Inter-Environnement Bruxelles
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Définition : mixité

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Les concepts de mixité sociale et de mixité des fonctions sont usités à l’envi par les promoteurs, les urbanistes et les élus. Ces concepts brillent par leur connotation positive : qui pourrait s’opposer à l’idée de mixité, à ses vertus de tolérance, d’ouverture, de richesse et de diversité ?

Dérivé de l’adjectif mixte, le substantif mixité apparaît au XIXe siècle et passe d’un emploi assez rare à régulier à partir des années 60 dans le contexte scolaire. Ce terme provient alors des luttes féministes et humanistes et pos- sède une définition concrète : refus de la répar- tition scolaire et mise au ban des programmes d’apprentissage différenciés et limités selon le sexe biologique.

Dans les années 90, le concept devient le maître mot des politiques d’aménagement du territoire en Région bruxelloise mais aussi ail- leurs. Lisez un ouvrage d’urbanisme, assistez à une commission de concertation, vous n’y échapperez pas. Mixitéw est la plupart du temps couplé aux termes « sociale » ou « fonctionnelle ». Il apparaît ainsi 45 fois dans les 180 pages du plan</plan> régional de <code>développement durable (PRDD). La mixité des fonctions urbaines (logements, commerces, bureaux,...) vise, elle, à faire barrage aux quartiers monofonctionnels, par exemple un quartier de bureaux.

Le mixeur de la centrifugeuse sociale

Dans les faits, l’incantation à la mixité sociale s’opère principalement dans les quartiers cen- traux de faible niveau socio-économique. La Région y déploie des efforts considérables, à l’aide des politiques de rénovation / revitalisation urbaine, pour y attirer des ménages à revenus moyens et supérieurs. Dans le même temps, les politiques régionales prennent peu, voire pas, de mesures pour permettre aux ménages à bas revenus de s’y maintenir, en construisant, par exemple, des logements sociaux. Argument : il faut éviter de concentrer les pauvres.

Pourtant, il n’y a pas à Bruxelles de « quartiers ghettos » si l’on entend par là des quartiers isolés du reste de la ville, où on ne retrouverait que des pauvres. Même au cœur du croissant « pauvre », des parcs de logements sociaux, habitent des personnes avec une grande diversité de revenus et de cultures.

Dans les faits, l’incantation à la mixité sociale a surtout produit une hausse du prix des loyers, des aliments dans les magasins, des loisirs – et par ricochet, non pas une amélioration de la situation des plus pauvres, mais un évince-
ment de ceux-ci [1].

L’incantation à la mixité sociale n’enraye nullement les causes des inégalités sociales...

La gentrification d’entreprises

La Charte d’Athènes dans les années 30 prônait les vertus de la mono-fonctionnalité urbaine : un lieu pour habiter, un lieu pour travailler, un lieu pour s’amuser, avec la voiture pour les relier. Aujourd’hui, les acteurs contemporains de l’urbanisme prônent une vision contraire : la mixité des fonctions permettant de disposer, à portée de marche, des services de la ville (commerces, écoles, arrêt de transport public...). Et ce n’est pas dénué de sens.

Toutefois, cette lecture idéale ne peut faire l’impasse sur la question de la cohabitation des fonctions et la force économique de celles-ci. En effet, toutes les fonctions ne sont pas simples à faire cohabiter dans un espace limité. Qui voudrait habiter à côté d’un ferrailleur, d’une centrale à béton, d’un centre logistique pour camions ? La mixité des fonctions à tout crin, prônée par nos édiles, a surtout produit un phénomène de gentrification des entreprises sources de puissances (bruit, odeur, charroi) alors même qu’elles étaient utiles à la ville et les a mis en concurrence, presque déloyale, avec la fonction logement. Les pressions immobilières ont généré une délocalisation des entreprises en périphérie allongeant le nombre de kilomètres parcourus et diminuant le nombre d’emplois peu qualifiés pour les bruxellois. [2]

La mixité est devenue le concept qui gomme les rapports de forces socio-économiques.


[1Sur la mixité sociale, lire nos dossiers : La mixité sociale en questions : la mixité pour qui, pour quoi ?, 25 mars 2011 et « article 30680, janvier 2017.