Inter-Environnement Bruxelles
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Au Bempt, un projet de stade en (trop) bonne compagnie

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Samedi dernier, à l’invitation d’IEB, Natagora Bruxelles, des Naturalistes des Terres et du collectif Bempt, une quarantaine de naturalistes, confirmé·es ou débutant·es, ont arpenté la zone convoitée par la Royale Union Saint-Gilloise (RUSG) pour y implanter son nouveau stade : à l’extrémité nord du Parc du Bempt à Forest. Ce recensement s’inscrit dans un large diagnostic citoyen, qui relève les réseaux d’usages sociaux, sportifs et environnementaux du parc.

En effet, la communication des tenants du projet de stade minimise souvent la vitalité du parc et les activités régulières qui s’y déroulent ou dans ses environs. Ce samedi 10 mai, en deux heures, un peu plus de 120 espèces — végétaux, oiseaux, insectes principalement — ont été reconnues et encodées sur observations.be. Des ornithologues, entomologistes dendrologues ou botanistes se sont d’ailleurs engagé·es à revenir à d’autres moments du jour et de l’année pour approfondir le recensement. C’est important, car les relevés de ce site - piloté par Natuurpunt et Natagora sont régulièrement utilisés par les bureaux d’études pour réaliser les études d’incidences environnementales.

Pour citer Natagora : « Les recensements effectués permettront de mieux comprendre cet écosystème et ainsi de le protéger au mieux. La zone reprend plusieurs espaces tels qu’un marais, un petit bois, une friche, etc. On y retrouve également une prairie “entretenue” et des terrains d’entraînement. » Construire un stade à cet endroit met en danger un « petit paradis de biodiversité ». Par ailleurs, dans le bas de Forest, plus encore à cet endroit, la nappe phréatique est affleurante, et toute imperméabilisation aura des conséquences sur les abords du projet.

Une zone à défendre

Dans notre ville-région au territoire étriqué, il est grand temps de poser les priorités en matière de grands aménagements urbains. Rappelons que la zone convoitée est un terrain public, une ressource devenue aujourd’hui très rare : est-il responsable de la vendre à un promoteur privé — même à un club très populaire et, au demeurant, fort sympathique, qui brigue la première place de la Jupiler League ? Et quitte à bâtir sur une partie de la zone, ne conviendrait-il pas d’y construire un équipement sportif public, plus équitablement accessible, socialement et écologiquement ?

On sait qu’aujourd’hui, les enfants qui veulent adhérer à un club de foot amateur ou à des cours de natation doivent patienter sur liste d’attente. L’emprise du stade mordra sur les terrains existants — utilisés par au moins deux mille joueurs. Est-ce bien opportun ? Sans compter les très probables longs mois, voire années, d’embarrassants travaux : l’arrivée d’un stade bouleversera la vie du quartier et de ses alentours. Et, même dans l’hypothèse de leur maintien après travaux, les activités des clubs de sport amateurs — foot, rugby, dressage canin, pétanque, le célèbre Petit train à vapeur de Forest, la circulation des cyclistes de la promenade verte — seront assurément affectées par les restrictions d’accès et cordons policiers en vigueur lors des matchs.

Par ailleurs, à proximité, de nombreux immeubles à appartements sociaux (« ex-blocs jaunes », Messidor…), seront prochainement rejoints par d’autres immeubles privés et sociaux (± 400 appartements). Or, pour les habitant·es de ces logements, le Bempt est leur seul jardin. Enfin, en ces temps de restrictions budgétaires, il faut aussi s’inquiéter de la taille de l’ardoise régionale pour le réaménagement du parc, de la promenade verte et des voiries aux abords [1].

À toutes ces inquiétudes s’ajoutera une augmentation de la pression automobile sur un boulevard déjà fortement sollicité pour rallier la partie industrielle de Forest, la commune d’Anderlecht et la chaussée vers Uccle ou Drogenbos. Et le « parking model », basé sur un partenariat avec une entreprise voisine ayant quitté Bruxelles en laissant des milliers d’ouvriers au chômage, pose vraiment question quant à sa faisabilité.

Stopper le débat en chambre

Pour toutes ces raisons, il y a lieu d’ouvrir un large débat public afin d’étudier ensemble les alternatives à la construction d’un stade privé. Elles sont nombreuses : adapter le stade existant — quitte à décevoir les ambitions financières du club. Analyser les potentialités de mutualisation de stades, comme cela existe à Milan ou Bruges, par exemple. Et si le club s’entête à vouloir son « propre stade », n’y aurait-il pas un terrain plus bétonné, plus éloigné des habitations, moins public — et donc plus propice à l’accueillir ?

Par voie de presse, le club a annoncé vouloir soumettre sa demande de permis au printemps, ce qui a été reconfirmé par la secrétaire d’État Ans Persoons en Commission du développement territorial du 12 mai. Toutefois, d’autres informations évoquent la nécessité de produire une étude hydrologique indépendante, laquelle ne serait pas encore prête. Il règne donc une certaine incertitude sur le calendrier du projet — et donc sur l’avenir du Bempt.

Et, pendant ce temps, le Racing Club d’Anderlecht revient également avec des rêves de nouveau stade, trouvant son Lotto Parc vétuste ou plus adapté. Après avoir visé, dans les années 1990 et 2000, une partie de l’ex-gare de la Petite-Île, puis Neerpede, il porte désormais son attention sur le site du Cora d’Anderlecht — pas encore vidé de ses travailleuses. Décidément, les clubs bruxellois voient grand, chic et cher...


[1Engagements de financement liés à un projet d’accord cadre, daté de mai 2024. Toutefois, d’après la secrétaire d’Etat, il doit être encore finalisé pour approbation par le futur gouvernement bruxellois.