Inter-Environnement Bruxelles
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Ce qu’il nous reste COP 21

De la Belgique à la France, nous ne savons plus où donner de la tête entre crise sociale, rejet de l’étrange étranger, état d’urgence et d’exception, révision constitutionnelle, chasse aux réfugiés, interdiction de manifester, arrestations arbitraires et confusion entre judiciaire, législatif et exécutif.

« J’ai l’impression que nous sommes dans un film de science-fiction. Dans ce genre de film, il n’y a plus de juges. La police et les forces armées sont omniprésentes et l’exécutif décide de tout, sans contrôle. Nous y sommes », s’insurge Manuela Cadelli, Présidente de l’association syndicale des magistrats [1].

Science-fiction ou retour en arrière, cette « parenthèse démocratique », pour reprendre la fulgurance de la magistrate, alimente les replis identitaires et accentue les distorsions d’une gouvernance corsetée par la finance qui elle est sans contrôle ni frontière.

À Paris, les États sont, sur base d’engagements purement volontaires, à la barre du climat. Pris dans une guerre économique effrénée, ils confient l’avenir de la biosphère à la main invisible du marché, qui monétise et privatise l’atmosphère, le carbone, les sols, l’eau, les semences, les forêts,... En atteste la galerie des sponsors d’une COP 21 financée par quelques multinationales championnes de la pollution, auxquelles Hollande offre des opérations (historiques) de « greenwashing » pour un prix dérisoire.

Les généreux bailleurs ne sont autres que les charbonniers Engie (ex-GDF-Suez) et EDF ainsi que Suez-Environnement, qui militent activement pour l’exploitation d’hydrocarbures de schiste en France, un puissant lobby regroupé depuis février 2015 sous la bannière du Centre pour les Hydrocarbures Non Conventionnels (CHNC). Le gouvernement français justifie ce choix marketing par la volonté de réduire le plus possible l’addition pour le contribuable. Vraiment ? L’organisation de la COP 21 devrait coûter 170 millions d’euros, dont 80% proviennent de fonds publics [2].

D’autres leviers assureraient plus efficacement l’allègement du contribuable à commencer par astreindre les banques à se désinvestir des entreprises qui contribuent au réchauffement climatique et empêcher du même coup l’évasion fiscale mise en oeuvre par certains groupes financiers (entre autres BNP Paribas, autre sponsor de la COP 21). Rien qu’en Europe, les pertes liées à la fraude et à l’évasion fiscales s’élèvent à plus de 1 000 milliards d’euros chaque année (selon la Commission Européenne) [3].

De notre côté des frontières intérieures restituées, après 6 ans de négociations, entités fédérale et fédérées, ont enfin trouvé un accord sur la répartition des « objectifs climat » [4]. Dans le même temps, acculée par une procédure judiciaire, la Belgique a signé la prolongation pour 10 ans des centrales nucléaires Doel 1 et 2.

Une relance pourtant contestée par des observateurs de la société civile et par le gestionnaire de réseau Elia chargé d’évaluer le risque (tout relatif) de pénurie d’électricité [5]. Mais, Gérard Mestrallet, PDG d’Engie, maison mère d’Electrabel, confesse, transition énergétique en ligne de mire : « Cela assure une sécurité d’approvisionnement à la Belgique... et cela lève une incertitude qui était un frein aux investissements » [6].

Notre époque n’est décidément pas avare en contradictions, elle invite en tout cas à penser la question de la légitimité à désobéir en toute urgence démocratique. « Résister à la barbarie qui vient » s’impose comme un impératif catégorique. La vague brune qui écume la France n’est en effet qu’un indicateur d’une impuissance citoyenne globalisée. Résister donc, renouer avec une puissance d’action, reprendre coûte que coûte possession de nos ressources naturelles et expérimenter l’écart de la démocratie à elle-même : cet intervalle où le sens du commun, des biens communs, est à reconquérir.


[1La Libre Belgique, samedi 21 et dimanche 22 novembre.

[3Réseau Financité, « L’évasion fiscale vit-elle ses dernières heures ? », 2013, www.financite.be.

[4Répartition du financement climat, énergie renouvelable, réduction des gaz à effet de serre et répartition des revenus des quotas de CO2.

[5Le Soir, jeudi 3 décembre 2015.

[6L’Écho, mercredi 2 décembre 2015.