer après l’étude programmatique pour le futur du Palais du Midi prévue en 2025 et 2026. Suite à un concours organisé par le BMA, récemment gagné (et discrètement annoncé sur les réseaux sociaux), c’est le bureau d’architecte 514NE, accompagné de Particitiz, Callida et M-gineers qui a été chargé d’envisager les futurs usages et affectations du bâtiment.
Alors que plusieurs candidats aux élections communales avaient fait de la relocalisation des usagers du Palais du Midi une condition préalable à sa démolition, rien à ce jour laisse penser que des solutions valables et pérennes aient été trouvées. En revanche, il n’aura pas fallu attendre le début de l’enquête publique pour que la Ville de Bruxelles calfeutre déjà les vitrines des commerces inoccupés.
La démolition-reconstruction du Palais du Midi, c’est l’éviction pure et simple des occupants, usagers et habitants du quartier. C’est d’abord en expulser ses clubs de sports et ses commerçants d’ici août 2025. C’est aussi laisser le temps faire son œuvre : laisser pourrir les situations individuelles prises en étau d’une prédation foncière qui n’assume même pas le coût réel de son opération de façadisme – ni le coût financier, puisque les deniers viennent de la Région.
Noyés dans les 647 pages de l’étude d’incidences, les riverains constateront que l’impact sur leur quartier n’est abordé qu’à partir de l’état actuel du chantier, pourtant lancé il y a presque cinq ans. Ces mêmes riverains se perdront dans les méandres techniques qui retracent la saga du métro 3 à Stalingrad, et il ne leur restera qu’à se raccrocher au design stérile des visuels anticipant la situation d’un Palais du Midi reconstruit. Des anticipations où les surfaces commerciales sont reconstruites dans le but d’être appropriables et modulables à l’envie (jusqu’à 2500 m²) – une aubaine potentielle pour tous ceux qui sont déjà à l’œuvre dans d’autres pôles « réactivés » du Pentagone et de la première couronne [1].
Laissera-t-on la STIB et la Ville de Bruxelles vider les quartiers populaires du Pentagone et aseptiser ses espaces publics pour offrir – « attractivité » oblige – une page blanche aux promoteurs et bétonneurs ?
Pour s’informer sur le dossier et comprendre comme réagir durant l’enquête publique, IEB organise des séances d’informations :
[1] On pense évidemment à la Galerie Bortier, dont nous avons chroniqué l’opaque relifting commercial et touristique, et au Beer Temple installé à la Bourse, dont l’inaccessibilité financière rivalise avec sa pauvreté muséale.