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Au coin du bois... le Ring

La balade organisée par Modal Shift ce samedi 8 mai au bois du Laerbeek, en pleine période de floraison, fut l’occasion de lier les enjeux globaux de la mobilité dans et autour de Bruxelles avec une question cruciale : la préservation d’écosystème dans et autour de la ville. En effet, le projet d’élargissement du Ring, envisagé par la Région flamande, aura immanquablement pour conséquence la disparition de plusieurs hectares du bois du Laerbeek, pourtant classé réserve naturelle et zone Natura 2000. Il est fondamental que les Bruxellois se rendent compte de l’impact d’un tel projet sur Bruxelles et réagissent car pour le moment ils sont très silencieux. Petit récit de la balade en 5 points d’arrêt.

Balade Laerbeek / élargissement du Ring
Modal Shift

8 mai 2010

1er arrêt : début du chemin des Moutons

  • Présentation de Modal Shit : Modal Shift regroupe une dizaine d’associations de BXL, Flandre et Wallonie (Greenpeace, Inter-Environnement Bruxelles, Inter-Environnement Wallonie, Bond Beter Leefmilieu, Bral vzw, Friends of the Earth Belgique, Fietsersbond, GRACQ, Natuurpunt, Mobiel21) qui ont décidé de se mobiliser en 2008 pour défendre une mobilité durable et des alternatives face à la multiplication des infrastructures routières et l’augmentation croissante de la pression automobile en Belgique. Contexte de cette mobilisation : le projet d’élargissement du Ring.
  • Nous sommes chemin des Moutons , à la limite entre la Région bruxelloise et la Région flamande. Ancien tracé d’un chemin néolithique, toujours présent lors de la période romaine, il constituait un élément important du réseau de voirie : un diverticulum . Nous ne sommes d’ailleurs pas loin de la chaussée romaine.
  • Le projet d’élargissement est un vaste projet en trois tronçons dont l’un d’entre eux, s’il est réalisé, va complètement bouleverser le biotope du Laerbeek et ses richesses naturelles. Faire cette balade est une façon de lier les enjeux globaux de la mobilité dans et autour de Bruxelles avec une question cruciale : la préservation d’écosystème dans et autour de la ville. Cette question du combat entre des infrastructures routières et la nature existent bien ailleurs. On pourrait croire qu’à l’heure où la conscience écologique et l’interdépendance entre l’homme et la nature ont fait leur chemin, ce combat serait obsolète.

2e arrêt : devant le Verger de la VUB

  • Nous sommes ici devant le Verger de la VUB. Il faut savoir qu’un comité s’est créé pour préserver les intérêts du site. Son objectif : préserver les cents parcelles de jardins potagers, le verger de la VUB (pommiers, poiriers, cerisiers), le chemin néolithique des Moutons et la lisière du bois du Laerbeek qui jouxte le Ring. Le comité a été soutenu dans son combat par le CEBO, IEB, le Bral, Natuur Punt, JNM. Le comité s’est battu pour sauvegarder les potagers face à un projet de la VUB qui voulait y construire un stade de football. Il a obtenu gain de cause. Mais aujourd’hui il y a une menace bien pire avec le projet d’élargissement du Ring. Le projet ne s’attaque pas au potager mais à une partie du bois du Laerbeek.
  • La zone à droite du chemin date des années 70 : elle sert de zone de protection acoustique autour de l’hôpital de la VUB. Cette partie, faite de sable, a permis le développement d’une nature spécifique et abondante : on y trouve notamment des orchidées, des arbustes que l’on trouve habituellement dans les dunes comme l’argousier. La zone constitue une importante réserve de nourritures pour les oiseaux telles que les grives. Il y a trois espèces de grives dont deux viennent hiverner ici. Le comité aimerait voir se développer ici une aire de détente, un bois ludique. On y trouve aussi la cityse (Goudenregenen).

3e arrêt : entrée dans le bois du Laerbeek

  • Le bois du Laerbeek fait aujourd’hui 33 hectares. Il est englobé dans la réserve du Parc Roi Baudouin qui fait un total de 110 hectares. La commune de Jette en est devenue propriétaire en 1962. Elle vendra le domaine à l’Etat belge en 1977. Depuis la régionalisation, le site est propriété de la RBC. Le site est aujourd’hui à la fois une réserve naturelle régionale, un paysage protégé et une zone Natura 2000 notamment en raison de la présence de chauve-souris (on recense ici 12 espèces). La zone Natura 2000 représente une pyramide alimentaire non négligeable et donc une grande richesse de plantes et d’animaux herbivores et carnivores ainsi que des rapaces (chouettes hulottes, faucons, éperviers, buses,...).
  • L’élargissement du Ring est un ancien projet né du constat de la congestion de plus en plus importante sur le tronçon nord. Déjà un MER ( milieueffect rapport ) avait été adopté en 1996. La procédure a été relancée en 2005. Il est vrai que le Ring accueille tout à la fois du trafic de transit international (transport de marchandises), du trafic de transit national ainsi que des voitures à destination de Bruxelles (220 000 navetteurs quotidiens). Hors heures de pointe, il peut servir de voie de report pour des personnes qui veulent traverser la ville.
  • Le Plan général d’élargissement du Ring : l’élargissement du Ring concerne la zone Nord entre la E40 Gand-Bruxelles et l’E40 Bruxelles-Liège. Les projets ont été divisés en trois tronçons.
    1. E40 Gand-Bruxelles et A12 Bruxelles-Anvers (Grand-Bigard) : élargissement jusqu’à 10 ou 12 bandes.
    2. de l’A12 à l’A19 y compris le viaduc de Vilvoorde : 10 bandes de circulation.
    3. de l’E19 à l’E40 Bruxelles-Liège 10 ou 12 bandes (Woluwe-Saint-Etienne).
    L’objectif annoncé qui justifie l’élargissement des bandes est la séparation de la circulation dite de transit de la circulation locale, cette deuxième freinant l’autre. H. Crevits, Ministre flamande de la Mobilité, prétend dès lors qu’il ne s’agit pas d’un élargissement mais d’une optimalisation. Pourtant, au total, le projet double l’espace consacré à la voiture avec un inévitable effet d’appel. En effet, à l’heure actuelle, on considère que le bourrelet de congestion du Ring préserve la RBC d’un certain trafic, certains navetteurs hésitants à prendre leur voiture pour se rendre à Bruxelles en raison des embouteillages. Si les bouchons sautent, les navetteurs hésitants reprendront leur volant. C’est mathématique et démontré par le bureau d’étude reconnu STRATEC.
  • La procédure officielle nécessaire à l’exécution des travaux a été lancée en juillet 2008 par l’enquête publique sur le cahier des charges d’incidence du projet la section qui se trouve à hauteur de l’aéroport dans le cadre du Plan START : projet de développement économique de la zone de Zaventem. Ce plan veut doubler la capacité de l’aéroport de Zaventem pour 2025 tant pour les passagers que pour le fret et créer 300 hectares de terrain logistique (projet similaire à celui de la RBC avec le BILC pour le moment recalé). Ce projet entraînera 465 camions (deux sens) à l’heure de pointe chaque matin. Si la Région flamande obtient l’élargissement du Ring à cet endroit, l’élargissement des autres tronçons deviendra inévitable. La RF espérait pouvoir commencer les travaux en 2013. Coût total estimé : 1 milliard d’euros. Il faut savoir que le projet tel que pensé initialement n’envisageait aucune alternative.

4e arrêt dans le bois du Laerbeek en bordure du Ring

  • Le tronçon E40 Gand-Bruxelles à A12 Bruxelles-Anvers (élargissement jusqu’à 10 ou 12 bandes) concerne la zone du Laerbeek . Nous sommes ici à l’endroit où la zone d’extension d’au moins deux bandes de circulation devrait parvenir ainsi que la zone de chantier. La zone de chantier nécessitera l’abattage des arbres au-delà des deux bandes. Le bois perdrait donc près de 5 hectares.
  • Quelles sont les conséquences naturelles : le chantier va nécessiter un pompage du sol qui va provoquer un assèchement de la zone et à un abaissement de la nappe phréatique. Le métabolisme des plantes va changer : les nutriments vont remonter plus vite et générer un phénomène d’eutrophisation (d’asphyxie) des plantes. On assistera à augmentation importante des nuisances sonores pour la faune, à l’usage ultérieur de sels de déneigement sur les nouvelles bandes avec leurs cortèges de nuisances écologiques. S’ajoute à cela la pollution lumineuse nuisible pour les chauves-souris.
  • Impact de l’élargissement du Ring pour la RBC : le Ring, déjà à l’heure actuelle, a d’importantes conséquences environnementales pour Bruxelles. 50% des particules fines qu’on trouve dans l’air bruxellois proviennent du Ring. Or une étude de l’OMS montre que les particules fines réduisent l’espérance de vie des Belges de 13,6 mois en moyenne. Les PM sont à la source de 1.100 décès prématurés annuels en RBC. Depuis novembre 2009, la Belgique est poursuivie par la Commission pour non-respect des valeurs limites sur les PM10. Selon CELINE, le respect des engagements européens supposeraient qu’on réduise le transport routier en RBC de 50%. Même constat pour les émissions de CO2.
  • Une récente étude à l’échelle européenne montre que Bruxelles est la ville la plus congestionnée d’Europe ce qui, outre les questions de santé et de pollution, à des conséquences sur le plan économique . Les entreprises aiment disposer d’une bonne accessibilité or plusieurs économistes se sont penchés sur la situation (Geert Noels) et affirment qu’une analyse coût-bénéfice du projet plaide en sa défaveur. Pour Stratec, l’espace récupéré par l’élargissement, en raison de l’effet d’appel, sera à nouveau congestionnée d’ici 5 à 10 ans.

5e arrêt devant le champ de Zellik

  • Vue sur les champs de Zellik : la législation oblige les autorités à compenser l’impact lié à la destruction de la nature. Les pouvoirs publics devront installer un mur anti-bruit et prévoir des compensations pour la superficie disparue du bois. La capacité d’un mur anti-bruit à réduire les nuisances est limitée car il n’arrête les ondes que pour ceux qui sont juste derrière le mur, les ondes se propagent plus loin derrière le mur. Quant à la compensation, elle n’est jamais pleine :
    • un bois ne se remplace pas ainsi. Certaines plantes ont un taux de reproduction très lent, comme l’anémone des bois à qui il faut 100 ans pour se reproduire. Abris pour les chauves-souris : certaines espèces vivent dans les arbres, or les arbres anciens offrent plus d’opportunités pour les chauves-souris (taille et formes des cavités — creusées par les pics épeiche). Une multitude de petits animaux fréquentent le bois : belette, écureuil roux,...
    • il faut des dizaines d’année pour qu’un bois jeune atteigne la même capacité d’absorption du CO2 qu’un bois vieux ;
    • l’endroit choisi pour la compensation est déjà classé en zone verte au PRAS, ce n’est donc pas une vraie compensation ;
    • la compensation sur Zellik est en Région flamande alors que la bande du Laerbeek est en RBC.
    • L’Agentschap Wegen en Verkeer (AWV) : après des années de combat, les associations ont obtenu une meilleure gestion des accotements herbeux des routes. Ce sont les panneaux en Flandre : « Hier werken wij aan een ecologische berm »« Ici nous travaillons à de accotements écologiques » . C’est grâce à cette gestion écologique qu’on peut observer au bord des autoroutes des marguerites, des centaurées,... L’élargissement du Ring va, en raison de la pression sur l’espace, manger au maximum sur ces zones. Les bandes supplémentaires ne pourront se faire qu’en supprimant tout ce qui est considéré comme superflu.

L’état actuel du dossier

  • Alors qu’on pouvait s’attendre, avec la crise budgétaire , que ces travaux soient mis au frigo, dès la rentrée 2009, il y a eu de nombreux remous et des inquiétudes exprimés par les 7 communes proches du Ring : Zaventem, Grimbergen, Kampenhout, Machelen, Vilvoorde, Steenokkerzeel, Zemst, qui ont envoyé un courrier au cabinet pour faire pression sur le projet + 7 autres communes plus tard (Merchtem, Meise, Dilbeek, Ternat, Affligem, Wemmel) pour faire pression sur le gouvernement pour qu’il affronte le problème de la congestion du Ring.
  • L’AVW (Agentschap Wegen en Verkeer) a commandé une étude de mobilité qui concerne l’ensemble des tronçons, y compris celui-ci. Alors qu’au début la RF n’avançait que sur le tronçon de la zone Zaventem. Le rapport devrait être prêt pour juin. Cette étude a été commandée suite au revers qu’a connu récemment la ville d’Anvers avec son Lange Wapper rejeté par référendum, afin d’éviter des critiques similaires. L’étude analyse des alternatives tout à fait loufoques tel qu’un tunnel sous Bruxelles de 15 km (le plus long tunnel, le Saint-Gothard en Suisse est de 16,3 km, coût : 25 millions du km, il a fallu 4 ans pour construire le tunnel Shuman-Josaphat de 1250 m) ou la construction d’un second Ring qui relierait Alost à Malines. Ces alternatives donnent surtout l’impression que les autorités flamandes essaient de faire avaler la pilule de l’élargissement du Ring. On y trouve néanmoins une alternative qui réduit la congestion sans recours à l’élargissement (celle proposée par Modal Shift ) : taxe kilométrique (péage urbain), fiscalité automobile (taxer les parkings de bureau, réduire voire supprimer l’avantage de la voiture de société = 37% des voitures sur le Ring à l’heure de pointe du matin,...), diminuer la vitesse sur le Ring à 100 km/h, placer des panneaux de signalisation dynamique en temps réel, politique volontariste et interrégionale des TC (harmonisation des tarifs, lignes transfrontalières, réseau RER,...), réseau de pistes cyclables, taxer. Il faut d’une part travailler sur nos déplacements en général (aménagement du territoire), ensuite réduire drastiquement la part de l’automobile et enfin rationnaliser la circulation du stock restant.
  • Ensuite, un MER stratégique devrait être établi pour octobre-novembre et qui devrait tenir compte de l’étude de mobilité. Parallèlement, une analyse coût-bénéfice (autre revendication de Modal Shift) devrait être réalisée pour mesurer l’efficience de chaque mesure proposée. L’élargissement du Ring est un projet très coûteux. Un meilleur résultat pourrait être atteint grâce à des mesures alternatives nettement moins dispendieuses. En attendant, le Plan MER Zaventem pourra se poursuivre dès que le MER stratégique sera finalisé.
  • Ce dossier pose la question de la concertation entre la RF et la RBC . Le 03/02 s’est tenue une concertation ministérielle relative à la mobilité inter-régionale (Brabant flamand) entre Hilde Crevits et Brigitte Grouwels (toutes deux du même parti CD&V). Le manque de concertation est patent. Déjà en 2008, la RF avait lancé son enquête publique sur le projet sans se concerter avec la RBC. Aujourd’hui, c’est la cacophonie entre la ministre bruxelloise de la mobilité et son secrétaire d’État, B. De Lille, qui s’est dit étonné, dans le courant du mois de mars de ne pas être au courant des échanges entre H. Crevits et B. Grouwels.
  • Le Plan IRIS 2 (horizon 2015) en cours de négociation au sein du gouvernement, aborde la question de l’élargissement du Ring. Il considère le projet de la RF comme trop capacitaire, demande l’étude d’alternatives en tenant compte du report modal du RER, la mise en place de bandes HOV pour privilégier les bus et le covoiturage et l’étude des impacts environnementaux du projet.
  • Il est fondamental que les Bruxellois se rendent compte de l’impact d’un tel projet sur Bruxelles et réagissent car pour le moment ils sont très silencieux.

Pour plus d’infos, consultez
www.modalshift.be.
www.ieb.be/elargissement-du-ring/.